Assis à même le sol, les mains attachées dans le dos, regard sombre, un esclave en sculpture attire l’attention des visiteurs à l’entrée du musée national du Togo.
« C’est un esclave abattu par le poids de la souffrance. Cette sculpture est positionnée à l’entrée juste pour montrer notre mécontentement par rapport au phénomène de la traite des esclaves », explique Paa-ani Sanda-Nabédé, conservateur du musée.
Derrière cette sculpture en bois, est posée une vitrine où sont exposés des instruments de répression utilisés pour discipliner et maîtriser les esclaves « récalcitrants » : colliers à charnière, menottes, bâillons etc…
Au total 1354 objets sont exposés dans ce musée, le plus grand musée du pays, inauguré en 1975. Quatre personnes y travaillent.
« Dans le décret portant création de ce musée, plusieurs structures lui sont associées : le village artisanal, un parc animalier ou zoo, un jardin botanique et un parc d’habitat traditionnel. C’est en 1978 que le village artisanal a été créé. Mais jusqu’à ce jour, les autres structures n’ont pas encore été créées. Ce musée coiffe tous les autres musées (musées régionaux et communautaires) », précise M.Sanda-Nabédé.
Le musée national – situé derrière le Palais des congrès de Lomé – s’étend sur 450m2 et comprend deux pavillons: le pavillon ethnographique avec des objets liés aux différentes ethnies et la salle historique, qui retrace l’histoire du Togo.
Au pavillon ethnographique, sont exposés des objets qui ont trait au travail du fer, les instruments de musique, des pipes traditionnelles que les ancêtres utilisaient pour fumer du tabac, des sièges royaux et domestiques, des ustensils de cuisine, des outils de chasse et de guerre notamment des armes à feu traditionnels, la poterie usuelle et commerciale, des instruments de répression que les esclavagistes ont utilisé pour immobiliser les esclaves (menottes, chaînes, colliers, baillons), la vannerie etc…
On y trouve également des objets liés à des entités divines, des croyances endogènes. Par exemple, la divinité de la fécondité connue dans le temps, pour satisfaire les désirs de maternité de celles qui se confiaient à elle. Des statuettes en bois, représentant des jumeaux.
« Ces statuettes étaient très connues pour leur pouvoir, d’habiter l’âme du jumeau/jumelle décédé. Le survivant devait porter cette statuette sur lui, et l’entretenir sous peine de malédiction », souligne M.Sanda-Nabédé.
Toute une histoire
Dans le deuxième pavillon (ou salle historique) situé au sous-sol, sont placardées plusieurs photos liées à la période de l’esclavage en passant par la colonisation, les indépendances et l’archéologie : les photos des différents gouverneurs français et allemands, du premier pasteur allemand au Togo.
Au milieu de la salle, se dresse un impressionnant lit : « Ce lit appartient à Bonnecarrère premier gouverneur français. Il est venu au Togo en 1922 avec son lit. Et a quitté le pays en 1931. Ce lit va faire un siècle cette année », précise Sama Wembou, historien, chargé des études au Musée national.
Au fond de la salle, sont bien positionnées les photos de l’actuel chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé et des différents présidents (5 au total) ayant dirigé le Togo avant lui : Sylvanus Olympio (1960-1963), Nicolas Grunitzky (1963-1967), Kléber Dadjo (du 13 janvier au 13 avril 1967), Gnassingbé Eyadéma (14 avril 1967 au 5 février 2005) et El Hadj Abass Bonfoh (25 février 2005 au 03 mai 2005).
« Nous avons un musée moyen, mais très riche et bien entretenu. Comparé aux autres musées de la sous-région, le peu que nous avons, nous faisons les efforts possibles pour les conserver et les mettre dans des conditions optimales de conservation. Vous ne verrez pas de cafard, pas de fourmis, de geckos, d’insectes ou rongeurs se promener », rassure le conservateur du musée.
Le musée accueille en moyenne 8.000 visiteurs par an dont 55% de visiteurs nationaux, la plupart sont des élèves et des étudiants.
Les visiteurs nationaux s’intéressent aux objets ethnographiques, tandis que les visiteurs étrangers s’accrochent surtout aux choses mythiques : des masques, statuettes, divinités etc.
La Covid-19
La pandémie liée à la Covid-19 a fortement agi sur les activités du musée. Les portes sont été fermées au public du 22 mars 2020 au 12 janvier 2021 : « c’est un véritable manque à gagner pour l’économie nationale et pour des visiteurs », déplore M.Sanda-Nabédé.
Certains étudiants stagiaires et des chercheurs ont été sevrés pendant cette période de fermeture.
Actuellement, Aïcha Malle, une togolaise qui étudie au Canada et doctorante en ethnologie et patrimoine y fait son stage depuis le 7 mars.
« Ma thèse porte sur +la sauvegarde du patrimoine immatériel au musée national du Togo : état des lieux, problèmes, solutions+. Étant donné que plusieurs écrits ne mentionnent pas l’aspect immatériel que nous avons ici, j’ai décidé de me focaliser sur cet aspect, afin de donner une touche particulière aux études dans le domaine du patrimoine culturel », confie la stagiaire.
Comme toute entité, le musée national est également confronté à certaines difficultés : cadre pas très approprié pour la conservation… Le personnel plaide également pour la reprise des subventions consacrées aux « collectes » des objets pour enrichir davantage le musée, les fonds ont été supprimés en 1999.
Il y a des spécialités qui manquent au sein du musée notamment les scénographes, les restaurateurs (pour restituer des objets endommagés) et les taxidermistes (ils sont chargés de rendre l’apparence du vivant à la dépouille d’un animal, en vue de sa conservation ou de son exposition, si bien qu’on a l’impression que l’animal est toujours vivant). ). FIN
Ambroisine MEMEDE