Evolution sociale du Togo, 65 ans après son indépendance

Gilbert Bawara

Depuis son indépendance en 1960, l’évolution sociale du Togo, pays de huit millions d’habitants, n’est pas rectiligne. Son parcours a connu des hauts et des bas à savoir, une période harmonieuse, un temps de stagnation, une relance et le développement.

Le Togo, victime de sa démocratie

L’avènement de la démocratie au Togo comme dans tous les pays d’Afrique francophone, a permis la conquête des libertés individuelles et des avancées politiques. Ces acquis démocratiques, loin de contribuer au développement du pays en plein essor économique à l’époque, l’ont plutôt freiné.

La mauvaise gestion de la démocratie a conduit au libertinage, à la coupure de la coopération conjuguée à la grève générale illimitée. Cette crise socio-politique a assommé l’économie et le développement du pays.

Le ministre de la Réforme du Service public, du Travail et du Dialogue sociale, Gilbert Bawara a relevé, dans un entretien avec des journalistes de l’Agence togolaise de presse (ATOP), les conséquences de cette partie de l’histoire du Togo: « Mon objectif n’est pas d’incriminer qui que ce soit, ni de jeter le tort sur tel ou tel autre. Le plus important, ce sont les leçons et les enseignements que nous pouvons en tirer pour faire différemment. Parce que la crise sociopolitique et ses répercussions sur le plan économique, en termes de rupture brutale de l’élan de développement que notre pays avait amorcé, nous n’avons pas encore fini  de payer les conséquences de l’effondrement de l’économie, les conséquences de la suspension de la coopération avec les principaux partenaires au développement, les conséquences de la réduction drastique des ressources et des investissements dans tous les secteurs, aussi bien les grandes infrastructures, les grands équipements, mais surtout dans les secteurs sociaux, la santé, l’éducation, l’eau » a indiqué Gilbert Bawara en charge du Dialogue social.

Le développement du pays est stationnaire durant cette période. Il n’y avait plus pratiquement de construction d’écoles, de centres de santé, les avancements étaient bloqués, c’est-à- dire que les fonctionnaires continuent d’avancer, mais il n’y a plus d’effet financier, les pensions ne sont plus servies convenablement, de braves femmes et hommes dans les services publics sont contraints de quitter le pays pour se chercher ailleurs, les recrutements ne se faisaient plus et l’adduction d’eau est interrompue. Le constat est triste et déplorable.

Face aux défis l’apaisement du climat social était inévitable

La reconstruction du Togo après la crise socio-politique qui a duré plus d’une décennie et qui a mis à genou le pays n’est chose aisée. La crise politique a généré des conditions précaires.

«Les recrutements précaires notamment du Projet d’appui à la gestion de l’éducation (PAGED) dans le secteur de l’enseignement, un projet financé par la Banque mondiale mais les gens ne pouvaient pas être fonctionnaires parce que nous n’avons pas les garanties de la pérennité des financements. C’est parce que nous étions dans cette situation, que le phénomène d’enseignants volontaires s’est multiplié. Les communautés et les parents d’élèves étaient obligés de se saigner. Dans le secteur de la santé, s’est développé le phénomène d’agents contractuels, les comités de gestion ou COGES. Dans ce contexte, le gouvernement était obligé de fermer les yeux et de laisser les formations sanitaires recruter avec les recettes qu’elles faisaient», a relaté le ministre Bawara.

Arrivé au pouvoir en 2005, le président de la République Faure Essozimna Gnassingbé a fait face à de nombreux défis notamment la relance économique et l’apaisement du climat politique et social. Sa préoccupation première à l’époque était d’essayer d’apaiser les esprits selon le ministre Bawara.

Ainsi diverses mesures sont prises pour répondre aux besoins essentiels des populations togolaises, faire en sorte qu’une certaine sérénité puisse régner et créer les conditions de la réhabilitation de l’économie. Entre autres mesures, le dialogue social est relancé entre le gouvernement, les syndicats et le patronat. M. Gilbert Bawara a souligné que ce dialogue aboutit à un accord tripartite.

«Le gouvernement s’est engagé à payer progressivement les arriérés de salaire, à faire des gestes envers les fonctionnaires, à réintégrer certains agents publics, y compris dans le secteur de l’enseignement, qui avaient été licenciés parce que peut-être ils ont posé des actes répréhensibles. Ils ont été réintégrés dans la fonction publique. Et puis, on a commencé à redresser les régimes de sécurité sociale, payer les pensions qui n’étaient pas payées, redresser la Caisse nationale de sécurité sociale, recommencer à recruter», a rappelé le ministre.

Le dialogue tripartite a favorisé l’apaisement et la stabilité du climat social. M. Séraphin Djossou, retraité rencontré au niveau de GTA, a reconnu que ces mesures avaient soulagé les fonctionnaires et s’en félicite.

«Hier, nous travaillions sans avancement ou du moins les avancements se faisaient sur papier mais il n’y avait pas d’effet financier. Mais quand le président Faure est arrivé, j’étais de ceux qui l’ont décrié mais il a débloqué les avancements, a payé les arriérés de salaires et a accordé certains avantages aux enseignants et fonctionnaires. Nous étions très contents. Ce qui a fait que mon salaire a grimpé avant mon départ à la retraite. A la retraite, j’ai bénéficié des indemnités de départ à la retraite. C’est une bonne chose. Nous ne demandons qu’à vivre. Que dieu l’aide à continuer mais qu’il augmente encore les salaires car nous avons faim. La vie est très chère», a renchéri M. Djossou.

Le développement social et la relance économique

Les initiatives de dialogue politique et de réconciliation nationale et la reprise de la coopération structurelle avec les partenaires au développement ont favorisé l’apaisement et la stabilité du climat social.

Avec cette stabilité, la relance économique est amorcée permettant la prise de mesures spécifiques lors des crises et des inondations dans les années 2007 – 2008. La relance économique a permis la reprise des investissements dans divers domaines et la création d’emplois dans le secteur privé.

Les résultats du développement sont palpables. Dans le domaine de la santé, nous pouvons retenir : « À partir de 2010, 2011, le gouvernement réfléchit à la manière d’améliorer l’accès à la santé avec la création de l’INAM formalisée en 2011, 2012 en faveur des agents publics et assimilés. C’est parce que la Caisse nationale de sécurité sociale est mieux gérée et a retrouvé une santé financière que le gouvernement peut construire l’hôpital de référence, Dogta Lafiè avec des annexes à Kara et à Lomé. Le gouvernement peut relancer la modernisation du système de santé. L’assurance maladie est devenue une réalité, mais son opérationnalisation se fait de manière progressive», a souligné le ministre.

Une infirmière à Dogta Lafiè qui a recueilli l’anonymat, estime que l’hôpital est une fierté. « Je suis fière de travailler ici. Les conditions de travail sont très bonnes et cela te donne envie de te donner. Cela t’excite. Les appareils médicaux sont de première génération. Il reste à s’occuper de nous les travailleurs, je veux dire augmenter le salaire (sourire)», a-t-elle dit.

Un autre fonctionnaire pense que l’assurance maladie est une bonne chose mais le taux de prélèvement et les maladies prises en compte sont à revoir.

« Le taux de prélèvement de 5% du salaire est trop alors que tous les produits ne sont pas pris en compte par l’assurance qui nous permet de nous soigner et cela nous aide beaucoup. Beaucoup d’efforts restent à faire et il faut les encourager», a-t-il conclu.

Dans le secteur de l’enseignement, la construction, la réhabilitation des écoles et leur dotation en matériels didactiques ont repris. Plusieurs mesures sont prises pour favoriser l’accès à l’éducation à tous.

Cette mesure de gratuité des frais de scolarité sera complétée par la réduction des frais de scolarité pour les filles du premier cycle du secondaire (collège). Plus tard, le gouvernement a procédé à l’extension de la mesure de gratuité des frais de scolarité à tous les élèves des collèges et lycées publics (filles et garçons) à partir de l’année scolaire 2021-2022.

Récemment, pendant la COVID -19, le gouvernement pour lutter contre la pandémie, a annoncé la gratuité des frais d’inscriptions aux différents examens pour les apprenants des écoles publiques et privées. On note aussi l’ouverture des cantines scolaires pour retenir les élèves à l’école, un programme qui vise à offrir des repas scolaires réguliers aux enfants des communautés les plus pauvres.

De façon globale, les recrutements ont aussi repris. Le ministre Bawara a souligné qu’«entre 2024-2025, ce ne sont pas moins de 10.000 fonctionnaires qu’on a recrutés et qu’on est en train de recruter. On peut regarder ce que cela signifie en termes de masse salariale. Les augmentations périodiques des salaires. Rien qu’entre 2020 et 2025, c’est au moins 15% de relèvement de la valeur indiciaire. 5% le 1er janvier 2020 et 10% en septembre 2022. Donc ça fait 15%. Des mesures sociales, aussi bien au niveau de l’eau et de l’électricité pour les couches sociales vulnérables, et la poursuite de la subvention des produits pétroliers qui profite à tout le monde. C’est vrai qu’il y a débat sur l’impact de cette mesure, parce que quand tu vas à la pompe, on ne te demande pas si tu es conducteur de zémidjan, si tu es au chômage, pauvre, ministre, ou si tu es PDG avant qu’on ne te serve du carburant, donc cette mesure bénéficie à tout le monde, y compris à ceux qui ne le mériteraient pas».

Le pays se construit lentement mais sûrement. Les défis et les attentes des populations sont grands. Cette construction nécessite l’apport de tous les Togolais car beaucoup restent à faire dans tous les domaines dans un climat social apaisé et stable. Le dialogue social connaît un dynamisme dans notre pays.

«Il faut continuer à recruter pour donner du travail à ceux qui n’en ont pas, et ceux qui ont le travail souhaitent que le gouvernement améliore leur salaire, augmente leur salaire. Il faut veiller à ce que nos producteurs et nos agriculteurs soient soutenus, accompagnés, en engrais, en intrants, et de toute autre manière. Il faut faire en sorte que la compétitivité de notre port soit préservée et même renforcée, en continuant de construire les routes. Il faut desservir les zones de production avec des pistes rurales. Avec des ouvrages de franchissement. Il faut continuer à développer des équipements marchands dans nos villages, les gares routières, les marchés, qui doivent être des lieux de vie social et économique. Il faut accompagner les jeunes qui s’installent dans les Zones d’Aménagement Agricole Planifiées (ZAAP), dans les agropoles», a indiqué le ministre de la Réforme du Service public, du Travail et du Dialogue social.

Selon son collègue chargé de l’agriculture, le Togo dispose au total de 222 agropoles couvrant une superficie totale de 32 230 hectares.

Cette relance de l’économie et du développement social est quelque peu amochée par la pandémie de la COVID-19 et la crise Russie-Ukraine rendant la vie chère aux populations. Cependant le gouvernement est conscient, ne baisse pas les bras et multiplie les mesures pour accompagner la population afin de la soulager.

«Le phénomène d’inflation et de la vie chère, ce n’est pas seulement quelque chose de purement togolais, mais nous essayons de faire le maximum. La solution définitive, c’est l’augmentation de la production nationale. La production nationale, ça ne se décrète pas. C’est un ensemble de facteurs qu’il faut associer. Il faut aussi tenir compte des changements climatiques. Dans mon enfance, jusqu’à un certain âge, dans mon village, généralement, le 27 avril, à la fin des défilés, et entre le 27 avril et le 1er mai, on était dans les champs, pour le petit mille. Mais aujourd’hui, si vous allez dans mon village, jusqu’au mois de mai, pratiquement jusqu’à fin mai, les gens ne cultivent pas, parce qu’il n’y a pas de pluies. Donc, est-ce que nous avons suffisamment changé les habitudes culturelles ? Nous ne les avons pas changées. Peut-être que cela irait avec beaucoup plus de moyens, des retenues d’eau pour produire et irriguer», a expliqué M. Bawara.

Préserver l’intégrité du territoire national

L’Etat consacre également beaucoup de moyens en ressources humaines, matérielles et logistiques, pour préserver l’intégrité du territoire, pour défendre et protéger les populations, et leur permettre de vaquer à leurs occupations. Ainsi des jeunes sont recrutés dans l’armée, dans la gendarmerie, dans la police et au niveau du CIPLEV (Comité Interministériel de Prévention et de Lutte contre l’Extrémisme Violent) qui est une réponse contre l’insécurité et l’extrémisme violent dans la région des Savanes.

«Chacun doit avoir la possibilité d’apporter sa contribution, quelle qu’elle soit, où qu’elle se trouve. Même ceux qui nous critiquent, nous ne pouvons pas leur en vouloir, parce que parfois, dans leurs critiques, dans leurs propos, dans leur attitude, ça peut nous obliger à nous interpeller, à nous demander est-ce que nous faisons le maximum, est-ce que nous sommes parfaits, est-ce qu’il n’y a pas des choses qu’on peut faire différemment, est-ce qu’il n’y a pas des choses qu’on peut améliorer. Et donc, ce souci de la cohésion, ce souci d’amener chacun à participer à cette œuvre de développement du pays».

A la veille du 65e anniversaire d’indépendance, les Togolais doivent être fiers du chemin parcouru, des avancées sociales majeures obtenues dans tous les secteurs de la vie nationale. Ils doivent redoubler d’engagement patriotique parce que le contexte nous oblige à la vigilance et à une mobilisation patriotique.

Source : ATOP (Agence Togolaise de Presse)