
Les contours d’un possible cessez-le-feu dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) sont restés flous mercredi, au lendemain d’une rencontre surprise à Doha entre les présidents de la RDC Félix Tshisekedi et du Rwanda Paul Kagame.
Ces derniers mois, le conflit dans l’est de la RDC s’est intensifié: le groupe armé M23 ( »Mouvement du 23 mars »), piloté selon des experts de l’ONU par l’armée rwandaise, a lancé fin janvier une offensive d’envergure et s’est emparé en l’espace de quelques semaines des deux grandes villes de l’Est congolais, Goma et Bukavu.
Mardi soir, alors que l’Angola, médiateur de l’Union africaine (UA) dans la crise, informait qu’à Luanda des négociations de paix prévues entre Kinshasa et le M23 n’avaient finalement pas eu lieu, le Qatar annonçait contre toute attente que des discussions entre les présidents congolais et rwandais s’étaient tenues dans la journée à Doha.
La rencontre sous médiation de l’émir Tamim ben Hamad Al-Thani avait été organisée dans le plus grand secret.
Selon un communiqué du ministère qatari des Affaires étrangères, les deux chefs d’Etat africains qui nourrissent une animosité mutuelle et ont tour à tour par le passé fait faux bond à des tentatives de négociations, ont réaffirmé leur «engagement» en faveur d’un cessez-le-feu.
Quasi aucune information n’a filtré sur le contenu des discussions entre les deux hommes à propos de ce possible cessez-le-feu. La présidence congolaise a déclaré dans un communiqué diffusé mercredi que les deux chefs d’Etat « ont convenu d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel », tandis que Kigali n’a pas utilisé le terme, se contenant sur X d’évoquer « un dialogue constructif ».
Les tractations doivent se poursuivre pour « établir des bases solides pour une paix durable », selon le Qatar qui a joué un rôle diplomatique important dans plusieurs crises ces dernières années dont le conflit israélo-palestinien, la guerre au Yémen mais aussi au Darfour et en Afghanistan.
Pour être effectif, le cessez-le-feu devrait nécessairement impliquer le M23, lequel n’a pas commenté la rencontre de Doha.
L’UA s’est félicitée mercredi dans un communiqué de l’«engagement pour le dialogue » des présidents congolais et rwandais.
Aéroport qatari au Rwanda
« Kinshasa était réticente jusqu’ici à une médiation du Qatar parce que le pays est perçu comme proche de Kigali notamment avec ses investissements au Rwanda », explique à l’AFP Trésor Kibangula, analyste politique à l’institut de recherche Ebuteli à Kinshasa. La riche nation du Golfe avait déjà fait une tentative en 2023, rappelle l’expert.
Le Qatar, qui a signé ces dernières années plusieurs accords-cadre d’investissements avec Kinshasa et Kigali, finance entre autres au Rwanda, à hauteur de plus d’un milliard de dollars, la construction d’un futur hub aéroportuaire proche de la capitale.
Selon une source proche de la présidence congolaise, les discussions pour un cessez-le-feu porteront désormais sur la mise en œuvre d’une feuille de route adoptée lundi à Harare lors d’une réunion ministérielle conjointe des deux blocs régionaux des pays d’Afrique de l’Est (EAC) et d’Afrique australe (SADC).
Début février les chefs d’Etat des deux régions réunis en Tanzanie avaient appelé à un « cessez-le-feu immédiat » pour tenter de mettre un terme au conflit qui fait craindre un embrasement régional.
Cette feuille de route consultée par l’AFP prévoit notamment « une déclaration de cessez-le-feu permanent » dans les quatre mois avec un soutien des Casques bleus pour sécuriser les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Jusqu’ici, toutes les tentatives diplomatiques pour mettre fin au conflit en RDC ont échoué. Une demi-douzaine de cessez-le-feu et trêves ont déjà été signés depuis la résurgence du M23 fin 2021, puis violés.
Mi-décembre, les présidents Tshisekedi et Kagame devaient se rencontrer à Luanda en vue d’un accord sur la base d’une feuille de route similaire. Les deux parties n’ont jamais réussi à s’accorder sur les termes, et le sommet avait été annulé à la dernière minute.
L’est de la RDC, région riche en ressources naturelles et frontalière du Rwanda, est ravagé depuis 30 ans par des violences impliquant une myriade de groupes armés ainsi que certains pays voisins de l’immense nation d’Afrique centrale, défendant leurs propres intérêts notamment économiques.
Les dernières violences ont fait plusieurs milliers de morts et forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer, selon l’ONU et le gouvernement congolais.
Source : Afp