
Les enfants de moins de 5 ans représentent la grande majorité des décès liés au paludisme, maladie qui a fait 600.000 décès en 2023, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’OMS souligne que leur système immunitaire n’étant pas encore entièrement développé, il n’est pas en mesure de combattre les parasites du paludisme. Le vaccin contre le paludisme se présente comme un bouclier sûr et efficace contre le paludisme chez les enfants de moins de cinq ans. Et pendant les saisons à forte transmission, l’OMS recommande la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS) chez les enfants de 3-59 mois.
La question était au centre d’un panel qui a regroupé du 25 au 28 février, des experts à Lomé. A la fin d’un des panels, Savoir News a tendu son micro à Dr Payakissim Atekpé (Coordonnateur du PNLP).
Savoir News : La chioprévention du paludisme saisonnier, c’est quoi concrètement ?
Docteur Atekpé : La Chimioprévention du paludisme saisonnier ou CPS consiste selon l’OMS, en l’administration intermittente d’un traitement complet de trois jours par un antipaludique aux enfants cibles pendant la saison de haute transmission du paludisme pour éviter la maladie, l’objectif étant de maintenir des concentrations thérapeutiques de médicament antipaludique dans le sang pendant la période où le risque de contracter le paludisme est plus élevé.
Quand est-ce la CPS a démarré au Togo et quelle est la situation aujourd’hui ?
La CPS a démarré au Togo en 2013 avec la région des Savanes (extrême-nord) avec quatre (04) districts. En 2014 elle a été étendue à tous les districts de la Savanes, aux régions Centrale et Kara en 2016 puis en 2024 à quatre (04) districts de la région des plateaux. A ce jour 23 districts du Togo sont ciblés par ce traitement. Et avec la stratification, nous avons pu passer de 4 mois de traitement (4 cycles) à 5 mois (5 cycles). Depuis lors, nous avons pu remarquer entre 2021 et 2023 une augmentation de l’incidence du paludisme de 21% dans les zones non CPS contre 9% dans les zones CPS ce qui témoigne de l’efficacité de l’intervention.
La CPS est une intervention à haut impact pour vraiment faire reculer le paludisme dans nos pays. La stratégie couvre plus de 600.000 enfants de 3-59 mois dans les régions Savanes, Kara, Plateaux et Centrale.
Quels sont les obstacles liés à la mise en œuvre de la CPS ?
Nous rencontrons plusieurs obstacles dans la mise en œuvre de cette intervention dans nos communautés dont les principaux sont : les obstacles liés à l’adhésion des bénéficiaires (le refus des parents dans certaines communautés en raison des rumeurs), le non-respect du schéma de traitement notamment les doses de médicament à administrer aux enfants par les parents et la gestion des données collectées par les distributeurs.
Notre principal défi, c’est la digitalisation. Et depuis que nous avons digitalisé la CPS, les distributeurs communautaires de ces médicaments, utilisent leurs appareils téléphoniques pour nous envoyer des données. Et il arrive que le distributeur envoie deux fois les mêmes données et ainsi de suite, mais nous sommes en train de revoir cette application (avec toutes les parties prenantes) pour la rendre meilleure.
L’un des panels de la réunion des parties prenantes de la CPS a abordé la prise en compte des enfants zéro dose à travers la CPS. De quoi s’agit-il concrètement ?
Il s’agit essentiellement l’optimisation des offres de services de santé avec de l’intégration de la recherche des enfants zéro dose ou incomplètement vaccinés à la campagne de chimio-prévention du probabilisme saisonnier. En effet, les enfants n’ayant reçu aucune dose de vaccins de base selon le calendrier vaccinal au Togo sont appelés enfants zéro dose et ceux n’ayant pas reçu tous les vaccins requis selon leur âge sont dit incomplètement vaccinés.
Il y a des enfants qui échappent à la vaccination au Togo ?
Au Togo, les équipes sur le terrain ont pu identifier un peu plus de 8000 enfants zéro dose dans 23 districts sanitaires. Et pour mener cette intervention, nous avons été soutenus par le partenaire Malaria Consortium, à qui nous disons merci.
Parmi ces enfants identifiés zéro dose, nous avons pu rattraper 75% dans les formations sanitaires (ou alors les équipes de vaccinateurs qui sont allées de village en village en stratégie avancé). C’est un grand pas car nous savons que tant que l’enfant est protégé par un vaccin, mieux ça vaut.
Quel est l’incidence de la suspension du financement des Etats unis sur la mise en œuvre de la CPS dans notre pays ?
Les États-Unis nous aidaient dans l’implémentation de la chimio prévention du paludisme saisonnier. Au Togo, nous avons 39 districts sanitaires, parmi lesquels 23 mènent la CPS. Sur ces 23 districts sanitaires qui mènent la CPS, les quatre (04) districts de la région des plateaux (19% des enfants cibles) sont entièrement soutenus par la subvention des États-Unis. Mais nous avons eu la chance, que les médicaments avaient déjà été achetés. Donc, malgré la suspension, ils ont accepté que ces médicaments puissent nous être livrés. Et nous les avons reçus. Le principal défi est aujourd’hui lié aux coûts opérationnels. C’est un défi commun à tous les pays bénéficiant du financement des USA.
Cette suspension prévue pour durer 90 jours pourrait perdurer …
Lors de la réunion de Lomé, nous nous sommes dits à l’unanimité, qu’il est temps de développer des stratégies pour nous prendre en charge. Et donc, nous avons réfléchi à comment utiliser les financements dont nous disposons aujourd’hui à bon escient, de façon très efficiente, au cas où cette suspension venait à perdurer. Si en revanche, le financement reprenait, on sera toujours preneurs. Quoi qu’il advienne, l’essentiel pour nous, c’est que la CPS ne soit pas interrompue, parce qu’elle nous a permis de réduire l’incidence du paludisme dans les zones cibles. Et nous ne souhaitons pas retourner à la case départ à cause de la suspension du financement des Etats unis.
Alors, aujourd’hui, la vaccination contre le paludisme est une réalité dans beaucoup de pays. Où en est le Togo ?
Effectivement. Aujourd’hui, l’idée est de parler de la vaccination contre le paludisme. Et nous nous sommes rendu compte que tous les pays qui nous entourent ont déjà introduit le vaccin. Le Ghana l’a introduit depuis 2019, le Bénin l’a introduit il y a un an, le Burkina il y a deux ans et bien d’autres pays en Afrique comme la Côte d’Ivoire, le Cameroun. Seuls le Mali et le Togo n’ont pas encore introduit le vaccin contre le paludisme. Le Mali va démarrer au mois d’avril et le Togo va aussi rentrer dans la danse. C’est déjà planifié et notre pays se prépare…
Concrètement une date, un mois…
Le vaccin sera introduit au cours du mois de septembre de cette année. Nous sommes déjà en train de mener toutes les activités préparatoires, et nous sollicitons la presse, à nous aider à relayer l’information parce que tous les pays qui l’ont introduit sont en train de partager avec nous de très bonne expérience, le fait qu’ils ont pu régresser considérablement l’incidence du paludisme et le nombre de décès liés au paludisme chez les enfants. Et nous espérons qu’avec introduction de ce vaccin prévue cette année, qu’on puisse continuer à faire régresser le paludisme au Togo.
Dr Atekpé, pourquoi trainer jusqu’en septembre ?
Nous allons jusqu’à septembre parce que le plan d’introduction nécessite plusieurs activités préparatoires. Il faut former les différentes personnes qui vont vacciner. Il faut sensibiliser la population sur les périodes au cours desquelles les enfants vont recevoir ces vaccins et avoir leur adhésion totale. Donc à cinq mois, à six mois, à sept mois et à dix-huit mois. Donc il faut vraiment faire de la communication pour que les gens soient informés. Il faut former les vaccinateurs. Il faut déployer les vaccins. Dans les différents districts, il faut s’assurer que tous les mécanismes de conservation des vaccins sont vraiment optimaux avant la mise en œuvre proprement dite.
Nous avons combien de districts sanitaires au Togo ? Avons-nous suffisamment de vaccin pour couvrir tous les districts sanitaires ?
Nous avons 39 districts sanitaires, et le Togo a de la chance. Les autres pays n’ont pas eu suffisamment de vaccins pour couvrir toute l’étendue de leur territoire. Les quantités dont nous disposons, nous permettra de couvrir les cibles dans tous les 39 districts sanitaires.
Un mot pour clore cet entretien…
Le vaccin contre le paludisme sera introduit au Togo courant le mois de septembre 2025. Et nous appelons la presse à nous soutenir, à soutenir les autres interventions de lutte contre le paludisme au Togo, en relayant les informations sur les mesures de prévention et la prise en charge du paludisme auprès des populations pour leur adhésion. FIN
Propos recueillis par Ambroisine MEMEDE