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Des « anomalies » ont été décelées dans la gestion des finances publiques au Sénégal entre 2019 et 2024, sous l’ex-président Macky Sall, a relevé mercredi la Cour des comptes dans un rapport qui remet en cause les chiffres officiels sur notamment la dette et le déficit budgétaire.
Ce document est publié après que le régime du président Sall (2012-2024) a été accusé fin septembre par le Premier ministre Ousmane Sonko d’avoir falsifié les chiffres des finances publiques.
« L’encours total de la dette de l’administration centrale budgétaire s’élève à 18.558,91 milliards de FCFA, au 31 décembre 2023, et représente 99,67% du PIB », un taux « supérieur » au montant annoncé par le précédent régime, indique le rapport sur la période allant de 2019 au 31 mars 2024.
Le déficit budgétaire qui était annoncé par l’ex-gouvernement « est inférieur à celui reconstitué par la Cour » des comptes, une juridiction indépendante, ajoute le rapport.
Le chiffre « recalculé » par la Cour pour l’année 2023 est par exemple de 12,3% contre 4,9% annoncés. M. Sonko avait fin décembre décrit une situation des finances publiques « catastrophique » avec, selon lui, un déficit budgétaire atteignant 10,4% du PIB et une dette publique représentant 76,3% du PIB.
La Cour dit avoir constaté « des discordances sur l’encours de la dette publique, des anomalies dans les surfinancements (de projets opérés par l’Etat) et des manquements dans la gestion de (ses) dépôts » bancaires.
Elle pointe aussi « une dette bancaire importante contractée hors circuit budgétaire » et « non retracée dans les comptes de l’Etat », et des « tirages sur ressources extérieures supérieurs à ceux affichés » par l’ancien gouvernement.
« Plusieurs manquements graves »
Par ailleurs, l’institution de contrôle indique que les faits relatés dans le rapport sont « présumés constitutifs de fautes de gestion, de gestions de fait ou d’infractions à caractère pénal ».
Ils « feront l’objet, le cas échéant, de déférés, de référés ou de déclarations provisoires de gestion de fait », ajoute-t-elle.
Le rapport « met en lumière plusieurs manquements graves qui nécessitent des actions immédiates » pour les corriger, a réagi le gouvernement dans un communiqué publié mercredi après le conseil des ministres.
La « trajectoire d’endettement (de l’Etat) doit être rapidement inversée pour préserver la soutenabilité des finances publiques et éviter de compromettre les équilibres économiques de long terme », ajoute-t-il.
« Nous nous félicitons de la publication du rapport d’audit final » de la Cour qui « témoigne de l’engagement des autorités en faveur d’une plus grande transparence », a affirmé mercredi un porte-parole du Fonds monétaire international (FMI) à l’AFP.
Le FMI « analysera désormais le rapport en vue d’engager le processus de déclarations erronées, qui comprend des consultations internes ainsi que des échanges constructifs avec les autorités », a dit ce porte-parole.
L’institution « réaffirme son engagement à accompagner les autorités (sénégalaises) dans la suite du processus », a-t-il ajouté.
Un porte-parole FMI avait confirmé début novembre à l’AFP que le Fonds avait suspendu son programme d’aide actuel « en attendant que la Cour des comptes (sénégalaise) valide le rapport d’audit » dont le gouvernement a présenté les conclusions fin septembre.
« On se demande où était la Cour » des comptes pendant la période contrôlée, a réagi Youssou Diallo, un soutien de l’ancien président Sall, joint mercredi par l’AFP.
« L’ensemble des dirigeants de la Cour doivent démissionner. Ce sont des institutions qui fonctionnent au gré de ceux qui sont au pouvoir », a-t-il poursuivi, sans se prononcer sur le fond du rapport.
Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, élu en mars, prône la rupture avec le système.
Source : Afp