Co-écrit par Shawn Baker (Chief program officer chez Helen Keller Intl) et Marie Daba Ngom, Project manager chez Haskè Ventures.
La malnutrition, responsable de la perte de plus de 3,5 trillions de dollars par an pour l’économie mondiale, reste l’un des principaux facteurs de mortalité à l’échelle mondiale, touchant particulièrement les jeunes enfants et les femmes.
Un aspect de ce fardeau reste particulièrement invisible, les carences en vitamines et minéraux essentiels, qui affectent 1,2 milliard de femmes et 372 millions de jeunes enfants. Les impacts de ces carences sont dévastateurs, y compris la cécité due à la carence en vitamine A, le retard dans le développement cognitif dû à la carence en iode, les anomalies du tube neural dues à la carence en folate et l’anémie due à la carence en fer.
Ces carences constituent ainsi un grave problème de santé publique et un obstacle majeur au développement socio-économique de la société. Pourtant, une solution efficace à ces carences a fait ses preuves depuis 100 ans, l’enrichissement alimentaire à grande échelle.
L’enrichissement alimentaire consiste à ajouter des vitamines et des minéraux essentiels, tels que le fer, l’iode et la vitamine A, l’acide folique et le zinc à des aliments de base et des condiments couramment consommés comme le sel, les farines et les huiles sans en altérer, la couleur, le goût et la texture. Cette intervention simple et abordable peut avoir des effets profonds sur la santé publique et le développement économique. Chaque dollar investi génère en moyenne 27 $ en rendements économiques grâce à la prévention de maladies, à l’amélioration des revenus et à l’augmentation de la productivité du travail[1].
L’enrichissement du sel en iode a démarré il y a cent ans et a connu des résultats spectaculaires. En 1993, 113 pays dans le monde enregistraient des niveaux de carences en iode qui constituaient un problème de santé publique. En 2021, ce fléau ne persistait que dans 21 pays.
L’Afrique de l’Ouest a marqué des progrès significatifs dans l’enrichissement alimentaire. Un programme régional est en cours depuis les années 2000. En plus de l’enrichissement du sel en iode, la farine de blé est enrichie en fer et acide folique et l’huile alimentaire est enrichie en vitamine A selon les normes établies pour l’ensemble de la sous-région.
Le Sénégal est au centre de ces efforts, ayant adopté l’enrichissement obligatoire du sel en iode en 1994 et l’enrichissement obligatoire de la farine de blé et des huiles végétales en 2009. Le Comité Sénégalais pour la Fortification des Aliments a joué un rôle clé dans l’adoption de ces mandats. L’Association sénégalaise de la normalisation a appuyé d’autres pays de la sous-région pour établir les normes appropriées.
Une alimentation saine et nutritive est au cœur du développement économique et social. Elle est essentielle pour réduire les inégalités, éliminer la pauvreté et renforcer le capital humain. En permettant aux individus de mieux se nourrir, l’enrichissement alimentaire contribue à sauver les vies, favorise le développement cognitif et accroît la productivité. Cela se traduit par des retombées économiques positives pour les nations, tout en contribuant à des systèmes alimentaires plus sains et plus équitables.
Pour Akinwumi Adesina, le président de la Banque africaine de développement (BAD), « Investir dans l’enrichissement des aliments, c’est investir dans l’avenir de l’Afrique ». En enrichissant notre alimentation en micronutriments vitaux, nous pouvons offrir à nos enfants le meilleur départ possible dans la vie et les aider à atteindre leur plein potentiel.
Quand même les foyers les plus pauvres ont accès à une alimentation leur fournissant les apports nécessaires en vitamines et minéraux essentiels, le bien-être général s’améliore, et les sociétés deviennent plus résilientes en période de crise. En bref, l’enrichissement alimentaire avance notre objectif ultime : des régimes alimentaires sains, nutritifs, sûrs, accessibles et produits localement pour tous.
Malgré ses avantages clairs, l’enrichissement alimentaire n’a pas encore atteint son plein potentiel. En 2023, l’Assemblée Mondiale de la Santé a adopté une résolution appelant aux États membres et aux partenaires d’accélérer la lutte contre les carences en nutriments essentiels à travers l’enrichissement alimentaire. C’est dans cet esprit que la Fondation Gates a organisé une consultation avec les professionnels de l’enrichissement alimentaire en avril 2024 au Cap, en Afrique du Sud, pour identifier les actions concrètes pour répondre à cette résolution.
Mme Beza Beshah, fondatrice de l’association HOPE Spina Bifida and Hydrocephalus, qui a elle-même perdu un fils suite aux effets des anomalies du tube neural dues à la carence en folate, a lancé un appel aux participants « En tant que parents d’enfants touchés par les anomalies congénitales, nous appelons d’urgence toutes les parties prenantes d’agir rapidement pour assurer l’accès aux aliments enrichis. Sauvons les vies et renforçons la santé des communautés ensemble ».
La fortification devra être mise en œuvre dans ces pays.
Les véhicules alimentaires identifiés comme vecteur potentiel pour la fortification à grande échelle comprennent le sel, l’huile végétale, le sucre, les farines de blé et de maïs et les cubes de bouillon.
La fortification alimentaire à grande échelle est une stratégie qui peut s’appuyer sur les programmes et canaux de distribution existants et ne nécessite pas de changement dans les régimes alimentaires des populations cibles.