Chaque semaine en Afrique subsaharienne, 3.100 filles contractent le VIH. Les inégalités croisées telles que : la discrimination, les privations, les mariages et les grossesses précoces ainsi que l’abandon scolaire, sont autant de facteurs qui mettent les jeunes femmes en danger et augmentent les risques auxquels elles sont confrontées. Par Winnie Byanyima (Directrice Exécutive de l’ONUSIDA)
Pour autant, nous savons ce qu’il faut faire pour que les jeunes filles soient en sécurité et autonomes. Le maintien d’une fille à l’école secondaire peut réduire son risque de contracter le VIH jusqu’à 50 %. En plus d’un certain nombre de mesures nécessaires à l’achèvement de la scolarité, il est essentiel de fournir une éducation sexuelle holistique, de garantir l’accès aux services de la santé et de la reproduction, de lutter contre les violences basées sur le genre et de permettre l’autonomisation des jeunes filles. Toutes ces mesures nous permettront de réduire les taux d’infection à VIH, les grossesses précoces et d’assurer ainsi un avenir meilleur à nos chères filles – et à notre continent.
C’est dans cet optique que l’initiative Education Plus, qui rassemble les forces et les compétences de cinq agences des Nations Unies – ONUSIDA, ONU Femmes, UNICEF, UNESCO et FNUAP – de la société civile et des partenaires internationaux, a été lancée pour soutenir les pays d’Afrique. Le Bénin a été l’un des premiers pays à adopter cette initiative, et à démontrer son impact.
Ma visite au Bénin en septembre dernier, a été une source d’inspiration. J’ai pu en effet constater les gains extraordinaires déjà obtenus grâce à l’initiative Education Plus dans le pays, et surtout j’ai pu personnellement apprécier ce qu’il reste à faire pour que nous puissions continuer à avancer ensemble.
En 2020, le gouvernement du président Patrice Talon a pris des mesures audacieuses pour intégrer les principes de l’initiative Éducation Plus dans la politique nationale –, et les premières études montrent déjà les bénéfices obtenus. Le nombre de filles qui terminent leurs études secondaires a augmenté de plus de 15 %, et ces filles peuvent s’attendre à une augmentation de 18 % de leurs revenus. Nous espérons que le fait de savoir qu’elles auront ainsi un meilleur avenir et un revenu plus élevé, incitera les filles et leurs familles à rester à l’école.
Au Benin, à travers Education Plus, le gouvernement a élaboré un programme technique qui mobilise sept ministères, pour répondre aux besoins éducatifs et socioculturels des adolescentes et des jeunes femmes, en mettant l’accent sur l’éducation, l’emploi, la lutte pour les droits des femmes et des filles, et la lutte contre les violences sexistes.
Le gouvernement met en œuvre des réformes, notamment des lois visant à empêcher les relations sexuelles entre enseignants et élèves. Il s’est engagé à garantir la disponibilité des financements nécessaires aux programmes, notamment en créant une ligne dédiée à la riposte au VIH à partir de 2026. Il s’agit d’augmenter la collaboration intersectorielle afin de répondre aux besoins éducatifs, sociaux et sanitaires des filles de manière globale.
Au cœur des progrès réalisés au Bénin, il faut noter le plaidoyer fait par les femmes pour les femmes. En effet, les femmes parlementaires se sont mobilisées pour faire un plaidoyer en faveur des lois visant à lutter contre la violence et la stigmatisation des filles liée au VIH. La Première dame pour sa part, s’est mobilisée pour l’amélioration de l’accès des filles à l’information sur la santé et la reproduction. Les résultats obtenus jusqu’ici, mettent en évidence le lien intrinsèque qui existe entre l’éradication du sida et l’égalité des sexes.
Et si nous sommes tous conscients et fiers des progrès réalisés, nous sommes aussi conscients des efforts qu’il reste à faire au Bénin, et dans la sous-région Afrique de l’Ouest et du Centre, pour qu’aucune fille ne soit laissée pour compte. Tous les partenaires (gouvernement, société civile, etc.) ont rappelé qu’il subsiste encore des normes culturelles qui limitent les aspirations des filles. Il s’agit entre autres du mariage précoce et de l’exploitation des enfants et des femmes en tant que « vidomégon » (enfants-esclaves). Ils rappelé que les réformes juridiques, bien que vitales, sont insuffisantes, et qu’il est nécessaire de renforcer les campagnes communautaires, pour lutter contre ces pratiques néfastes.
Ils ont rappelé que le fait que des jeunes s’engagent auprès d’autres jeunes est crucial, notamment pour la sécurité des jeunes. En effet, les jeunes représentent aujourd’hui 31 % des nouvelles infections à VIH (63 % chez les filles). Des études récentes ont montré que les connaissances en matière de prévention du VIH au Bénin en dix ans, ont diminué de 61 % à 11 %. On note aussi une nette diminution de l’utilisation du préservatif durant cette même période. Pour y remédier, il est essentiel d’augmenter les campagnes de prévention du VIH menées par les communautés.
Nous pouvons mettre fin au sida. Les progrès réalisés au Bénin et les projets visant à maintenir et accélérer ces progrès, doivent être une source d’inspiration pour les autres pays de la sous-région. Les ministres de l’éducation des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre se sont engagés l’année dernière à œuvrer pour une région où tous les jeunes ont un accès libre aux soins de santé, à l’éducation et à l’égalité des sexes. Avec une collaboration audacieuse, cette vision peut devenir réalité, et ainsi les filles ne seront plus freinées par les inégalités, mais pourront réaliser leur plein potentiel.
Par Winnie Byanyima (Directrice Exécutive de l’ONUSIDA)