Trente-sept prévenus, dont trois Américains, ont été condamnés vendredi à la peine de mort par un tribunal militaire de Kinshasa au procès de la « tentative de coup d’Etat » que l’armée de la République démocratique du Congo a dit avoir déjouée en mai.
« Le tribunal prononce la peine la plus forte : la peine de mort », a répété à la lecture du verdict pour chacun des condamnés le major Freddy Ehume, président du tribunal siégeant dans la prison militaire de Ndolo.
Le procès se tenait depuis début juin dans l’enceinte de l’établissement où les accusés sont incarcérés. Les condamnés à la peine capitale ont été reconnus coupables d’association de malfaiteurs et d’attentat mais aussi de terrorisme sauf pour l’un d’entre eux.
Six sont de nationalités étrangères: trois Américains nés aux Etats-Unis, ainsi qu’un Belge, un Britannique et un Canadien, tous les trois des Congolais naturalisés. La salle, debout, est restée prostrée dans le silence à l’annonce successive des peines capitales.
Les prévenus, en tenue bleue et jaune, assis depuis des heures sur des chaises en plastique et parqués derrière des barricades, ont gardé un visage grave. Le porte-parole du département d’Etat américain Matthew Miller a déclaré vendredi lors d’un briefing que l’ambassade des Etats-Unis en RDC, qui a assisté au procès, « continuera à suivre la situation » et un éventuel appel.
Des avocats de la défense ont indiqué à l’AFP leur intention de déposer un recours dans le délai légal de cinq jours, dénonçant « une décision honteuse teintée de mauvaise foi ».
Certains défenseurs des droits avaient souligné « l’opacité » autour des interrogatoires menés pendant l’enquête. Sur 51 prévenus au total, 14 ont été acquittés : l’instruction a démontré qu’ils n’avaient « aucun lien » avec l’affaire, a déclaré le tribunal.
Cette annonce a été suivie d’une clameur dans l’assistance composée notamment de proches qui ont écouté, sous la grande tente placée dans une des cours de la prison faisant office de tribunal, la lecture de la décision qui a duré plus de quatre heures. Le ministère public avait requis la peine de mort pour 50 prévenus, le dernier ayant été déclaré atteint de « troubles psychologiques ».
« Concepteur du coup »
Le procès n’a finalement apporté que peu de lumière sur les motivations des membres de l’opération, manifestement mal préparée pour renverser un régime, et ses éventuels commanditaires.
Le 19 mai en fin de nuit à Kinshasa, dans le quartier huppé de la Gombe, plusieurs dizaines d’hommes armés avaient attaqué le domicile d’un ministre, Vital Kamerhe, devenu depuis président de l’Assemblée nationale. Deux policiers commis à sa garde avaient été tués.
Les assaillants avaient ensuite investi le palais de la Nation non loin, bâtiment historique vide la nuit abritant des bureaux du président Félix Tshisekedi.
Les membres du commando s’y étaient filmés brandissant le drapeau du Zaïre, ancien nom de la RDC du temps de Mobutu, dictateur renversé en 1997, et déclarant la fin du régime de l’actuel chef de l’Etat.
Le drapeau en question et plusieurs dizaines de fusils d’assaut ont été présentés pendant le procès comme pièces à conviction. Le périple du commando avait pris fin avec l’intervention des forces de sécurité qui, selon l’armée, avaient interpellé une quarantaine d’assaillants et en avaient tué quatre autres, dont leur chef, Christian Malanga, un Congolais de 41 ans installé aux Etats-Unis.
Le porte-parole de l’armée avait rapidement parlé de « tentative de coup d’Etat étouffée dans l’œuf », le gouvernement évoquant une « tentative de déstabilisation des institutions ».
Les partisans de Vital Kamerhe ont eux évoqué une tentative d’assassinat.
Pendant le procès, les accusés qui ont tous plaidé non coupable ont rejeté la responsabilité sur leur chef mort pendant l’opération. Son fils, Marcel Malanga, 22 ans, né aux Etats-Unis d’une mère américaine, a été condamné à mort. Il avait expliqué avoir été embarqué de force par son père, mais selon le tribunal, il a en fait convaincu les deux autres condamnés américains d' »adhérer à la bande ».
Le Belge Jean-Jacques Wondo, expert militaire travaillant avec les renseignements congolais, a été considéré comme « le concepteur (…) du coup d’Etat manqué ». Condamné à mort. Le gouvernement congolais a levé en mars un moratoire sur l’exécution de la peine capitale qui était en vigueur depuis 2003, disant cibler notamment les militaires accusés de trahison, dans un contexte de rébellion armée soutenue par le Rwanda dans l’est du pays.
Source : Afp