Le milliardaire franco-russe Pavel Durov, patron de la messagerie cryptée Telegram, interpellé samedi soir en France, est sorti de garde à vue et a été transféré mercredi en début d’après-midi au palais de justice de Paris en vue d’une éventuelle inculpation, a appris l’AFP de source proche du dossier.
« Le juge d’instruction a mis fin à la garde à vue de Pavel Durov, et se le fait présenter en vue d’un interrogatoire de première comparution et d’une potentielle mise en examen », a précisé une source judiciaire à l’AFP.
Pavel Durov, 39 ans, à la tête d’une fortune estimée par le magazine américain Forbes à 15,5 milliards de dollars, a été interpellé samedi à l’aéroport du Bourget près de Paris, où il était attendu pour un dîner. Arrivant de Bakou, en Azerbaïdjan, il était avec un garde du corps et son assistante.
La justice française lui reproche de ne pas agir contre la diffusion de contenus criminels ou délictueux sur la messagerie Telegram. Ce que l’entreprise, qu’il a fondée en 2013 et qui compte plus de 900 millions d’utilisateurs, réfute.
Douze infractions relevant de la criminalité organisée lui sont reprochées dans le cadre d’une information judiciaire ouverte contre X le 8 juillet et dirigée par des juges d’instruction spécialisés de Paris, après une enquête préliminaire de la section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris.
Complicité ?
Elle vise notamment le « refus de communiquer les informations nécessaires aux interceptions autorisées par la loi », la complicité de délits et de crimes qui s’organisent sur la plateforme (trafic de stupéfiants, pédopornographie, escroquerie et blanchiment en bande organisée) et « la fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme ».
Les investigations sont menées par le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) et l’Office national anti-fraude (Onaf). La garde à vue de M. Durov s’est déroulée au siège de l’Onaf et a duré près de quatre jours. Mercredi après-midi, des journalistes de l’AFP ont observé deux voitures de police aux vitres teintées quitter le parking de l’Onaf.
Si M. Durov est mis en examen et que sa détention provisoire est requise, un juge des libertés et de la détention devrait en fin de journée se prononcer sur son incarcération ou sur la mise en place d’un contrôle judiciaire.
Avions en papier
Son arrestation a suscité de vives réactions à travers le monde. Il a notamment reçu le soutien du lanceur d’alerte américain établi en Russie Edward Snowden et d’Elon Musk, patron américain de X. A Moscou, le vice-président de la Douma (chambre basse du Parlement russe), Vladislav Davankov, et les membres de son parti libéral New People ont déposé dimanche des avions en papier en forme de logo Telegram devant l’ambassade de France.
« Les accusations avancées sont très graves et elles demandent des preuves tout aussi solides », avait déclaré mardi le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, dénonçant une « tentative d’intimidation ».
Le président Emmanuel Macron a assuré lundi que l’arrestation de Pavel Durov n’était « en rien une décision politique ». Elle relève « d’une enquête judiciaire » et la France est « attachée à la liberté d’expression et de communication », a-t-il souligné.
La messagerie en ligne que Pavel Durov a lancée en 2013 avec son frère Nikolaï permet des communications qui peuvent être chiffrées de bout en bout. Son siège social se trouve à Dubaï, aux Emirats arabes unis, dont M. Durov a pris la nationalité, avant de prendre aussi la nationalité française en août 2021 grâce à une procédure sur laquelle Paris est resté discret.
Telegram s’est positionnée à contre-courant des plateformes américaines critiquées pour leur exploitation mercantile des données personnelles. Telegram s’est ainsi engagé à ne jamais dévoiler d’informations sur ses utilisateurs.
« Telegram se conforme aux lois européennes, y compris le Règlement sur les services numériques, son action de modération est dans la norme du secteur », s’est cependant défendu dimanche soir Telegram sur son propre canal, jugeant « absurde de dire qu’une plateforme ou son patron sont responsables des abus » relevés sur ladite plateforme.
Source : Afp