La stigmatisation et la discrimination constituent de sérieuses entraves à la riposte au Vih au sein des populations clés. L’atteinte de l’objectif Zéro discrimination implique un travail en synergie avec tous les acteurs, disons un partenariat. Mais la situation sociale presque hostile fait que la prise en charge des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) demeure difficile alors qu’ils constituent une des cibles de la lutte contre le Vih/Sida en raison de leur vulnérabilité face au virus.
Beaucoup de HSH sont encore réticents à aller au centre de prise en charge ou changent fréquemment de lieu, ce qui peut affecter le suivi. Lors de notre interview sur l’insuffisance du plateau technique pour la prise en charge des HSH, il nous a paru très curieux d’apprendre que Luc notre personne ressource devrait quitter Kpogan pour Lomé (environ 15Km), afin de prendre ses ARV.
Non seulement il existe des centres de prise en charge sur le trajet Kpogan-Lomé, mais en plus il dépense 3000 Fcfa pour le transport Kpogan-Lomé-Kpogan. Il n’a pas hésité à nous en expliquer pourquoi : « c’est à cause des regards…Je fuis par précaution. C’est une stratégie de protection ».
« Chaque trimestre, je viens de Kpogan pour fuir les regards. J’allais dans un premier centre. Après quelques mois de fréquentation, j’ai vu de loin, l’infirmier de la famille entrer dans le même centre. J’ai alors changé de centre… C’est finalement le troisième centre que je fréquente, pour m’éviter des problèmes de discrimination. Je fais beaucoup d’efforts pour que mon infection par le VIH reste secrète. Un de mes amis a failli en mourir… », nous a-t-il expliqué.
La stigmatisation est un poison.
« La discrimination est un poison, je vous le dis. Et il est mortel. Les gens l’ont subi, certains en sont morts. D’autres ont passé des années à déménager… La discrimination est l’une des conséquences de la stigmatisation dont font l’objet, les populations clés en l’occurrence les HSH. Et si notre statut de HSH n’est pas vraiment toléré, ce n’est pas notre séropositivité qui le sera. Mais le fait de vivre en marge de la société rend vulnérable aux IST, et on peut aussi finir par perdre l’estime de soi, et laisser libre cours à cette tueuse dépression… », a expliqué Kossi, PvVih.
Il est vrai que la discrimination est une violation des droits de l’homme, et certaines personnes le font par ignorance. Mais il parait inadmissible que de tels actes soient enregistrés dans un centre de prise en charge, des attitudes négatives et humiliantes qui peuvent également diminuer la dextérité du professionnel de santé, s’offusque Jules un HSH très remonté par ce qu’il a vécu au début de sa prise en charge.
« Je me suis rendu dans un centre de prise en charge à cause d’une infection sexuellement transmissible, … j’ai dû faire un grand effort pour supporter les injures de l’agent de santé car j’avais un problème. Mais je l’ai signalé à son supérieur car elle m’avait carrément injurié. Elle a présenté ses excuses mais ça n’efface pas d’office les injures car, je suis rentré avec… Je n’ai jamais réussi à oublier et sincèrement je pense que certains agents de santé ont besoin de formation continue car, la stigmatisation est aussi un enjeu de santé publique avec un impact négatif majeur », nous a confié ce jeune homme de 33 ans.
Ces comportements stigmatisant…
Pour Gnassé Atinedi (Consultant indépendant en Communication Santé/VIH/Populations clé), plusieurs facteurs peuvent amener un agent de santé à adopter des comportements stigmatisant envers les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH).
« Il y a par exemple les préjugés personnels et stéréotypes. Les agents de santé peuvent adhérer à la conscience collective et aux croyances harmonisées selon lesquelles, de nature et dans le vécu quotidien, les couples se forment entre homme sexe masculin et femme sexe féminin. Donc pour ces gens il est inadmissible, impensable que deux hommes aient des relations intimes. Donc inconsciemment tout ce que l’on n’a jamais vu ne peut pas exister. Cela explique les regards négatifs que les agents de santé ont à l’égard de l’homosexualité, ce qui les conduit à juger ou à discriminer les HSH », a expliqué M. Gnassé.
Il ajoute que le manque de formation adéquate sur les questions liées à la diversité sexuelle et de genre, peut expliquer l’attitude d’autres agents de santé.
« Il y a la pression sociale et culturelle : Dans nos sociétés, l’homosexualité est fortement stigmatisée, et les agents de santé peuvent se sentir poussés à conformer leur comportement à ces normes sociales, même dans leur milieu professionnel. Certains agents de santé peuvent ignorer les droits fondamentaux des patients, y compris le droit à un traitement équitable et respectueux, indépendamment de leur orientation sexuelle », a expliqué le consultant, soulignant que les croyances religieuses peuvent également influencer leur attitude envers les HSH. FIN
Ambroisine MEMEDE