Des sites pro-russes se faisant passer pour des médias ont alimenté ces derniers mois la désinformation en ligne autour de la campagne présidentielle américaine, faisant passer par exemple les démocrates pour les instigateurs de la tentative d’assassinat contre Donald Trump.
Rendus possibles par des outils d’intelligence artificielle bon marché et largement disponibles, ces sites alimentent l’explosion de fausses informations, au moment où les Etats-Unis avertissent que des puissances étrangères comme la Russie ou l’Iran redoublent d’efforts pour influencer le résultat de l’élection présidentielle de novembre.
John Mark Dougan, ancien Marine américain et policier en Floride exilé en Russie après des accusations d’extorsion et mises sur écoute, est le propriétaire d’un réseau de dizaines de sites et est devenu un acteur clé de la désinformation du Kremlin, selon des chercheurs.
Plus tôt dans le mois, ses différents sites de fausses informations ont par exemple affirmé que le Parti démocrate était à l’origine de la tentative d’assassinat sur Donald Trump en juillet.
Pour prouver cette allégation, ces sites, qui imitent parfaitement des médias locaux, renvoyaient vers un extrait audio d’une conversation supposée entre Barack Obama et un stratège du Parti démocrate, où l’ancien président demande à « se débarrasser de Trump » pour assurer « une victoire contre tout candidat républicain ».
Mais cet extrait, diffusé au travers des 171 sites de John Mark Dougan, a été en réalité créé grâce à l’intelligence artificielle (IA), affirme NewsGuard, un groupe de recherche qui l’a étudié avec l’aide d’un expert.
Il était également accompagné d’un article sur le site internet « DeepStateLeaks », cité comme source par les différents articles qui ne semblaient qu’être des versions réécrites grâce à l’IA de la même histoire, affirme NewsGuard.
– « Tromper le lecteur »-
« Il est évident que le réseau de M. Dougan est de plus en plus utilisé pour créer de la désinformation politique avant l’élection américaine », indique à l’AFP McKenzie Sadeghi, analyste pour NewsGuard.
Atlanta Beacon, Arizona Observer, ou encore Chicago Chronicle: « une majorité de ses sites sont conçus de manière à ressembler à des médias locaux américains, y compris dans les Etats clés, avec des noms qui ressemblent à des journaux établis leur donnant un air de crédibilité susceptible de tromper le lecteur », ajoute-t-elle.
Le réseau de John Mark Dougan a également relayé plusieurs autres allégations infondées, affirmant notamment qu’une « usine à trolls » ukrainienne cherchait à perturber en ligne l’élection américaine, et qu’un micro avait été retrouvé dans la résidence de Donald Trump en Floride.
Ces récits trouvent dans les réseaux sociaux une caisse de résonance en plusieurs langues et sont ensuite répétés par des chatbots, outils d’IA capables de répondre à des questions d’utilisateurs.
« Cela crée une boucle où les fausses informations ne sont pas seulement largement diffusées en ligne mais aussi confirmées par l’IA, ce qui ancre davantage ces informations dans les échanges publics », explique McKenzie Sadeghi.
« Cela peut contribuer à une atmosphère croissante de désinformation et de méfiance à l’approche de l’élection. »
– « Désert d’information » –
Le nombre de faux sites d’informations locales aux Etats-Unis dépasse désormais celui des authentiques médias locaux, selon NewsGuard.
Au moins 1.270 faux sites d’information se faisaient passer pour des médias authentiques l’année dernière, ce qui inclut des réseaux partisans de gauche comme de droite, ainsi que celui de John Mark Dougan.
En comparaison, il y avait 1.213 sites d’information locale aux Etats-Unis l’année dernière, selon l’université Northwestern.
Cette émergence de faux sites d’information s’inscrit dans un contexte de rapide déclin des journaux locaux, beaucoup ayant dû fermer ou licencier des journalistes pour raisons économiques.
Selon l’université Northwestern, sur les quelque 3.000 comtés américains, 204 étaient des « déserts d’information » l’année dernière, soit des comtés sans « journaux, sites locaux, rédactions de radios publiques », entre autres.
Les faux sites « profitent de ces déserts d’information » et se précipitent pour combler le vide laissé par les médias traditionnels, ajoute Mme Sadeghi.
Et peuvent « facilement induire en erreur les électeurs en année de scrutin, en partageant des contenus partisans difficiles à distinguer d’un journalisme fiable », souligne-t-elle.
Source : Afp