Tradition béninoise, la scarification faciale est désormais délaissée, ceux qui en portent faisant l’objet de railleries. Signe communautaire, elle est considérée comme une « marque de distinction » et, selon les croyances traditionnelles, préviendrait les maladies et les envoutements.
Les Béninois portant des balafres et des cicatrices au visage sont aujourd’hui rares. Et ceux qui en portent encore, éveillent la curiosité. Kora Souleymane est un cadre de l’administration publique béninoise.
Il évoque avec fierté ces cicatrices raciales qui sont pour lui « les traces de son identité et de ses origines ».
« La marque que je porte au front est un signe qui permet d’identifier les Haoussas venus du Nigéria, explique-t-il. Je suis Béninois mais ça permet de connaître mon origine. Les cicatrices que moi j’ai au visage sont identitaires et c’est authentique chez les Otanmaris originaires de Kobentiérou ».
Même si les scarifications sont méconnues des nouvelles générations, certaines balafres restent plus parlantes que n’importe quelle pièce d’identité pour identifier rapidement l’origine et l’ethnie. Mais les scarifications raciales au Bénin poursuivent également d’autres objectifs.
« Moi je sais que la scarification est une marque identitaire et qu’elle permet de lutter contre les maladies et autres envoûtements, assure Gabriel D’Almeida, chef coutumier. On peut scarifier à la suite de la consultation ancestrale ».
Un élément d’identification
La scarification raciale est un élément d’identification. Elle permet de lire mécaniquement l’ethnie d’une personne sur la peau. Mais au-delà de la simple identification, la scarification a d’autres fonctions, selon Aimé Tcheffa, sociologue.
« La première fonction est thérapeutique en ce sens que vous êtes malade et le guérisseur vous prescrit une scarification pour vous guérir, détaille-t-il.
La deuxième fonction est que vous n’êtes pas malade et dans une logique magico-religieuse, on vous scarifie pour prévenir la maladie.
La troisième est pour l’esthétique car certains scarifient leur litanie clanique sur le corps ou sur une partie de leur corps ».
La scarification répond ainsi à trois préoccupations essentielles. Elle est irréversible et « scelle » durablement le lien qui unit l’individu à sa tribu. Elle est douloureuse, et lui offre l’occasion de faire preuve de courage.
Elle est esthétique et rend l’individu plus désirable. Avec la modernisation, la scarification est devenue impopulaire et même décriée au sein de la société. Nombreux sont les Béninois qui ne veulent plus être balafrés ou cicatrisés. Certains y voient de la violence inutile, « une manière avilissante de marquer les gens au nom de la culture ».
« On n’a pas besoin de scarifier quelqu’un pour montrer qu’il est d’une ethnie ou d’une autre, estime Ernest Aquereburu, artiste designer. Moi je n’aime pas que les objets tranchants touchent mon corps. J’aime pas du tout. Moi je pense qu’on doit l’éradiquer parce que c’est une force de maltraitance…. Si j’étais un enfant on peut me forcer. Mais à mon âge c’est impossible et en plus mes croyances m’imposent le refus ».
D’autres se morfondent à cause de ces marques sur leur visage. Ils considèrent qu’on leur a déchiré le visage sans demander leur avis. Mais pour le professeur Léon Bio Bigou, enseignant chercheur à l’université du Bénin, aujourd’hui la négociation peut se faire pour ne pas porter ces cicatrices. Un refus catégorique peut avoir des conséquences.
« Tout est une affaire de négociation même dans la tradition. Négocier avec la famille, les divinités et acheter les cicatrices que ton enfant doit porter. C’est lorsqu’on en fait à sa tête que les conséquences sont là ».
Tout évolue et c’est dans cette dynamique qu’on peut s’adapter d’une manière ou d’une autre à l’évolution. Mais il y a dans le contexte culturel de plusieurs ethnies, surtout dans le nord du Bénin, la scarification n’est pas négociable, au risque d’attirer la colère des Dieux, selon la croyance locale.
Source : Voaafrique