Une attaque a visé dans la nuit de mardi à mercredi des bureaux des puissants services de renseignement, faisant « plusieurs morts » à N’Djamena, a annoncé le gouvernement tchadien, qui accuse des « éléments » du Parti socialiste sans frontières (PSF) menés par l’opposant Yaya Dillo.
« La situation est désormais totalement sous contrôle », a assuré le gouvernement tchadien dans un communiqué mercredi, en précisant que « les auteurs de cet acte ont été arrêtés ou sont recherchés et seront poursuivis ». L’armée est déployée autour du siège du PSF à N’Djamena et toutes les voies qui mènent à l’Agence nationale de sécurité de l’État sont bloquées, ont constaté dans la matinée des journalistes de l’AFP.
Selon le communiqué, cette attaque est intervenue après l’arrestation d’un membre du PSF, accusé par le gouvernement de « tentative d’assassinat contre le président de la Cour suprême ». La situation aurait alors « pris une tournure dramatique » avec « une attaque délibérée des complices de cet individu menée par les éléments du PSF et à leur tête le président de ce mouvement Yaya Dillo » contre les bureaux de l’Agence nationale de sécurité de l’État, a affirmé le gouvernement.
Farouche opposant au président de la transition Mahamat Idriss Deby Itno, dont il est le cousin, Yaya Dillo a dénoncé une « mise en scène » concernant les allégations de tentative d’assassinat contre le président de la Cour suprême.
« Tension »
L’attaque intervient au lendemain de l’annonce du calendrier de l’élection présidentielle au Tchad dont le premier tour aura lieu le 6 mai et à laquelle le président Déby et Yaya Dillo ne font pas mystère de leur intention d’être candidats.
Dans son communiqué mercredi, le gouvernement a affirmé que « toute personne cherchant à perturber le processus démocratique en cours dans le pays sera poursuivie et traduite en justice ».
A 37 ans, Mahamat Idriss Déby Itno avait été proclamé par l’armée le 20 avril 2021 président de la transition, à la tête d’une junte de 15 généraux, après la mort de son père Idriss Déby Itno, tué par des rebelles en se rendant au front, selon la junte. Il avait immédiatement promis de rendre le pouvoir aux civils en organisant des élections 18 mois plus tard, échéance finalement repoussée de deux ans.
Les forces d’opposition craignent la perpétuation d’une « dynastie Déby » dans le pays d’Afrique centrale, le deuxième le moins développé au monde selon l’ONU. Avant son fils, Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, avait dirigé le pays d’une main de fer de 1990 jusqu’à sa mort en 2021.
Yaya Dillo était candidat à la présidentielle de 2021 contre son oncle, Idriss Déby Itno. Il avait dû s’enfuir et se cacher fin février 2021 après qu’une tentative des forces de sécurité de l’arrêter à son domicile s’était soldée par plusieurs morts, dont celle de sa mère et de l’un de ses fils. Le pouvoir de Déby père lui reprochait d’avoir accusé la première dame de corruption, mais redoutait en réalité sa candidature.
Yaya Dillo draine derrière lui une composante importante du clan Zaghawa, ethnie très minoritaire en nombre dont le clan Déby qui dirige le pays depuis 33 ans est issu, tout comme les principaux officiers de l’armée. M. Dillo était rentré au pays sous la présidence de Mahamat Déby et disait avoir « pardonné » la mort de ses proches.
Il est resté néanmoins l’un des plus grands opposants à la junte et un pilier d’une certaine frange du clan Zaghawa, qui conteste l’autorité et la légitimité de Mahamat Déby, et pourrait être soutenu par une partie des officiers de l’armée, notamment en cas de coup d’Etat.
Saleh Déby, plus jeune frère du défunt président Idriss Déby, a récemment rejoint le parti de Yaya Dillo, après l’investiture de Mahamat Idriss Déby comme candidat de son parti, le Mouvement Patriotique du Salut, à la future élection présidentielle.
« Le ralliement de Saleh Déby n’a fait qu’augmenter la tension », analyse Evariste Ngarlem Toldé, enseignant-chercheur en sciences politiques et recteur d’une université de N’Djamena.
Source : AFP