« Rien ne peut se faire sans nous. Nous sommes les personnes directement concernées et nous sommes aussi assez crédibles », soutient Augustin Dokla, président du Réseau des associations de Personnes vivant avec le Vih (RAS+) au Togo, un pays où des hommes et des femmes s’investissent dans leurs organisations respectives pour apporter soutien et réconfort aux Personnes vivant avec le Vih.
Mathilde Akoh, âgée de 33 ans, assistante sociale et mère de deux enfants, prépare une table ronde pour une meilleure visibilité de ses actions. Personne vivant avec le VIH depuis l’âge de 16 ans, elle s’est engagée depuis quelques années à conseiller les jeunes filles et leur servir de personne ressource pour bénéficier de conseils, afin d’éviter les erreurs qui l’ont conduite au VIH.
« C’est ma lutte aujourd’hui. Je suis comme un repère pour les jeunes filles. Je raconte mon histoire en leur faisant comprendre que je suis passée par là et qu’elles n’ont pas besoin de faire les mêmes erreurs. Je leur dis : je suis disponible si vous avez besoin de conseils. Je partagerai avec vous le peu que j’ai tiré de ma petite expérience », raconte-t-elle.
Garder un bon moral et être autonome.
Après la découverte de sa séropositivité, Mathilde n’a pu informer ses parents qu’un an après, suite à une longue maladie qui a failli l’emporter : « J’ai pu m’en sortir grâce au soutien de mes parents. Et si le Seigneur m’a donné une seconde chance, c’est pour que ma vie serve de témoignage à d’autres », dit-elle.
Elle tire de son expérience pour bâtir sa stratégie de lutte sur deux axes : aider les adolescentes et jeunes filles à éviter toutes infections, et soutenir les femmes vivant avec le VIH à lutter contre la maladie, garder un bon moral et être autonomes.
Elle préside aujourd’hui la session togolaise de la Communauté internationale des femmes vivant avec le VIH, creuset au sein duquel elle accueille ses congénères à bras ouverts, le cœur disposé.
Importance du travail communautaire
« Une fois par trimestre, notre association sert de cadre de rencontre et de partage, creuset où l’écoute et le soutien mutuel constituent le meilleur partage. Nous faisons également des activités culinaires, ce qui nous rapproche énormément, et chacune repart légère, avec l’impatience de la prochaine rencontre. Nous sommes une trentaine de membres et les adhésions sont toujours ouvertes ». Pour elle, la communauté est importante pour une lutte efficace.
« Certaines femmes portent des charges émotionnelles tellement lourdes qu’elles n’arrivent à se libérer qu’en communauté, en écoutant l’histoire des autres. D’où l’importance du travail communautaire dans la réussite du traitement. Nous sommes amenés à vivre avec le VIH, mais nous pouvons venir à bout du Sida », explique Mathilde.
« Nous sommes les personnes directement concernées » (Augustin Dokla, RAS+)
Même combat au sein de RAS+ Togo, un réseau de 20 associations de personnes vivant avec le VIH créé en 2001. Au plan national, les actions de ce réseau touchent essentiellement les organisations qui interviennent auprès des populations, avec une branche appelée « Observatoire des droits humains VIH », entièrement orientée vers la lutte contre la discrimination et la stigmatisation.
« Nos interventions apportent des éléments factuels pour corroborer les données que nous avons par rapport à la stigmatisation, à la discrimination et aux violences basées sur le genre sur les PVVIH, sur les populations clés », dit Augustin Dokla, président de RAS+.
Le rapport 2022 présenté par l’association indique que 43 505 personnes ont été sensibilisées sur des questions de droits humains et VIH. En termes de médiations sociales, 278 cas (problèmes de couple, affaires professionnelles, affaires familiales, etc.) ont été suivis et résolus.
« En termes de projections aujourd’hui, nous comptons continuer sur cette lancée et surtout travailler sur l’environnement favorable (rendre les conditions de travail et les milieux de soins exempts de stigmatisation et de discrimination) pour continuer à implémenter et continuer par toucher toutes les populations et ne laisser personne sur le carreau », indique-t-il.
« Rien ne peut se faire sans nous. Nous sommes les personnes directement concernées et nous sommes aussi assez crédibles », atteste Augustin Dokla.
ASDEF : 20 ans de lutte contre le VIH/SIDA
« Le parcours n’a pas été facile, mais Dieu aidant, avec certains de nos partenaires, on a pu apporter notre soutien à la communauté jusqu’à ce jour. Et tant qu’on aura le souffle de vie, on continuera la lutte contre le VIH », indique Éric Guun, président du comité exécutif de l’Association de Soutien au Développement et à l’Éducation de la Jeune Fille (ASDEF).
Touché par le décès de sa tante, il a fait sienne cette lutte : « Bien qu’étant membre de l’ASDEF, elle a caché leur statut (par amour ou ignorance), ignorant que son mari prenait son traitement en cachette. Touchée par la maladie, elle finit par en mourir… Cela a renforcé ma détermination à orienter mes actions vers la prise en charge médicale des PVVIH, l’éveil de conscience chez les jeunes filles et le changement de comportement », souligne M. Guun.
Ce dernier plaide en faveur des patients : « Les antirétroviraux sont gratuits certes, mais certaines PVVIH n’ont rien à manger avant d’avaler le produit », révèle M. Guun. FIN
Ambroisine MEMEDE