Ambroisine Mêmèdé, Directrice de l’Agence Savoir News (basée à Lomé/Togo) est la lauréate du prix Alfred Dan Moussa du REPPRELCI.
Dans cet échange, elle explique le sentiment qui l’a animé lorsqu’elle a reçu le prix. Elle évoque également le sujet de son article et sa perception du rôle des journalistes dans la construction sous-régionale.
Le Réseau des Professionnels de la Presse en Ligne en Côte d’Ivoire (REPPRELCI) a décerné, le vendredi 24 novembre 2023 lors d’un dîner de gala, les prix Alfred Dan Moussa du meilleur journaliste Web pour la promotion de la paix et de l’intégration dans l’espace CEDEAO, Samba Koné de la meilleure entreprise de presse numérique de Côte d’Ivoire et IPS-CGRAE du meilleur journaliste web.
Lauréate du prix Alfred Dan Moussa, Ambroisine Mêmèdé, répond à 3 questions de AfrikiPresse.fr.
AfrikiPresse.fr : Bonjour Ambroisine. Félicitations pour votre prix. Après deux nominations, la troisième fois a été la bonne. Quels ont été vos premiers sentiments lorsque vous avez remporté le prix Alfred Dan Moussa ?
Ambroisine Mêmèdé : Ce Prix est pour moi, la certitude que je suis sur la bonne voie et que je dois continuer sur la même lancée. En octobre dernier, Savoir News, mon agence de presse, a reçu le Prix du meilleur média pour la promotion de la paix dans la région des Savanes, localité située dans l’extrême-nord du pays. Jeudi dernier, j’ai remporté le 1er Prix Brigitte Mopané des journalistes Santé, pour mes publications et actions dans le domaine de la Santé. Le lendemain, je reçois le prestigieux Prix Alfred Dan Moussa … Imaginez la fierté avec laquelle je tiens ce trophée.
À présent, je me dois d’incarner toutes les valeurs que j’attache à cette distinction : humilité, professionnalisme : c’est ainsi que je vois Dr Alfred Dan Moussa. J’ai été très émue de l’entendre m’appeler “ma fille” pour m’adresser ses félicitations.
Pouvez-vous nous parler de l’article qui vous a valu cette distinction ? Quel était le sujet et quel message souhaitiez-vous transmettre ?
Le reportage nous plonge au cœur de la ville de Dapaong, localité située à plus de 660 km au nord de Lomé. C’est la ville qui fait la fierté des Togolais, à travers le comportement de ses habitants. Et le titre du reportage est vraiment évocateur. «Togo : À Dapaong, la population ouvre les bras aux réfugiés Burkinabè victimes d’actes terroristes».
Nous savons tous la situation qui prévaut depuis quelques années au Burkina-Faso (notamment dans le centre et le nord du pays) et dans d’autres pays de la sous-région dont le Togo : le terrorisme. Des hommes sans foi ni loi, qui sèment la terreur dans ces pays.
Ainsi, dans le nord du Burkina-Faso, en proie à des attaques terroristes, les habitants fuient leurs villages pour se réfugier dans des pays voisins. Et Dapaong, région-nord du Togo est la ville qui accueillent ces réfugiés Burkinabè. Ils étaient estimés à 29.312 au moment du reportage. Mais à côté des réfugiés, se trouvaient les déplacés internes, des Togolais qui ont fui certains villages situés dans l’extrême-nord du Togo (des villages voisins au Burkina-Faso), où des attaques terroristes sont enregistrées depuis novembre 2021.
Mais la grande particularité – ce qui m’a poussé d’ailleurs à faire ce reportage – c’est que ces réfugiés et déplacés ne sont pas logés dans des camps (comme on le voit partout dans de pareilles circonstances), mais ils sont accueillis dans des familles : dans les maisons, les gens acceptent les réfugiés, les bras ouverts. Bien vrai, la solidarité est ce qui nous caractérise en Afrique, mais ce n’est pas évident, dans de telles situations et surtout pendant cette période de vie chère où chaque famille se bat pour joindre les deux bouts.
Sur le terrain, le constat est net : les autorités locales ont fait un travail formidable de sensibilisation. Outre des actions menées de temps en temps par le gouvernement et d’autres organismes internationaux dont le Programme alimentaire mondial (PAM) au profit de ces réfugiés (dons de vivres et de non-vivres), les habitants de Dapaong sont au cœur d’une grande générosité au quotidien à l’endroit des réfugiés.
Des associations, des religieux et plusieurs bonnes volontés dont des cadres de la localité sont mis à contribution. Et j’ai été très séduite par les propos du président de l’Union musulmane de la préfecture de Tone : “nous nous sommes bien organisés. Nous faisons des cotisations, nous passons dans des familles pour collecter des fonds pour venir en aide à ces déplacés. Nous achetons des vivres, nous collectons aussi des habits, des vêtements auprès des familles. Cette solidarité est vivace quotidiennement, car nous sommes dans une situation où personne ne doit croiser les bras”.
Des enfants traumatisés, car ayant reçu des chocs parce qu’ils ont vu leurs parents mutilés, sont pris en charge psychologiquement pendant trois mois, avec un suivi. Certains ont repris le chemin des classes à Dapaong. Certaines femmes ont appris à leurs sœurs venues du Burkina, comment fabriquer du savon, et elles en font déjà leurs activités génératrices de revenus. C’est vraiment beau.
Le message que je souhaiterais transmettre à travers ce reportage ? Je l’ai déjà délivré vendredi, lors de la soirée de remise des trophées : la paix, la paix, paix … Comme le disait Félix Houphouet-Boigny (ancien Président ivoirien), “la paix n’est pas un vain mot, mais un comportement”. Aucune nation ne peut vraiment se développer sans le minimum de paix et de sécurité. Et cultivons l’amour et la solidarité, raison pour laquelle j’ai dédié le Prix à tous les journalistes qui se battent pour la paix.
Comment percevez-vous le rôle des médias dans la construction de la sous-régionale et d’une identité commune au sein de la CEDEAO ?
Les médias jouent un rôle assez important, mais qui passe souvent inaperçu des dirigeants, ceux pour qui les médias sont des casse-pieds.
La région serait assez développée si elle ne souffrait pas de maux comme la corruption, l’impunité, et surtout l’indécision. Oui, cette indécision qui maintient de parfaits incompétents dans un système qu’on veut évolutif dans le bon sens : les médias informent, sensibilisent, éduquent l’opinion, alertent, dénoncent,… Mais l’indécision des dirigeants est la corde qui tire nos nations vers l’arrière.
Yaya K (Source : AfrikiPresse.fr)