Le pouvoir militaire au Tchad a annoncé jeudi une amnistie générale, notamment pour les policiers et militaires, dans le cadre d’une manifestation réprimée dans un bain de sang il y a un peu plus d’un an.
Avant son adoption, le projet d’amnistie avait soulevé un tollé dans les rangs de l’opposition et des ONG, qui accusent le pouvoir de soustraire à la justice les policiers et militaires auteurs d’un « massacre ».
Le Conseil national de transition (CNT) a adopté la loi d’amnistie à 92,4% des membres de cet organe législatif nommés par le général Mahamat Idriss Déby Itno, proclamé par l’armée président de transition il y a deux ans et demi.
Ce sont 145 conseillers nationaux qui ont voté pour, six contre et deux se sont abstenus, a indiqué à l’AFP Abderaman Koulamallah, ministre de la Réconciliation nationale.
Dans le cadre d’une volonté de « réconciliation nationale », selon le texte, la loi s’applique à « tous les Tchadiens, civils et militaires ».
Le 22 octobre 2022, des manifestants avaient protesté contre le maintien des militaires au pouvoir, qui venaient de faire prolonger de deux ans une transition de 18 mois au terme de laquelle ils avaient initialement promis de le rendre aux civils par des élections.
« Jeudi noir »
Une cinquantaine de personnes avaient été tuées ce jour-là selon les autorités, entre une centaine et 300 selon l’opposition et des ONG locales et internationales, pour la quasi-totalité des jeunes manifestants tués par balles par les militaires et les policiers, essentiellement à N’Djamena.
Quelques jours après ce que l’opposition appelle le « Jeudi Noir », le pouvoir avait annoncé que « plusieurs membres des forces de l’ordre avaient aussi été tuées ce jour-là ». Mais, un an après, le gouvernement de transition ne parlait que de six, dont trois policiers dans la capitale.
A ce jour, plus de 400 jeunes manifestants, parmi plus de 600 au moins emprisonnés, ont été condamnés à de la prison ferme pour « insurrection », avant d’être graciés par Mahamat Déby, puis remis en liberté.
Mais aucun membre des forces de l’ordre n’a été publiquement incriminé, ni aucune arrestation annoncée parmi eux.
Le 20 octobre 2022 et les jours qui ont suivi, plus de 600 jeunes manifestants, dont 83 mineurs, avaient été arrêtés, selon le gouvernement, et conduits dans la sinistre prison de Koro Toro en plein milieu du désert.
Au bout d’un mois et demi dans ce pénitencier d’ordinaire réservé aux détenus de Boko Haram et du groupe Etat islamique (EI), plus de 400 y avaient été condamnés dans un procès de masse sans avocats.
L’opposition et les ONG locales et internationales avaient évoqué, elles, entre 1.000 et 2.000 personnes arrêtées dans de vastes rafles, dont des dizaines sont, depuis, portées disparues, victimes d' »exécutions extra-judiciaires » ou pendant leur transport à Koro Toro. D’autres ont été victimes d’actes de « torture ».
Le 20 avril 2021, le général Mahamat Idriss Déby Itno, alors âgé de 37 ans, avait été proclamé président à la tête d’une junte de 15 généraux, à la mort de son père Idriss Déby Itno, tué par des rebelles en se rendant sur le front après avoir dirigé d’une main de fer pendant 30 ans ce pays d’Afrique centrale.
« Procès iniques »
Mahamat Déby avait aussitôt promis de rendre le pouvoir aux civils par des élections au terme d’une transition de 18 mois mais, 18 mois plus tard, le pouvoir l’avait prolongée de deux ans sur recommandation d’un « Dialogue national » boycotté par une grande majorité de l’opposition et parmi les plus puissants des groupes rebelles.
« Bien que les autorités aient immédiatement promis une enquête, tout ce que nous avons vu jusqu’à présent ce sont des procès iniques de manifestants (…) et l’absence d’investigations sérieuses sur les responsables présumés des homicides », avait déploré Amnesty international le 20 octobre dernier.
« Nous maintenons notre exigence d’une enquête internationale », a déclaré à l’AFP Adoum Mahamat Boucar, président de la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH), qui fustige une « culture de l’impunité ».
Un référendum est prévu le 17 décembre pour l’adoption d’une nouvelle Constitution ouvrant la voie à des élections présidentielle et législatives en 2024. La grande majorité des partis d’opposition appelle déjà à le boycotter.
SOURCE : AFP