L’ancien dictateur guinéen Moussa Dadis Camara a été repris et reconduit en prison samedi après en avoir été sorti le matin par un commando dont le raid a réveillé Conakry au son des armes automatiques et fait craindre un nouveau putsch, ont indiqué l’armée et ses avocats.
« Le capitaine Moussa Dadis Camara a été retrouvé sain et sauf et reconduit en prison », a dit à l’AFP le directeur de l’information des armées (Dirpa) Ansoumane Toumany Camara, sans préciser les circonstances de la capture.
Celui qui a dirigé abruptement la Guinée entre 2008 et 2009 a été extrait avant l’aube de la prison du centre de Conakry par des hommes lourdement armés en même temps que deux ou trois (selon les sources) autres anciens responsables actuellement jugés comme lui pour un massacre perpétré en 2009 sous sa présidence.
Un seul d’entre eux, le colonel Claude Pivi, reste à présent « activement recherché », après le retour derrière les barreaux du capitaine Dadis Camara et, avant lui, du colonel Moussa Tiegboro Camara, secrétaire d’État chargé de la lutte contre la drogue et le crime organisé sous sa présidence, a dit le directeur de la Dirpa. Mais « il n’a aucune chance de quitter le pays puisque Conakry est quadrillée », a-il ajouté.
Les échanges nourris de coup de feu qui ont tiré Conakry du sommeil ont fait penser à une tentative de coup de force contre la junte en place.
L’armée a affirmé « son engagement indéfectible » aux côtés de la junte, et appelé la population au calme. L’état-major a assuré dans un message diffusé en boucle sur la télévision d’Etat que la situation avait été « rapidement maîtrisée et ramenée à la normale ».
« Il était environ 5H00 du matin. Des hommes lourdement armés ont fait irruption à la maison centrale de Conakry », a dit le ministre de la Justice Alphonse Charles Wright. « Ils ont réussi à partir avec quatre accusés dans le procès des évènements du 28-Septembre (2009), notamment le capitaine Moussa Dadis Camara », a-t-il dit.
L’un des avocats du capitaine Dadis Camara, Jocamey Haba, a dit continuer à « penser qu’il a été enlevé ». « Il a confiance en la justice de son pays, c’est pourquoi il ne va jamais tenter de s’évader », a-t-il ajouté.
Un autre de ses conseils, Me Pépé Antoine Lamah, a assuré qu’il avait réussi à échapper à ses « ravisseurs », et avait appelé ses avocats qui sont allés le chercher et ont alerté les autorités.
L’opération du commando a secoué Kaloum, quartier de la présidence, des institutions, des affaires et d’un certain nombre d’ambassades, mais aussi de la prison centrale.
« Il y a des tirs d’armes automatiques et de guerre » à Kaloum, disait aux premières heures du jour un habitant du secteur sous le couvert de l’anonymat pour sa sécurité.
« Le centre-ville est bloqué depuis l’aube, pas d’entrée ni de sortie », a déclaré un commerçant, faisant état du déploiement de blindés.
– La « boussole » de la justice –
Cet accès de fièvre a immédiatement réveillé le souvenir du putsch, mené à peu près à la même heure, du 5 septembre 2021 quand le colonel Mamady Doumbouya avait pris d’assaut le palais présidentiel avec ses hommes et renversé le président civil Alpha Condé par les armes.
Le colonel Doumbouya a promis de refonder l’Etat et de faire de la justice la « boussole » de son action. Il a poussé à la tenue du procès du massacre de 2009, attendu depuis des années par les victimes.
La Guinée, pays à l’histoire politique tourmentée depuis l’indépendance vis-à-vis de la France, vient ainsi d’entrer dans la deuxième année de ce procès historique.
Moussa Dadis Camara et dix responsables militaires et gouvernementaux répondent d’une litanie de meurtres, actes de torture, viols et autres enlèvements commis le 28 septembre 2009 par les forces de sécurité au stade du 28-Septembre dans la banlieue de Conakry, où s’étaient réunis des dizaines de milliers de sympathisants de l’opposition, et aux alentours.
Au moins 156 personnes y ont été tuées et des centaines blessées, et au moins 109 femmes violées, selon le rapport d’une commission d’enquête mandatée par l’ONU.
Après le putsch de 2021, le colonel Doumbouya s’est fait investir président et s’est engagé sous la pression internationale à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de deux ans à partir de janvier 2023. L’opposition l’accuse de dérive autoritaire et parle de « dictature naissante ».
SOURCE : AFP