La fistule obstétricale était mercredi, au cœur du 37ème webinaire du Réseau des média africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (REMAPSEN).
Une quarantaine de journalistes d’Afrique dont la Tunisie, le Cap-Vert, la Mauritanie, le Tchad et Madagascar étaient à cette rencontre qui a permis d’en savoir plus sur cette anomalie.
La session a été animée par Dr Cheikh Touré (Directeur régional d’Intra Health International pour l’Afrique de l’Ouest et du centre). Elle a été Présidée par Bamba Youssouf (Président du réseau), sous la modération de Fanta Diakité (Remapsen Mali).
La fistule obstétricale est une lésion induite lors d’un travail prolongé qui survient pendant l’accouchement.
Selon Dr Cheick Touré c’est lorsque la tête de l’enfant bute et exerce une pression continue contre les os du bassin, en comprimant les tissus. On parle de fistule obstétricale quand elle survient après l’accouchement.
On distingue la fistule vesico-vaginale (perte d’urine qui s’écoule par le vagin), la fistule recto-vaginale (perte de matière fécale par le vagin) et la fistule vesico-recto-vaginale (perte d’urine et de matière fécale par le vagin). Et ça se passe sans que la femme ne puisse contrôler.
L’Organisation mondiale de la santé révèle dans l’une de ses publications que 2 millions de femmes souffrent de la fistule obstétricale dans le monde, mais 90% d’entre-elles résident en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud.
La fistule obstétricale, un problème de santé publique
La fistule obstétricale est un véritable problème de santé publique, souligne Dr Touré, soulignant qu’elle conduit à l’exclusion des femmes qui en souffrent.
« Dans la plupart des cas, l’enfant cause de la fistule est un mort-né et ça entraine des déchirures au niveau des voies urinaires. Et si on arrive à sauver la femme, elle va développer la fistule, qui a des conséquences à divers niveaux. En plus de la complication médicale, du traumatisme, il y a l’exclusion sociale. La femme subit également une exclusion religieuse. Elle est abandonnée, marginalisée et très souvent, le mari demande le divorce… », a expliqué le médecin.
Les pays où il y a ce problème sont les pays où la mortalité maternelle est élevée. Ces pays manquent énormément de ressources humaines en santé, alors que le traitement est chirurgical, et le coût élevé ne favorise pas l’accès des femmes aux soins.
Il a partagé avec les participants, les résultats d’une étude réalisée au Mali sur la période allant de juin 2014 à avril 2018 où 1096 femmes ont été traitées, dans le cadre du projet USAID Fistula Mali. Ces femmes ont été prises en charge à travers des campagnes de prise en charge et aussi par la routine. Au total, 94% d’entre-elles étaient des cas confirmés et ont été opérées. Mais le constat est que 88% d’entre-elles ont été mariées dans l’adolescence, 46% entre 10 et 15ans.
Dr Touré a déclaré qu’il ressort de cette étude qu’entre autres causes, le mariage précoce est un facteur de risque non négligeable car plus la femme avance en âge avant le mariage, plus les chiffres baissent dans le domaine de la fistule. Cette fistule est aussi liée à une couverture sanitaire quantitative et qualitative insuffisante en soins péri-partum, c’est-à-dire les soins à mettre en place, de la grossesse jusqu’à l’accouchement, pour assurer que la femme accouche dans de meilleures conditions. Tant qu’on n’aura pas mis e place ce dispositif, ce sera difficile de lutter efficacement contre la fistule obstétricale, a souligné Dr Touré.
La communication pour un changement de comportement
Ce qui est admis dans toutes les littératures, ce sont les trois retards liés à la fistule : retard dans la prise de décision (d’aller à l’hôpital), les retards de transport (peu de moyen de transport organisés) retard dans la prise en charge au niveau de nos structures sanitaires (personnel insuffisant, prise en charge payante).
Il a noté que les femmes marginalisées, vivant dans les régions les plus reculées sont les plus touchées. Ces femmes sont peu informées sur les questions liées à la santé de la reproduction. D’où il l’importance de la communication pour éveiller les consciences sur les dangers liées aux fistules obstétricales, la nécessité de soutenir la lutte contre les mariages précoces et d’adopter des gestes qui sauvent : la planification des grossesses, les accouchements dans les centres de santé. Le rôle des médias est aussi crucial dans la lutte contre la stigmatisation, l’exclusion sociale des femmes vivant avec la fistule obstétricale.
Du côté des autorités, cette lutte ne sera pas efficace sans la mise en place d’infrastructures sanitaires de qualité avec un personnel qualifié. La proximité est également un des facteurs à ne pas négliger, a indiqué le Directeur régional de IntreHealth international pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Notons que la session a suscité beaucoup de questions. Et les réponses apportées par l’expert ont permis aux membres du REMAPSEN, de comprendre que la fistule obstétricale est l’une des lésions les plus graves et les plus dangereuses, susceptibles de survenir lors d’un accouchement et que les médias doivent communiquer sur l’importance de la prévention et aussi, amener les populations à lutter contre toute forme de discrimination.
Rappelons que cette ONG a pour but d’améliorer les soins de santé dans les pays en voie de développement en renforçant les effectifs sanitaires et les systèmes œuvrant à leur soutien. IntraHealth s’intéresse principalement au renforcement du personnel et des systèmes de santé, à la planification familiale et à la santé de la reproduction, à la lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme, ainsi qu’à la santé maternelle, néonatale et infantile. FIN
Ambroisine MEMEDE