Le portrait de Koutammakou, site culturel du patrimoine de l’Unesco, démontre combien il y a grand intérêt à valoriser cet espace géographique partagé entre le Bénin et le Togo.
»Quand on parle de patrimoine mondial de l’Unesco, c’est le label le plus difficile au monde. C’est un processus assez long et je dis bravo au ministère de la Culture. C’est l’Etat qui décide d’inscrire un site et non une organisation, à cause des potentialités de ce site. Le ministère et la direction de la culture et du patrimoine ont piloté l’inscription de ce site sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco ? », s’est réjoui Ibrahim Tchan, directeur de l’Ong Corps des volontaires béninois.
Il a reconnu tous les efforts faits dans le cadre de l’inscription par le Bénin, du Koutammakou sur la liste de l’Unesco. Selon l’acteur culturel, il y a des défis à relever, arguant que le site va créer le tourisme de masse.
»Il va falloir réfléchir sur comment on gère ce tourisme de masse de sorte à préserver l’architecture et l’authenticité et que le site ne perde pas son intégrité parce que cette architecture en terre est fragile ? », fait observer Ibrahim Tchan.
Il coordonne avec son équipe un projet relatif à la préservation transfrontalière de Koutammakou.
Un projet d’importance, selon ses explications, au regard des défis auxquels le site est confronté. Entre autres, il énumère les changements climatiques qui impactent aussi bien les populations que leurs habitudes. La culture, le patrimoine et le site de Koutammakou ne sont pas épargnés. Ce site, martèle Ibrahim Tchan est impacté fortement par les effets des changements climatiques et aujourd’hui on a du mal à avoir les matériaux de construction, l’élément principal de ce paysage qui est la takienta.
»?Si on parle de Koutammakou aujourd’hui, c’est à cause de sa takienta. Et autour de cela, il y a des aspects aussi bien visibles qu’invisibles. Le projet a pour ambition de travailler sur des questions techniques de conservation de ce site pour sa préservation pour les générations futures ? », soutient Ibrahim Tchan.
Il informe que le projet a travaillé sur les territoires togolais et béninois. À l’issue des travaux, l’un des résultats est la réalisation de masse à savoir l’entretien et la réhabilitation d’au moins 80 sikien, (pluriel de takienta encore appelé Tata somba). Sa structure, dit-il, dispose d’un catalogue qui renseigne sur l’état des habitations.
Dans le processus de reclassement du site, il a appuyé un peu le plan de gestion qui a été élaboré, la démarche liée à la cartographie. Les élèves sont désormais au courant des techniques de construction du takienta ainsi que les matériaux liés à sa réalisation et les enjeux liés à sa préservation.
Il est envisagé une opération de reboisement sur le site pour permettre à la population d’avoir davantage de bois pour la reconstruction de cette habitation. Les femmes seront impliquées pour leur permettre d’avoir de ressources pour survivre et s’occuper de leur ménage au vu de l’entretien qu’elles ont l’habitude de faire sur le site de façon solidaire.
Justin Nata, président de la commission nationale linguistique de Ditamari, exprime sa satisfaction quant à la valorisation du site. Il convient selon lui de faciliter la création de groupes de femmes dans les localités de Koutammakou en tant que vecteur des activités de la communauté, promouvoir les activités de micro-entrepreneuriat par le biais de groupes de femmes, la mise en place d’une école de conservation/construction dans les sikien d’importance communautaire, organiser des ateliers éducatifs dans les écoles locales, planter des arbres pour fournir du bois d’œuvre pour la conservation et protéger la biodiversité. Ces actions susceptibles d’accompagner la valorisation du site sont des atouts pour le tourisme et préserveront le mode de vie du peuple Batammariba.
Portrait
Koutammakou, le territoire des Batammariba, est un paysage culturel remarquable qui s’étend à cheval sur la frontière entre le Bénin et le Togo. C’est un paysage vivant qui allie le travail des populations sous la forme d’établissements traditionnels, d’agriculture et de bosquets sacrés, avec l’environnement naturel des montagnes, des rochers sacrés, des rivières et des forêts.
La recherche de l’harmonie est au cœur de la vision du monde des Batammariba. Une harmonie entre les personnes et avec la nature. Il faut dire que cette idée guide la façon dont les Batammariba imaginent et gèrent leur paysage. L’expression matérielle la plus emblématique de leur vision du monde est le takienta, connu familièrement sous le nom de »Tata Somba ».
Selon le mode de vie dans cette communauté, un takienta est une habitation traditionnelle à deux étages, construite en terre. C’est une fusion unique d’expression créative, de fonction, de matériaux et de techniques artisanales, obéissant à des règles strictes de conception qui mêlent le profane et le sacré pour atteindre une harmonie de forme et d’espace. :
La partie togolaise de Koutammakou, qui comprend cinq villages ou cantons dispersés, est devenue un site du patrimoine mondial en 2014. Elle partage une frontière de 15 km avec la partie beaucoup plus vaste de Koutammakou au Bénin, qui comprend 20 cantons. La partie béninoise a été inscrite sur la liste indicative de l’Unesco en juin 2020, et la candidature comprend un objectif explicite d’unir les deux parties de Koutammakou en un seul site transfrontalier du patrimoine mondial.
Comme tous les paysages culturels, Koutammakou est intrinsèquement dynamique. Si le mode de vie qui crée et le soutient disparaît, le paysage et les habitations en terre changeront rapidement. Dans ce contexte, la conservation concerne moins les briques et le mortier que la préservation d’un mode de vie et l’aide à devenir résilient face aux menaces extérieures.
Koutammakou est soumis à des pressions, affecté par le changement climatique, la croissance démographique, l’agriculture intensive, la perte de biodiversité et l’augmentation de la pauvreté. Mais la culture du peuple Batammariba est toujours vivante. Les gens continuent d’investir dans la préservation du takienta car il définit leur identité.
Ces détails des acteurs culturels sur le peuple Batammariba et leur mode de vie, amènent Aldo Calixte N’Dah, maire de Boukombé à affirmer que la Tata est sacrée. On ne peut pas en parler sans voir les connaisseurs, les femmes interviennent pour la décoration des tatas et les hommes participent à la construction, détaille le maire.
En invitant divers acteurs à penser à comment utiliser les matériaux locaux pour valoriser le site, Aldo N’Dah suggère de renforcer ces habitats pour que le Koutammakou soit maintenu patrimoine mondial.
»Nous ne voulons pas des tatas avec du ciment ni avec des barres de fer. C’est un héritage et cet héritage ne doit pas être détruit. Nous sommes classés et nous ne voulons plus être déclassés ? », lance-t-il.
Source : La Nation (Quotidien National)