Lors d’un atelier de formation et de sensibilisation organisée récemment à l’intention de l’Association togolaise des journalistes engagés sur l’environnement (ATJ2E), un chef traditionnel était dans l’assistance : Togbui Doevi Dolayi Doevi.
Sa présence était motivée par le thème qui a fait l’objet de cette formation : « L’extractivisme, l’impunité des multinationales et la justice climatique en Afrique ». Son village Doevi Kopé est victime du sujet débattu.
Le sujet étant d’actualité, l’Agence Savoir News a ensuite décidé de rencontrer ce gardien des us et coutumes pour mieux cerner la situation qui prévaut dans son village.
Savoir News : Togbui Doevi Dolayi Doevi, vous êtes chef traditionnel, gardien des us et coutumes de Doevi kopé. Pouvez-vous nous présenter brièvement cette localité et son état actuel ?
Togbui Doevi Dolayi Doevi : Doevi Kopé Baguida Plage est un grand village au sein du canton de Baguida, dans la commune du Golfe 6. Rassemblant onze petits quartiers, ce village est menacé de disparition. Une grande partie est déjà engloutie par l’océan, qui avance à pas de géant. A vrai dire, le village est envahi par la mer.
Quatre de nos palais ont déjà été emportés par la mer. Le tout premier en 1968. J’étais encore enfant quand en pleine nuit la mer nous a envahis. Au réveil nous n’avons réussi à récupérer quoi que soit de nos biens. Mon domicile actuel n’est pas digne d’un palais royal.
Quelles sont vos principales activités dans le village?
Dans le temps nous faisions la pêche, le fumage des poissons pêchés, les travaux champêtres. De nos jours, il n’y a plus d’activités en tant que telles. Nous n’avons plus de terres arables. Nous n’avons même plus de cocotiers pendant que les masses de pierres empêchent la pêche.
Selon vous, quelles sont les causes de ce phénomène ?
Cette situation malheureuse est due à l’érosion côtière, déclenchée avec la construction du Port autonome de Lomé en 1968 et qui se poursuit jusqu’à présent. Elle s’est aggravée avec la construction en 2012 du terminal à conteneurs. L’érosion a alors continué jusqu’à Agbavi.
Y a-t-il d’organisations qui vous soutiennent dans cette mésaventure ?
Oui, il y a trois organisations de la société civile qui ont volé à notre secours à ce jour : Les Amis de la Terre-Togo (ADT-Togo), le Centre pour la Justice Environnementale-Togo (CJE-Togo) et Nouvelles Alternatives pour le Développement Durable en Afrique (NADDAF). Je les remercie très sincèrement.
ADT-Togo et CJE-Togo nous ont apporté leur expertise et nous ont aidés à prendre les choses en mains. Durant la crise sanitaire liée à l’infection au Coronavirus, NADDAF nous a soutenus avec des vivres et des non-vivres.
Avez-vous touché les autorités gouvernementales ?
Bien sûr. En 2014, après que la mer ait encore ravagé le village durant une nuit, une délégation de quatre ministres a été dépêchée pour assister les sinistrés. Ces derniers ont bénéficié de dons de vivres et non-vivres et l’assurance des frais d’un an de loyer.
N’ayant plus eu de suite après ces événements par rapport à notre situation, nous avons jugé bon d’adresser une note de requête au Président de la République.
Avez-vous eu satisfaction de cette requête?
Nous avons eu le retour et des promesses que la situation serait résolue. Il nous a été promis récemment que le projet WACA prendrait en compte notre localité. Mais nous brûlons d’impatience. La mer avance 5 mètres par an. A cette allure, si les mesures ne sont pas vite déployées, les dégâts se poursuivront.
Avez-vous un mot de la fin ?
C’est un cri de détresse que je voudrais une fois encore lancer à nos autorités togolaises à nous prêter main forte. Car l’horizon semble bouché pour nous : plus de maisons, plus de terres arables, plus d’activités… FIN
Propos recueillis par Jean-Baptiste TAKOUMA