Ils sont de plus en plus nombreux dans la capitale togolaise, ces petits enfants qui mendient aux abords des feux tricolores des grands axes, s’exposant à tous les dangers.
Ils sont consciemment lâchés dans la nature par leurs mères, souvent assises non loin à même-le-sol, les observant religieusement. Ces enfants ne sont pas loin des « Talibés » au Sénégal ou « Garibou » au Burkina Faso, Mali ou en Côte d’Ivoire.
Presque tous les jours, ils prennent d’assaut les abords de plusieurs feux tricolores de Lomé. Comme des fonctionnaires sur leur lieu de travail, ils sont à l’heure. Généralement, ils sont déjà à leurs postes dès le lever du jour.
Bien différents des enfants de rue dont l’âge est un peu plus avancé, ces petits enfants, âgés entre 6 et 12 ans, sont pour la plupart accompagnés de leurs mères qui se mettent à l’ombre et les envoient au +front+.
Parfois pieds nus et souvent vêtus d’habits sales, ils se faufilent entre les voitures et les motocyclistes, bravant le soleil et la pluie. Certains, petits morceaux de tissus sales en mains, font semblant d’essuyer les guidons des motos ou les rétroviseurs des voitures.
Allaitant parfois d’autres bébés à quelques mètres, les mères de ces enfants qui suivent discrètement leurs faits et gestes et subissent quelques fois, les insultes des passagers, souvent en colère.
« C’est une souffrance que vous infligez à vos enfants. Mais cela va bientôt cesser », s’indigne un sexagénaire à bord d’une voiture.
« Ce phénomène est de plus en plus insupportable pour moi. Leurs mères s’asseyent à l’ombre et les envoient mendier. Et pire, elles sont capables de frapper les enfants au cas où ces derniers refuseraient », s’offusque un conducteur de taxi moto.
Le phénomène prend de l’ampleur, car devenu une affaire rentable pour les parents de ces enfants.
« J’ai assisté un matin à une scène qui m’a choquée. La dame est venue déposer la petite au feu rouge et est repartie à moto avec un autre enfant. Poussant ma curiosité, je me suis arrêté quelques mètres après les feux et j’ai appelé la petite tout en lui tendant une pièce de 100 F.CFA. Je lui ai demandé où est allée sa maman, elle m’a répondu qu’elle a rejoint mon frère au prochain feu et qu’elle reviendra me chercher après. Et c’était vrai, parce qu’à ma grande surprise, j’ai retrouvé la maman un peu plus loin. Ça suffit et je pense qu’il faut arrêter cette pratique », raconte Lionel, jeune étudiant en génie civil.
L’autorité doit agir
Dans certains pays où la mendicité est de plus en plus récurrente, les gouvernants commencent par taper du poing sur la table, afin d’enrayer définitivement ce phénomène.
Depuis mai 2019, la mendicité est interdite dans les rues de Niamey, capitale du Niger sur décision des autorités municipales. Au Sénégal, le Président Macky Sall avait ordonné depuis le 30 juin 2016, le retrait des enfants dans les rues de Dakar, mais ces enfants-talibés squattent encore les coins et recoins de la capitale sénégalaise. Il s’est avéré que la mendicité rapporterait plus de 5 milliards F.CFA par an aux marabouts à Dakar, selon un expert des Nations Unies au Sénégal cité par Human Right Watch.
« Je suis triste de voir ces enfants dans les feux tricolores. Ils n’ont pas leur place à ces endroits. Ils doivent être à l’école. Leurs mères ne sont pas des personnes handicapées. Elles peuvent se battre comme toutes les femmes, travailler et nourrir leurs enfants. Les autorités togolaises doivent agir, car le phénomène prend des proportions inquiétantes », martèle Mme Pierrette, membre d’une Ong, œuvrant pour la protection des droits des enfants.
« C’est l’une des formes modernes de l’esclavage, pratiquées envers les enfants. Et ça doit cesser », lance-t-elle.
Notons qu’au Togo, plusieurs instruments sont mis en place pour assurer la protection des enfants. Il s’agit entre autres de la constitution, du code de l’enfant, du code de la sécurité sociale, du code de la nationalité togolaise, du code des personnes et de la famille.
Le pays s’est également doté d’une politique nationale de protection de l’enfant, visant à mettre en place un système national de protection de l’enfant leur permettant à tous, et particulièrement aux enfants les plus vulnérables et marginalisés de jouir des mêmes droits que les autres et de les protéger contre la négligence et toutes formes d’abus, de violence et d’exploitation.
Au plan international, le Togo a ratifié plusieurs textes visant la protection des droits des enfants. FIN
Chrystelle MENSAH / Bernadette AYIBE/Rédaction