Ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins, les mutilations génitales féminines (MGF), actes presque toujours pratiqués sur des mineures, a des conséquences qui peuvent aller jusqu’à affecter l’activité sexuelle, voire engendrer des complications lors des accouchements.
Pratiques traditionnelles néfastes et illégales, les mutilations sexuelles féminines sont reconnues au plan international comme une violation des droits fondamentaux des filles et des femmes, une atteinte à leur intégrité physique
Plus de 200 millions de jeunes filles et de femmes, toujours en vie, ont été victimes de mutilations sexuelles pratiquées dans 30 pays africains, du Moyen Orient et de l’Asie où ces pratiques sont concentrées, selon une estimation de l’OMS. Des statistiques les plus récentes révèlent que 91,5 millions de femmes et de filles africaines de plus de 9 ans vivent actuellement avec les conséquences de mutilations sexuelles féminines.
« Cette année, selon les dernières estimations de l’UNFPA, 4,3 millions de filles risquent de subir des mutilations génitales. Ce chiffre devrait atteindre 4,6 millions d’ici à 2030 », ont alerté l’UNFPA et l’UNICEF, à l’occasion de la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines, célébrée le 6 février dernier.
Au Togo, la région centrale et celle de la Kara sont les plus touchées par la pratique. Dans la région centrale, il y a encore un taux de prévalence qui avoisine les 9% voire 11% dans Tchaoudjo et 4% dans la région de la Kara, révèle le Comité interafricain sur les pratiques traditionnelles (CIAF) au Togo.
– Une pratique néfaste –
Dans l’une de ses publications, l’UNFPA souligne que les filles qui subissent des MGF font face à des complications à court terme, telles que des douleurs intenses, des saignements excessifs, des infections et des difficultés à uriner, ainsi qu’à des conséquences à plus long terme pour leur santé sexuelle et reproductive, et leur santé mentale. L’infertilité et la mort font également partie des conséquences.
Pr Baguilane Douaguibe (enseignant à l’Université et chef de service de gynécologie obstétrique du CHU Sylvanus Olympio, le plus grand centre hospitalier du Togo) se souvient encore de Dame Aicha (nom d’emprunt) reçue au CHU Sylvanus Olympio suite à un accouchement difficile qui a engendré de graves déchirures au niveau de son appareil génital, une des graves conséquences de l’excision.
En effet, Aicha a été excisée alors qu’elle n’était qu’une fillette. Elle s’est vue enlever son clitoris, ce qui lui a valu plus tard, un accouchement très difficile. La suite, c’est une intervention chirurgicale pour réparer la zone ainsi affectée.
– De graves déchirures pouvant affecter l’activité sexuelle –
C’était son premier accouchement, se souvient Pr Douaguibe. Elle a accouché en périphérie et malheureusement, il y a eu ces complications. Elle a donc été référée au CHU, ça m’a vraiment touché car elle a eu de très graves déchirures, dont la réparation était très difficile.
« Lorsque la femme se déchire dans la partie haute, c’est-à-dire là où il y avait le clitoris et qu’on l’a coupé, c’est beaucoup plus difficile à réparer d’autant plus que le tissu est devenu fibreux et, comme ça se déchire d’une façon non ordonnée, la réparation est difficile. Nous avons pu réparer, mais la conséquence, c’est qu’une plaie qui a été ravivée et réparée, rend ces tissus beaucoup plus fibreux donc la question qu’on s’est posée est de savoir comment les relations sexuelles vont continuer chez cette femme… », s’est inquiété Dr Douaguibe.
Selon le gynécologue, quand il y a des difficultés d’accouchement, la femme risque une césarienne, alors qu’en temps normal elle n’en aurait pas eu besoin.
« Parfois l’enfant sort en entraînant une déchirure, et ça ne se déchire pas dans le bon sens. C’est souvent un peu en désordre, et comme c’est une région très vascularisée, l’hémorragie peut être difficile à maitriser… Toujours parlant de l’excision, nous avons reçu en consultation, un couple pour difficultés sexuelles. La dame avait moins de 20 ans », a expliqué le gynécologue.
C’est après le mariage que l’homme a constaté qu’il ne pouvait pas pénétrer sa femme, et la femme aussi refusait les rapports sexuels. C’est en l’examinant que nous avons constaté que le conduit vaginal était complètement réduit et que toute pénétration forcée allait entrainer des dégâts énormes. Heureusement que le mari n’avait pas trop forcé. C’est après le mariage qu’il a senti ces difficultés et ils sont venus, a-t-il ajouté.
– Rien de bon dans l’excision –
« Nous avons constaté que son orifice vaginal était réduit, à cause de l’excision. Le clitoris et son prépuce ont été enlevés, ainsi que les petites lèvres. Il y avait juste un point qui sert d’orifice où les menstrues peuvent s’écouler. Et le reste de la peau était fibreuse, donc dur. Or vous savez que l’orifice vaginal est fait pour être souple, extensible… Comme cette partie n’est plus souple, la pénétration est difficile… Il n’y a aucun avantage dans l’excision ; ni pour la femme, ni pour l’homme : tout est néfaste ! », a-t-il martelé.
L’excision fait courir un grave risque aux femmes et aux bébés lors de l’accouchement, dénonce l’OMS dans l’une de ses publications.
Chez les femmes qui ont subi la forme la plus extrême de mutilation (excision partielle ou totale des organes génitaux externes et suture/rétrécissement de l’orifice vaginal appelé infibulation), le risque de césarienne est de 30 % supérieur à celles qui n’ont subi aucune mutilation. De même, le risque d’hémorragie après la naissance est de 70 % plus élevé. Le risque d’épisiotomie (incision volontaire faite lors de l’accouchement pour prévenir une déchirure du périnée) est également plus élevé, indique l’OMS.
– Dégâts causés par l’excision : La réparation est certes possible, mais le naturel s’en va –
Selon l’OMS, le coût du traitement des complications découlant des mutilations sexuelles féminines dans 27 pays à forte prévalence s’élève à US$1,4 milliard par an.
Pr Douaguibe explique qu’avec l’évolution de la science et de la chirurgie, tout est aujourd’hui possible. Au couple reçu pour difficultés sexuelles, nous avons procédé à une intervention chirurgicale pour élargir un peu et rendre les relations sexuelles beaucoup plus pratiques. On peut reconstituer certes, mais ça ne peut vraiment plus être naturel… La chirurgie est assez évoluée pour faire la reconstitution du clitoris. Juste qu’il perd de son naturel, a-t-il laissé entendre.
La Fondation Merck prône une tolérance zéro à l’égard des MGF
Nous, à la Merck Fondation, nous plaidons en faveur de l’arrêt des MGF pour sauver nos filles des complications néfastes qu’elles provoquent, telles que ; douleur intense, saignement prolongé, infection, infertilité et même mort. Cela peut également entraîner un risque accru de transmission du VIH.
« Les mutilations génitales féminines peuvent entraîner de graves complications lors de l’accouchement, y compris des hémorragies post-partum, des mortinaissances et un risque accru de décès de nouveau-nés. Nous sommes totalement en phase avec le concept de Tolérance Zéro à l’égard des mutilations génitales féminines« , indique Dr Rasha Kelej (CEO Merck Fondation).
« Je crois fermement que la sensibilisation, le plaidoyer et l’éducation des filles sont les clés pour éradiquer cette pratique. Il s’agit d’améliorer l’accès à l’information, la santé et le changement de mentalité pour avoir une tolérance zéro aux MGF. Les mutilations génitales féminines n’ont aucun avantage pour la santé. En fait, elles nuisent aux femmes et aux filles physiquement et psychologiquement », a expliqué Dr Rasha Kelej.
Je crois fermement que le but de la mode et de l’art devraient devrait aller au-delà du divertissement et du fait de rendre beau. Ils peuvent contribuer à sensibiliser nos communautés sur différents problèmes sociaux et de santé tels que la fin du mariage des enfants, la fin des MGF, l’arrêt de la VBG, la lutte contre la stigmatisation de l’infertilité, le soutien à l’éducation des filles et plus encore », a-t-elle souligné. FIN
Ambroisine MEMEDE