Les Maliens se prononcent dimanche par référendum sur un projet de nouvelle Constitution, premier vote ayant valeur de test depuis l’avènement de la junte il y a trois ans, mais la crainte des attaques jihadistes et les désaccords politiques ont empêché sa tenue dans plusieurs localités, notamment dans le nord.
Environ 8,4 millions de Maliens étaient appelés à dire oui ou non au texte que leur soumet la junte et qui renforce les pouvoirs du président, mais que conteste une opposition hétéroclite, notamment d’influentes organisations religieuses hostiles au maintien du principe de laïcité de l’Etat.
Les électeurs se sont rendus en nombre dans les bureaux de vote de Bamako, a constaté un correspondant de l’AFP. Le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, a été parmi les premiers à voter.
Mais les remontées du reste de ce vaste pays indiquent que, comme prévu, les groupes armés du nord ont fait barrage à la consultation dans la ville stratégique de Kidal. D’autres localités sont restées sans bureau de vote à cause de l’insécurité.
Au bureau de l’école Mamadou Goundo Simaga à Bamako, placé sous la surveillance des forces de sécurité, les électeurs ont comme ailleurs choisi dans l’isoloir entre un bulletin blanc pour le oui et rouge pour le non, et l’ont introduit dans une enveloppe qu’ils ont déposée dans une urne transparente.
« Aujourd’hui est une journée historique. Ce vote va changer beaucoup de choses dans l’architecture institutionnelle, la vie sociale et économique. C’est un bon texte, c’est pour cela que j’ai voté oui, pour un Mali refondé », a expliqué Boulan Barro, fonctionnaire.
Mariam Diop, 30 ans, accompagnée de son époux, a pris le parti inverse: « Je suis venue voter en bonne citoyenne, mais je suis contre le projet. Les préoccupations de la religion musulmane ne sont pas du tout prises en compte, c’est pourquoi j’ai voté non ».
Parmi les changements par rapport à la Constitution de 1992, l’acceptation ou non d’un renforcement des pouvoirs présidentiels est l’un des enjeux de la consultation. Les détracteurs du projet le décrivent comme taillé sur mesure pour un maintien des militaires au pouvoir au-delà de la présidentielle prévue en février 2024, malgré leur engagement initial à rétrocéder la place aux civils après les élections.
Les bureaux ferment à 18H00 (locales et GMT). Les résultats sont attendus dans les 72 heures.
La victoire du oui paraît acquise
Mais dans un environnement rendu difficilement déchiffrable par l’opacité du système et les restrictions imposées à l’expression, l’ampleur de cette victoire, la participation, bien que traditionnellement faible, et les conditions de déroulement du scrutin pourraient délivrer des indications sur le soutien de la population à la junte et à son chef, le réputé populaire colonel Goïta, ainsi que sur la situation intérieure.
La participation était difficile à apprécier en milieu d’après-midi en l’absence de communication officielle.
Aucun incident de sécurité majeur n’a été rapporté. Un consortium d’observateurs nationaux de la société civile, la MODELE, soutenu par l’Union européenne, n’a signalé dans un communiqué qu’une faible proportion de dysfonctionnements dans les bureaux où elle s’est déployée.
Mais elle ne s’est pas exprimée sur les localités dans lesquelles le vote n’a pas eu lieu, sinon qu’elle a « observé la non-tenue du scrutin dans la région de Kidal ». Les anciens mouvements rebelles signataires d’une paix fragile avec Bamako ont refusé d’y permettre l’acheminement du matériel électoral pour une consultation sur un projet où ils disent ne pas retrouver l’accord qu’ils ont signé en 2015.
Dans la région de Ménaka (nord-est), qui subit depuis des mois la poussée de l’organisation État islamique, les opérations se sont limitées à la capitale régionale en raison de l’insécurité, ont rapporté des élus.
Les militaires qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 et l’exercent sans partage revendiquent de faire reculer les jihadistes sur le terrain.
Le vote a lieu moins de 48 heures après le congé fracassant donné par Bamako à la mission de l’ONU après dix ans de présence. Les autorités estiment que la mission a failli et que le Mali peut assumer sa sécurité par ses « propres moyens ».
La Constitution de 1992 est volontiers désignée comme un facteur de la faillite de l’Etat face à la multitude des défis: propagation jihadiste, pauvreté, ruine des infrastructures ou délabrement de l’école.
La Constitution proposée fait la part belle aux forces armées. Elle met en exergue la « souveraineté », mantra de la junte depuis son avènement puis la rupture avec l’ancienne puissance dominante française.
Elle se distingue surtout en renforçant les pouvoirs du président. Elle prévoit l’amnistie pour les auteurs de coups d’Etat antérieurs à sa promulgation, et alimente les spéculations persistantes sur une éventuelle candidature du colonel Goïta à la présidentielle. FIN
SOURCE : AFP