Les Nigérians ont commencé à voter samedi pour élire le prochain président du pays le plus peuplé d’Afrique, lors d’un scrutin serré avec trois favoris en compétition, une situation inédite depuis plus de vingt ans.
Après deux mandats marqués par une explosion de l’insécurité et de la pauvreté dans ce pays où 60% de la population a moins de 25 ans, le président Muhammadu Buhari, 80 ans, se retire comme le veut la Constitution.
Pour la première fois depuis le retour à la démocratie en 1999, la popularité d’un outsider vient bousculer la prédominance des deux principaux partis et le Nigeria pourrait connaître une présidentielle à deux tours.
« Il y a beaucoup de pression cette année pour choisir », explique à l’AFP Osaki Briggs, un photographe de 25 ans venu voter à Port Harcourt (sud-est) avec sa femme. »Nous savons comment les élections se déroulent habituellement et cette fois on nous a promis qu’elle sera libre et équitable, donc nos attentes sont plus élevées.Espérons que nous ne serons pas déçus. »
Plus de 87 millions d’électeurs sont appelés dans 176.000 bureaux de vote à choisir un président parmi 18 candidats, ainsi que des députés et sénateurs.
Aucun incident majeur n’avait été signalé en début de journée.Mais dans de nombreux endroits, comme à Lagos (sud-ouest) ou Kano (nord), le début du vote – censé démarrer à 7H30 GMT – a pris beaucoup de retard car le matériel n’était pas prêt, selon des journalistes de l’AFP.
Vêtu d’un caftan bleu, le candidat du parti au pouvoir (APC) Bola Tinubu, 70 ans, a voté samedi matin dans son fief de Lagos où il a été accueilli par une foule compacte et un impressionnant dispositif de sécurité.
L’ex-gouverneur (1999-2007) est surnommé le « parrain » du fait de son influence politique.Yorouba de confession musulmane, il affirme être le seul à pouvoir redresser le Nigeria et a déjà prévenu: cette fois, « c’est mon tour » de gouverner.
Mais rien n’est joué face à ses deux principaux adversaires.A 76 ans, l’ancien vice-président Atiku Abubakar, de l’opposition (PDP, au pouvoir de 1999 à 2015), briguera pour la sixième fois la présidence.Originaire du nord et de confession musulmane, il espère y rafler de nombreux votes.
Le vote ethnique et religieux est important dans un pays qui compte plus de 250 groupes ethniques, polarisé entre un nord majoritairement musulman et un sud à dominante chrétienne.
L’autre challenger crédible est l’ex-gouverneur d’Anambra (sud-est) Peter Obi, chrétien de 61 ans, soutenu par le petit Parti travailliste (LP), et très populaire auprès de la jeunesse.
« J’appelle les gens à sortir voter.Je ne cherche pas un emploi.Je veux servir les gens (…) je veux sortir les gens de la pauvreté », a dit M. Obi, marchant dans les rues de son village natal, Amatutu, suivi par des dizaines de journalistes.
– Désir de changement –
Ce scrutin est crucial.Le Nigeria – 216 millions d’habitants – devrait devenir en 2050 le troisième pays le plus peuplé au monde, tandis que l’Afrique de l’Ouest est menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences jihadistes.
La première économie du continent est devenue une puissance culturelle mondiale, grâce notamment à l’Afrobeats, genre musical qui enflamme la planète avec des stars comme Burna Boy et Wizkid.
Mais le futur président héritera surtout d’une myriade de problèmes: des violences criminelles et jihadistes dans le nord et le centre, une agitation séparatiste dans le sud-est, une inflation galopante, un appauvrissement généralisé.
Pour ne rien arranger, de récentes pénuries d’essence et de billets de banque ont provoqué des émeutes.De quoi insuffler un fort désir de changement chez nombre de Nigérians.
« Le Nigeria est un grand bordel.Nous avons besoin de dirigeants compétents dans ce contexte », assure le pasteur John Fashugba, 76 ans, qui considère cette élection comme « la plus importante » qu’il ait connue.
Partout dans le pays, la campagne a aussi été marquée par des attaques visant des candidats locaux, militants, postes de police et bureaux de la commission électorale.
« Le risque de violence est une réelle préoccupation », relève Sa’eed Husaini du Centre pour la démocratie et le développement (CDD).
L’identification des électeurs par reconnaissance faciale et digitale devrait limiter les fraudes qui ont entaché les scrutins précédents, espère la Commission électorale.Tout comme le transfert électronique des résultats.
Mais l’utilisation de nouvelles technologies, inédite à l’échelle nationale, fait aussi craindre des défaillances.
La participation, faible lors des scrutins précédents (33% en 2019) est une autre inconnue. Le vote est censé prendre fin à 14H30 (13H30 GMT).
L’insécurité généralisée « pourrait perturber le vote », s’inquiète aussi le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).Près de 400.000 membres des forces de sécurité ont été déployés. Les résultats doivent être annoncés dans les 14 jours suivant le scrutin.
SOURCE : AFP