Gilbert Badjilembayéna Bawara (ministre de la fonction publique) a rendu ce samedi, un grand hommage à Patrick Boèvi Lawson Banku (premier vice-président de l’Alliance nationale pour le changement/ANC), décédé le 23 octobre dernier à l’âge de 70 ans.
L’illustre disparu a été inhumé ce samedi. Le ministre a, lors de la messe de requiem et d’enterrement à la Cathédrale Sacré-cœur de Jésus de Lomé, rendu hommage à un « homme sympathique, aimable et attachant ». « Même dans les chamailleries, les bouderies et les fâcheries, on avait du mal à s’en éloigner », a-t-il souligné.
« Malgré les moments de tension extrême, malgré les combats et les luttes politiques âpres et ardus, la courtoisie, le respect de l’adversaire politique, l’esprit de tolérance, la tempérance et la modération, ne quittaient presque jamais Patrick », a salué M.Bawara.
« En effet, quels qu’aient été la complexité des situations et les enjeux, je savais – et il le savait aussi – que nous avions la possibilité à tout moment de nous parler, de nous voir, d’échanger, d’établir le constat de nos divergences et désaccords, sans pour autant que cela affecte durablement et irrémédiablement nos liens personnels », a-t-il poursuivi.
Voici l’intégralité de l’hommage du ministre Gilbert Bawara en mémoire de Patrick Lawson-Banku
Merci aux Prêtres con-célébrants,
Merci à la famille de Monsieur Patrick Lawson-Banku,
Merci à Monsieur Jean-Pierre Fabre, Président de l’Alliance Nationale pour le Changement, ANC, et merci aux responsables de l’ANC,
…de me permettre cette petite incartade, de dire, à titre personnel et non en tant comme représentant du gouvernement ou au nom de celui-ci :
Un dernier mot pour toi, mon cher Patrick.
Il n’est pas aisé, dans notre société togolaise, de se livrer à l’exercice auquel j’ai voulu et décidé de m’atteler en ces circonstances douloureuses, en portant publiquement témoignage de l’amitié et de la proximité qui me liaient à Patrick. Nous avons bien trop souvent tendance à nous enfermer dans les certitudes de nos vérités, voire, parfois, à magnifier le mensonge, la duplicité et l’hypocrisie.
Au moment où nous sommes en train de dire un dernier adieu à Patrick Lawson-Banku, arraché à notre affection, je tiens, après mûre réflexion, à rendre hommage et à saluer avec amitié, avec estime et avec respect, la mémoire ainsi que le souvenir impérissable d’un homme simple, ouvert et aimable, un républicain, un démocrate convaincu et constant.
Les circonstances ne se prêtent guère à un rappel du moment et du contexte où Patrick et moi fîmes connaissance. Je dirai simplement que le temps, maître de l’histoire, nous a permis de nous côtoyer, de nous connaître, et de nouer une relation d’amitié et de travail dépassionnée et désintéressée.
Nous avions fini par nous apprécier mutuellement, tant et si bien que nous nous appelions l’un et l’autre tout simplement P et G, et j’appelais affectueusement son fils Patrick Junior « mon jeune petit-frère ».
Cette proximité et ce respect mutuel ne signifiaient point une quelconque faiblesse dans la défense de nos opinions, et de nos convictions politiques différentes – pour ne pas dire opposées – mais plutôt une rencontre de deux esprits éclairés et civilisés. Je mesure la chance que j’ai constamment eue, à travers Patrick, d’avoir en face de moi un démocrate et un républicain convaincu.
Malgré les moments de tension extrême, malgré les combats et les luttes politiques âpres et ardus, la courtoisie, le respect de l’adversaire politique, l’esprit de tolérance, la tempérance et la modération, ne quittaient presque jamais Patrick.
En effet, quels qu’aient été la complexité des situations et les enjeux, je savais – et il le savait aussi – que nous avions la possibilité à tout moment de nous parler, de nous voir, d’échanger, d’établir le constat de nos divergences et désaccords, sans pour autant que cela affecte durablement et irrémédiablement nos liens personnels.
Cela peut paraître banal aux yeux de certains, mais je tiens à relever que Patrick n’a que très rarement affiché une attitude de désobligeance, de défiance, ou d’outrance, à l’égard de celles et ceux qui incarnent les institutions de le République et l’autorité de l’Etat. Mieux. Tant que nous le pouvions, Patrick et moi oeuvrions, au sein de nos familles politiques respectives, au maintien des fils du dialogue, et à la promotion de l’esprit de compromis raisonnable et respectable, qui permet de changer le cours des événements.
Nous sommes en peine. Nos cœurs saignent. Mais je voudrais, au-delà de cette douleur et de cette tristesse, saluer, ici et maintenant, la dignité et l’honneur d’un homme simple, qui s’est illustré par son abnégation. Il avait accepté et enduré la privation et les sacrifices qu’ici comme ailleurs, ailleurs comme ici, la vie politique, les combats et la lutte politiques, peuvent réserver à celles et ceux qui s’y dévouent sans attendre en retour une quelconque récompense, des avantages, ou la moindre gloriole. Engagé, Patrick l’est resté jusqu’à son dernier souffle.
Permettez-moi, pour finir, une dernière anecdote.
Les faits se déroulent un jour de 2013. Alors que j’étais allé rendre visite au Président national de l’Union des Forces de Changement, UFC, pour des échanges sur divers sujets d’actualité d’alors, celui-ci m’interpella au milieu d’une conversation en ces termes, qui me prirent au dépourvu : « Alors Monsieur le Ministre Bawara, on me dit que vous n’aimez pas l’UFC, et même que vous nous torpillez au profit de l’ANC, en raison de votre proximité avec Monsieur Patrick Lawson ! ». Sur ces entre-faits, nous rigolâmes. Mais j’en avais déduit une impression, voire une conviction, qui se lisait d’ailleurs aisément dans le regard et le sourire de mon aîné. En réalité, Monsieur Gilchrist Olympio était un peu nostalgique et jaloux d’apprendre qu’une certaine proximité me liait à Patrick, pour lequel il semblait avoir gardé une estime et une affection certaines.
Tel était Patrick, un homme sympathique, aimable et attachant. Même dans les chamailleries, les bouderies et les fâcheries, on avait du mal à s’en éloigner.
Ces derniers temps, je veux dire depuis le 20 février 2020, mon grand-frère et ami Patrick et moi, nous n’avions cessé de nous chamailler cordialement sur la tournure des événements politiques consécutifs à la dernière élection présidentielle. Je ne cessais de le chahuter, en évoquant le mauvais génie et la mauvaise bonne inspiration, en tout cas à mon sens, qui avaient conduit son parti, à l’issue du scrutin présidentiel, à produire un communiqué, et à adopter une attitude qui me paraissaient, à tort ou à raison, être motivés par le souci de ne pas s’aliéner la frange radicale et intransigeante de l’opinion.
Les relations cordiales et confiantes entre Patrick et moi, ne doivent rien au hasard. Je savais l’estime que lui vouait le Président Faure.
L’adversité politique, les combats, les oppositions et les luttes politiques ne doivent jamais nous enlever la part d’humanité et d’humanisme que chacun porte en lui, et qu’il faut laisser se manifester lorsque les circonstances l’exigent. Je ne serais pas honnête avec moi-mêmeme, si en rendant hommage à mon grand-frère et ami Patrick, je passais sous silence ce que furent les récents instants de notre relation.
Peut-être que le Président Faure m’en voudra ; et sans doute que son humilité et son tempérament porté à la discrétion en souffriront. Mais comment ne pas rappeler ici la réaction spontanée, et immédiate qui fut la sienne, lorsqu’il fut porté à son attention l’état de santé très préoccupant de Patrick, et qu’il décida de dépêcher au chevet du malade son médecin personnel, puis fit prendre des dispositions diligentes pour son évacuation, et sa prise en charge convenable hors du pays.
Le 13 septembre dernier, lorsque je quitte Kpalimé à l’issue du séminaire gouvernemental pour rentrer à Lomé, c’est avec soulagement et plaisir que j’échange longuement au téléphone avec mon grand-frère et ami Patrick, qui m’informe alors de son retour imminent au pays. Nous aurons encore la possibilité d’échanger quelques messages après son retour, et de nous promettre de nous retrouver dèss qu’il se sentirait en meilleure forme.
Dieu en a décidé autrement. Il a donné, il a repris.
Cher Patrick, ton départ prématuré laisse un grand vide dans ta famille, parmi les tiens, et parmi tes compagnons et camarades de lutte. Il laisse un immense vide dans nos cœurs, et prive la vie politique togolaise d’un modèle exceptionnel d’interlocuteur sérieux, solide et fiable, pour qui la fin ne justifiait nullement tous les moyens.
Nous prions avec ferveur et implorons Dieu, le Tout Puissant, dans sa miséricorde infinie, de t’ouvrir grandes ses portes de lumière.
Au revoir, mon cher Patrick, au revoir, cher grand-frère et ami.
Et que la Terre de nos aïeux te soit légère.
Lomé, le 26 novembre 2022
Gilbert Badjilembayéna BAWARA