Les tortues marines constituent une espèce en voie de disparition. Souvent victimes accidentelles des bateaux, ces tortues subissent diverses actions anthropiques. Aux larges des côtes togolaises, un millier de tortues visitent chaque année les berges pour y pondre leurs œufs. Sept différentes races fréquentent les côtes togolaises.
Selon John Gaglo (Directeur exécutif de l’ONG Agbo-Zegue), cinq des sept espèces de tortues marines qui fréquentent les berges togolaises sont sujettes à de nombreuses menaces.
« Les braconnages, la récolte des nids et la prédation font partie des dangers que courent ces tortues. L’intoxication causée par les déchets toxiques déversés au large de la mer, l’utilisation des produits et matériels prohibés par les pêcheurs sont aussi des causes fatales pour ces dernières. Les captures accidentelles par les filets des pêcheurs, des chutes libres suite à des blessures faites par des hélices de bateaux ou des moteurs de pirogues qui leur coupe la tête, le bras ou déchirent leur carapace… », a expliqué le Directeur exécutif de l’ONG Agbo-Zegue.
Cette ONG a pour mission d’apporter un appui scientifique et technique aux efforts de conservation des espèces menacées de disparition, ainsi que des écosystèmes fragiles et surtout les aires protégées.
Selon les chiffres de cette structure qui accorde une importance particulière à la protection des tortues marines, on en recense plus de 1000 par saison, sur les côtes togolaises.
« Cela reste toutefois variable à cause des perturbations saisonnières. L’année dernière par exemple, nous avons enregistré 914 et les espèces recensées sont : la tortue Verte, l’Olivâtre, la Luth (la plus massive), la Caouane ou Caretta et la tortue Imbriquée. Ces deux dernières années, seulement 3 espèces sont présentes notamment, la Verte, l’Olivâtre et la Luth. Mais il faut noter que la verte et l’olivâtre sont très régulières sur nos côtes ».
Des êtres très importants dans la biodiversité marine
Les tortues marines sont importantes à divers niveaux : culturel, économique, scientifique, écologique, (…).
En consommant des méduses, les tortues marines (spécifiquement la tortue imbriquée) libèrent les coraux, ce qui permet aux poissons d’accéder aux récifs pour se nourrir. Elles jouent un rôle clé dans les écosystèmes marins et côtiers, et contribuent à la santé des herbiers marins et des récifs coralliens, dont d’autres espèces animales comme les crevettes et les thons tirent également leur subsistance. Les tortues marines aident l’écosystème des récifs coralliens à rester productif et sain et elles jouent également un rôle important dans le maintien de l’équilibre du réseau trophique.
Par ailleurs, une diminution de la population de tortues vertes réduit la productivité du réseau trophique et, par défaut, la quantité de nourriture disponible pour les humains.
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« La valeur culturelle même des tortues est incommensurable », a souligné Jacques Akiti (responsable de suivi des tortues marines au sein de l’ONG Agbo-Zegue).
« Elles représentent une espèce emblématique pour certains peuples. Dans certaines communautés, elles sont très respectées et adorées comme divinité. Dans une localité au Ghana, les tortues ont sauvé des naufragés…, elles ont servi à les transporter, et sont donc tabou au sein de ces communautés. Elles ne sont ni tuées, ni consommées et avaient droit à des cérémonies une fois mortes. Au plan touristique, les tortues marines sont une source d’attraction », a expliqué M. Akiti.
Agbo-Zegue, une main secourable pour les tortues marines
Avant la création de l’ONG Agbo-Zegue, la survie des tortues était un réel défi, tant leur vulnérabilité était méconnue, tant leur importance ignorée des populations. Quelques années après la naissance de cette ONG, le taux de survie de ces tortues oscillait entre 30 à 40 %.
« Aujourd’hui plus de 60 % survivent avec l’effort qu’on ne cesse de fournir. Plus de 20.000 tortues (toutes espèces confondues) ont été relâchées depuis la création de l’ONG Agbo-Zegue. De plus, 10 à 12.000 nouveau-nés sont relâchées chaque année », a déclaré Gabriel Segniagbeto, Enseignant Chercheur de l’UL (Conseiller scientifique de l’ONG Agbo-Zegue).
Cette ONG s’est récemment lancée dans un vaste projet de protection de ces tortues le long du littoral togolais, pour des actions de conservation plus performantes de la biodiversité. Au nombre des activités phares, figurent la construction d’une écloserie, l’obtention des bagues à l’effigie du Togo et le suivi continu des actions de protection des tortures marines.
« L’écloserie revêt un avantage à plusieurs titres, mais avant tout délivrer les œufs des prédateurs, favoriser leur incubation pour l’obtention de bébés tortues le long du littoral togolais. De plus, après une éclosion inopinée, les bébés tortues sont récupérés et remis à la mer sans obstacle. Elle peut servir d’un site écotouristique accueillant des visiteurs « , a déclaré M. Gaglo.
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« En moyenne, 1045 individus sont recensés annuellement avec 12 à 25% des individus morts qui échouent sur les plages. De plus, 50 à 70% des individus recensés proviennent des captures à terre et surtout des captures en mer par les filets des pêcheurs. Parfois, 36 à 60% des nids enregistrés sur les plages sont collectés par les communautés des pêcheurs côtiers », a-t-il souligné.
Selon les explications du Conseiller scientifique, la mise en place de ce dispositif permettra également de « connaître la biologie des espèces. Et cela aura également un grand attrait touristique ».
Symbole de sagesse, de patience et d’endurance
Face aux risques que courent ces animaux préhistoriques, il urge d’accentuer des actions de sensibilisation pour faire connaitre l’importance de ces merveilleux animaux aquatiques et renforcer leur protection, conformément aux recommandations faites dans les différents accords de protection.
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Notons que toutes les espèces de tortue marine au Togo sont classées dans la catégorie des espèces menacées de disparition par les textes internationaux (annexes CITES et liste rouge de l’UICN) et nationaux (code forestier et loi-cadre sur l’environnement). Les différentes infractions et peines applicables en matière de destruction, commerce ou trafic de tortues marines ou de leurs trophées, sont de l’ordre de 1 à 5 ans d’emprisonnement et 1 à 50 millions de F CFA d’amendes (article 761 du nouveau code pénal).
Rappelons que la beauté des tortues de mer, ainsi que leur importance dans les écosystèmes marins, sont fêtées dans le monde entier le 16 juin. Ces tortues migrent sur de longues distances. Le programme de suivi de Damien Chevallier, chercheur au CNRS-IPHC, a montré qu’une tortue Luth (la race appelée Agbo-Zegue au Togo) a parcouru plus de 20.000 km, de la Martinique au large des côtes sénégalaises (près du Cap vert).
Les tortues marines ont émergé il y a environ 130 millions d’années et sont les seules formes marines de la classe des reptiles. Elles sont capables de vivre plus de 100 ans. Leur longévité, associée à leur capacité d’adaptation, ainsi qu’à leur ténacité lors des migrations, en ont fait un modèle de sagesse, de création et de patience. FIN
photo à la Une :blackturtledive.com