« Nous devons faire payer l’industrie du tabac pour ses dommages environnementaux », ont martelé mardi lors d’un webinaire, des organisations régionales et mondiales de lutte contre le tabac, dans le cadre du lancement de leur campagne intitulée « Clean Up ». C’est une initiative visant à commémorer la Journée mondiale sans tabac 2022 en Afrique.
« Nous devons agir maintenant pour que notre environnement ne soit pas complètement ruiné par la production de tabac », ont-elles souligné.
La Journée mondiale sans tabac qui est célébrée chaque 31 mai, est placée cette année sous le thème « Le tabac : une menace pour notre environnement », un appel à une sensibilisation sur l’impact environnemental du tabac en ce qui concerne sa culture, sa production, sa distribution et les déchets post-consommation.
« L’industrie du tabac prive les gens de leurs droits, notamment le droit à la santé et à un environnement propre. Elle exerce un contrôle important sur la conception de ses produits et sur ses chaînes d’approvisionnement qui, malheureusement, créent un énorme fardeau pour l’environnement », ont expliqué ces organisations dans une déclaration conjointe.
« Les gouvernements doivent veiller à la mise en œuvre effective des dispositions des articles 17 et 18 de la CCLAT de l’OMS et tenir l’industrie du tabac pour responsable de ses dommages environnementaux. Ils ne doivent pas se laisser prendre au piège des initiatives de responsabilité sociale des entreprises lancées par l’industrie du tabac dans le cadre de ses efforts pour redorer son image », avertissent ces organisations.
Elles ont pêle-mêle étalé les dégâts causés par l’industrie du tabac aussi bien sur les producteurs, les consommateurs que sur l’environnement.
Des produits néfastes pour la santé
Selon les organisations, la culture du tabac nécessite une quantité intense d’engrais et de pesticides.
« Ces produits chimiques sont finalement évacués des champs de tabac et finissent par contaminer nos cours d’eau, notamment les eaux souterraines, les rivières et les mers. Pis, l’exposition à ces produits agrochimiques et pesticides peut entraîner de graves problèmes de santé, voire la mort », a souligné Fatou Diouf (de l’Alliance pour la convention-cadre, FCA).
La culture du tabac expose les agriculteurs à plusieurs risques pour la santé, notamment la « maladie du tabac vert », qui résulte de l’absorption de nicotine par la peau lors de la manipulation de feuilles de tabac humides, ainsi que de l’exposition aux pesticides et à la poussière de tabac.
Notons que le défrichage des forêts pour le développement de nouveaux champs de tabac et le séchage contribue à la déforestation, l’un des principaux responsables des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et du changement climatique.
Environ 11,4 millions de tonnes métriques de bois sont nécessaires chaque année pour le séchage du tabac », expose le texte de la déclaration.
Le bois nécessaire au séchage du tabac contribue à 12 % de toute la déforestation en Afrique australe, souligne par ailleurs l’OMS dans sa publication à l’occasion de la JMST.
Quelques chiffres de l’OMS
Au Malawi par exemple, le tabac représente environ 50 % de toutes les exportations. À titre comparatif, ce chiffre est de 13 % pour le Zimbabwe, et de 6 % et 3 % respectivement pour le Mozambique et la Tanzanie. Dans la Région africaine, le traitement des maladies liées au tabagisme représente 3,5 % du total annuel des dépenses de santé.
La Région africaine de l’OMS produit désormais environ 12 % des feuilles de tabac au niveau international. Près de 90 % de la culture du tabac dans la Région est concentrée dans les sous-régions de l’Est et du Sud, notamment au Zimbabwe (26 %), en Zambie (16,4 %), en République-Unie de Tanzanie (14,4 %), au Malawi (13,3 %) et au Mozambique (13 %).
Très consciente des dommages qu’elle cause à l’environnement, l’industrie du tabac a eu recours à l’auto-déclaration de données sélectives sur les nuisances environnementales, détournant ainsi l’intérêt du public du véritable impact de ses activités de production.
Ces points mettent en lumière l’urgence pour les gouvernements de soutenir des moyens de subsistance alternatifs à la culture du tabac, notamment en Afrique où les agriculteurs continuent de vivre dans la pauvreté.
Au total, 44 des 47 pays de la région africaine de l’OMS ont ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, dont l’article 18 les engage à adopter des mesures efficaces, reposant sur des bases factuelles pour réduire la consommation de tabac.
Face à cette épidémie, les médias doivent agir
Selon Léonce Sessou (secrétaire exécutif de l’Alliance pour le contrôle du tabac en Afrique /ATCA), il s’agit d’une épidémie face à laquelle le rôle des médias est important pour sensibiliser et amener les dirigeants à réagir.
« L’attitude des gouvernements est due à l’ingérence des compagnies de tabac dans le processus d’adoption et de mise en œuvre des politiques antitabac. La presse devra continuer à sensibiliser les décideurs politiques et la population, vu que nous sommes en face d’une épidémie qui est une menace pour notre santé, notre environnement, notre économie, disons notre développement », a précisé M. Sessou.
Notons que la déclaration a été conjointement rendue publique par l’Alliance pour le contrôle du tabac en Afrique (ACTA), la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF), le Centre africain pour le suivi de l’industrie du tabac et la recherche sur les politiques (ATIM), le Centre pour le contrôle du tabac en Afrique (CTCA), l’Alliance pour la convention-cadre (FCA), la Campagne pour les enfants sans tabac (CTFK), et le Centre mondial pour la bonne gouvernance dans le contrôle du tabac (GGTC). FIN
Ambroisine MEMEDE