Le secteur de l’éducation a tenu, du 12 au 14 janvier dernier, sa 8e revue du Plan Sectoriel de l’Education (PSE). Cette rencontre a permis de faire le point sur le PSE et surtout de formuler des recommandations pour l’atteinte des objectifs.
A la suite de son collègue des Enseignements primaire, secondaire, technique et de l’Artisanat, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Pr Ihou Wateba, revient sur certaines des avancées dans l’enseignement supérieur, en termes d’accès, de qualité, de pilotage et de gouvernance, qui sont les quatre axes du PSE. Il relève aussi les attentes par rapport aux recommandations en lien avec son département.
Question : Monsieur le ministre, votre département a participé à la revue annuelle du PSE. Rappelez-nous un peu certaines des avancées qu’a connues l’enseignement supérieur par rapport aux quatre axes du PSE
Réponse : Depuis octobre 2022, le gouvernement est engagé dans un nouveau style de gouvernance, à savoir la gouvernance par les projets et les réformes.
Il y a eu au total 42 projets et réformes et deux prioritaires sont consacrés à l’enseignement : le projet 11 dédié à la politique et à la révision des politiques enseignantes orientées vers les métiers prioritaires et le projet 10 sur l’assurance qualité dans l’enseignement.
Et c’est autour de ces deux projets essentiels que se fédèrent toutes les actions menées. L’un des éléments de cette initiative, dont nous débattons aujourd’hui, c’est d’abord l’accès et l’équité.
Désormais, nous sommes engagés dans une éducation pour tous, une éducation qui ne doit pas faire des laissés pour compte et qui ne doit pas privilégier une catégorie socio professionnelle ou ethnique ou encore de sexe.
Donc, tout le monde a accès, de façon équitable, à l’éducation. Cela a amené à redéfinir, au niveau des moyens d’études pour les étudiants que nous appelons les bourses, la politique de l’attribution des bourses tant pour les bourses nationales qu’étrangères.
Il a donc été mis en place une commission qui a travaillé et qui rend les bourses plus représentatives des communautés et des préfectures d’origine.
Cela permet de satisfaire toutes les régions, sans pour autant concentrer l’essentiel des bénéficiaires dans les régions favorisées comme les grandes villes et, ainsi, permettre aux communautés reculées de pouvoir aussi présenter des boursiers qui iront à l’étranger faire de grandes études ambitieuses et revenir les représenter valablement.
Donc, cette réforme a été faite et présentée en Conseil des ministres. Nous sommes en train de la dérouler. L’autre élément, c’est la révision même de l’enseignement. Est-ce que ce que nous enseignons, aujourd’hui, répond aux ambitions de demain ?
Devons-nous continuer à enseigner juste pour la forme ou devons-nous enseigner pour répondre à nos besoins actuels ? Et je crois que là-dessus, il y a eu une révision de la cartographie des ordres d’enseignement qui a énuméré des domaines que nous qualifions de prioritaires.
Et ces domaines étaient déjà déroulés dans le cadre d’une certaine politique axée sur les centres d’excellence dans les universités où on forme sur des thématiques précises et d’avenir. Aussi, œuvrons-nous en encourageant les étudiants à aller vers ces domaines prioritaires, notamment les mathématiques, les sciences physiques, les sciences de l’ingénieur, les questions liées à l’environnement, etc. qui sont de gros défis auxquels le Togo va s’apprêter à répondre comme tous les autres pays sur la planète.
Qu’en est-il de l’enseignement supérieur privé ?
Le ministère de l’Enseignement supérieur n’est pas seulement un département qui s’occupe des questions de l’enseignement public, mais il prend également en compte l’enseignement privé.
Ce domaine a été le moins encadré. Quand nous avons pris fonction, nous avons fait un diagnostic. Il est ressorti de ce diagnostic qu’il faudrait le réglementer, le régler et l’aider à offrir un enseignement de meilleure qualité.
La première étape a été donc de faire le diagnostic de ces écoles privées d’enseignement supérieur pour voir qu’est – ce qui est enseigné, qui enseigne, comment les examens sont faits et qui va donner lieu à la délivrance des diplômes.
Cette évaluation a montré d’énormes dysfonctionnements que nous sommes en train de régler à travers un décret les réglementant. Parce que depuis 30 ans que ces écoles existent, il n’y a pas eu de décret organisant et réglementant leur fonctionnement, tant sur la gouvernance de ces écoles que sur ce qui est enseigné.
Donc, le décret a été adopté et maintenant nous avons fini la révision des curricula, puisque l’un des défis auquel nous étions confrontés est que d’une école à une autre sur la même formation, vous avez des formations différentes. Deux écoles qui forment en gestion n’ont pas le même contenu de l’enseignement et quand vous voyez ce contenu, il n’est pas forcément pertinent. On va retrouver quelque chose qui ressemble plutôt au secrétariat, alors qu’on parle de gestion.
Cet arrimage a été fait pour qu’il y ait une harmonisation, une uniformisation des enseignements de Lomé jusqu’à Cinkassé et c’est finalisé. Une fois que toutes les écoles enseignent de la même façon et dans le même style où les programmes ont été définis par les experts incluant les privés eux-mêmes, cela veut dire que nous allons pouvoir organiser les examens nationaux pour des diplômes reconnus par l’Etat et donc qui dit reconnaissance nationale dit portée internationale.
Voilà donc les grandes réformes qui ont été faites au niveau de l’enseignement supérieur privé. Evidemment, ça va permettre à ces écoles d’être plus compétitives et de pouvoir répondre au cadrage du gouvernement sur les besoins. Il y a eu aussi dans le cadre des réformes, la révision des curricula en cours dans les universités car, ce n’est pas parce que ce sont des universités publiques que tout est bien fait.
Il y a nécessité d’apporter une touche particulière pour essayer de voir comment on peut améliorer, de façon substantielle, ces curricula pour offrir aux étudiants de nouvelles chances d’éducation.
De nouvelles filières ont été aussi créées, notamment à l’Université de Kara où nous avons ouvert l’Océanographie, qui est une filière porteuse et ces écoles vont sortir bientôt des diplômés dans des thématiques où nous n’avions pas suffisamment de cadres.
Souvent les étudiants qui viennent des zones urbaines ou rurales atterrissent à l’université sans avoir eu une culture estudiantine et ne sont pas informés des filières qui existent. Il y a un véritable problème d’orientation des étudiants. Est-ce qu’une action est menée en ce sens pour anticiper sur ce qui attend les bacheliers qui arrivent dans les universités publiques du Togo ?
Oui, il y a déjà deux ou trois ans, des missions se font à chaque fin d’année pour aller sensibiliser les futurs étudiants à l’intérieur sur les orientations possibles.
Ce sont des missions qui durent à peu près un mois pour aller expliquer aux étudiants comment on prépare la carrière universitaire, la vie estudiantine de façon plus précise, mais aussi, comment s’y prendre quand on arrive en ville et les filières disponibles. En marge de cela, il y a la Direction des Affaires académiques et de la Scolarité qui est organisée avec des cellules d’écoute qui peuvent aider les étudiants à s’orienter en fonction du BAC qu’ils ont eu et des moyennes qu’ils ont obtenues au baccalauréat. On arrive ainsi à les conseiller sur les filières qui peuvent répondre plus à leur profil.
Cet encadrement est fait, mais ce n’est pas suffisant, parce que malgré cela, on remarque que certains étudiants, une fois arrivés à Lomé, sont déboussolés. Donc, c’est un travail quotidien qui ne doit pas s’arrêter et qui va se poursuivre pour permettre de mieux encadrer les étudiants et de les encourager à aller vers les domaines où ils pourront sortir avec un diplôme. Ça ne sert à rien d’avoir un diplôme et d’être chômeur après, ce n’est pas bien.
Les étudiants faisaient ça par suivisme et aujourd’hui, il faut qu’on puisse leur dire la finalité à laquelle tout cela va déboucher, pour qu’ils fassent le meilleur choix et que cela leur serve véritablement.
Monsieur le ministre, il y a plusieurs années, il a été organisé une rencontre présidentielle sur l’université où il était question de mettre les unités universitaires dans les régions ? Où en sommes-nous avec ce projet ?
Ça fait partie des grandes ambitions que le chef de l’Etat nourrit pour ce pays et pour la jeunesse togolaise.
Je crois qu’aujourd’hui, cette question a évolué. Hier, il était question des centres ou des collèges universitaires, mais c’est une grande vision qui est encore au-delà de ce qui avait été dit au départ et qui va se faire très rapidement. Cela va désengorger les structures
universitaires actuelles, ça va créer plus d’accessibilité aux étudiants venant des régions de l’intérieur qui ne seront pas obligés de venir à Lomé.
Vous savez, le logement à Lomé, ça coûte cher, mais quand vous prenez les villes de l’intérieur, c’est beaucoup plus raisonnable, alors que c’est avec les mêmes montants de bourses que l’étudiant doit vivre.
Donc, en décentralisant, ça va permettre vraiment aux étudiants de pouvoir rester dans les terroirs, dans les régions de l’intérieur et étudier avec qualité. Nous avons d’autres réformes qui se feront parallèlement à cela sur la mutualisation des enseignants, afin que toutes les universités puissent disposer du meilleur enseignant possible, pour qu’on puisse vraiment dérouler un enseignement de qualité.
Quelles sont vos attentes par rapport à la revue du PSE ?
Les recommandations sont simples, c’est enseigner autrement, adapter notre système éducatif aux réalités d’aujourd’hui.
D’où, l’importance que la numérisation doit occuper de façon préférentielle dans notre système éducatif. Et c’est ça qui nous a guidé à lancer un projet qui est en cours maintenant «Université sans les murs», piloté avec l’ambassade de France, et qui vise à interconnecter toutes les universités.
Cela fait partie d’un objectif de la feuille de route gouvernementale et à l’horizon 2025, 90% des universités, des structures d’enseignement supérieur devraient être interconnectées, élargies au secteur privé.
Ce projet est déjà lancé et nous sommes, aujourd’hui, quasiment à 80% de l’atteinte de cet objectif. Cela va permettre de dérouler des cours à distance, sur le plan pédagogique, de former des enseignants qui puissent répondre à cette thématique nouvelle et permettre de désengorger les universités. Parce qu’on a beau créer de nouvelles universités, elles ne seront jamais suffisantes pour recevoir le grand nombre d’étudiants qui viennent frapper aux portes des universités.
Arrimer, aujourd’hui, la qualité de l’enseignement avec la notion nouvelle qui est la numérisation, ça nous permettra de réaliser aisément les formations hybrides, mi présentielle mi à distance, pour dérouler les enseignements et délivrer des diplômes compétitifs.
C’est ça le grand objectif, c’est enseigner autrement, évaluer autrement, amener les étudiants à comprendre qu’en se formant bien, ils bâtissent eux-mêmes leur plan de carrière, leur avenir.
C’est cet accompagnement que nous faisons. Finie l’époque où l’enseignant était l’homme qui était perçu comme le grand maître, mais aujourd’hui, le principe du LMD, c’est l’enseignant au service de l’étudiant, l’enseignant au service de la communauté et que les universités jouent aussi leur rôle au service de la communauté.
Mélissa BATABA (Togo Presse)