L’immobilier est un vecteur de croissance dans un contexte de poussée démographique. Investir dans l’immobilier ou mettre en place des programmes long terme d’un gouvernement, est-il aussi simple qu’une équation entre l’offre et la demande ? L’immobilier est-il favorable à la montée d’une classe moyenne, à l’utilisation par le plus grand nombre des nouvelles unités ?
Des chiffres clés, un contexte économique africain favorable
Un chiffre démographique qui a de quoi faire tourner la tête : 2,5 milliards, tel sera la population en 2050 sur le continent (chiffres ONU).
Une croissance économique plus que convenable : selon le FMI, la croissance des pays émergents est de 3.9% en 2019 et 4.6% en 2020. En Afrique sub-saharienne, 3.5% en 2019 et 3.06% en 2020.
La Banque Mondiale a désigné le Ghana, le Rwanda, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire comme pays phares. Ces pays ont su diversifier les relais de croissance, de compétitivité, et se doter d’un environnement macro-économique favorable, le tout accompagné d’une population de classe moyenne en forte croissance.
La classe moyenne est attendue de croître de 355 millions à 1.1 milliard en 2050 selon la BAD (Banque Africaine de Développement).
Chez d’autres pays, la croissance démographique est plus étourdissante : 80% au Nigeria, en Angola et au Ghana en 2050. Si le continent a ainsi ces 2 éléments clés: une croissance économique et une croissance démographique, l’envolée de l’immobilier sera bel et bien là, et pourtant.
Quels sont les freins du développement du marché immobilier et plus généralement de l’économie du continent ? Peut-on réellement parler d’intégration économique africaine?
Plus de 50% du PIB cumulé est porté par 5 économies en Afrique. Ceci mettant le continent vulnérable à des problématiques telles que la tension sur le marché interne des commodités, d’endettement des Etats, de sécurité et de migration de la population intra-régionale.
Afin d’éliminer ces tensions intra-communautaire, l’Union Africaine, officiellement fondée en 2002 pour prendre le relais de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA, 1963-1999), a pour objectif de favoriser l’intégration économique.
Cette organisation continentale compte 55 États membres qui composent les pays du continent africain dans le contexte d’un marché intérieur africain d’importance: 25% attendus de commerce intra-continental.
Le frein principal est le manque d’infrastructures. La Banque africaine de développement estime que le continent nécessite entre 170 milliards de dollars d’investissements dans le secteur.
Les lacunes de ce secteur sont le frein le plus signifiant pour le marché intérieur.
De nombreux exemples nous le démontrent tous les jours et les choix des entreprises deviennent un choix par dépit et nécessité financière au lieu de privilégier une solidarité aux pays voisins et le développement de leur marché intérieur, l’écologie et une logique de proximité.
En effet, le coût de transport entre pays voisins est souvent plus élevé que d’importer d’Europe. Comble de l’ironie.
Le coût est un frein mais aussi le manque de connexions, bien que les deux soient liés. Une connexion aérienne intra-continent a été soulevé insuffisante par l’ONU.
L’institution estime que l’offre est inadéquate et que le manque d’infrastructure alourdie de 30 à 40% les coûts d’imports/exports. C’est un des objectifs de l’Union Africaine, soit «promouvoir la connectivité intra-régionale entre les capitales africaines en créant un marché unique et unifié du transport aérien.
Vers une facilité de visas et libre transfert de personnes : «supprimer les restrictions à la capacité des africains de voyager, de travailler et de vivre sur leur propre continent en transformant les lois restrictives et en encourageant les déplacements sans visas». Voilà un des objectifs phares de l’Union Africaine.
D’autres thèmes non abordés mais tout aussi importants, le seront lors d’un prochain article: une intégration économique (l’ECO sera-t-elle moteur d’un nouveau souffle ?); et le développement des denrées locales afin de réduire la dépendance extérieure.
L’immobilier galvanisé par l’innovation?
Le marché immobilier a fortement accru ces dernières années et le futur se montre sous un œil plus technologique: le secteur de la «Proptech» atteint 12 milliards USD en 2016, estimé à 4.6 milliards USD en mars 2019, contre 20 millions USD en 2008 (Etude Knight Frank Africa Report 2020-2021).
La PROPTECH c’est quoi ?
Un nouveau segment de marché immobilier, contraction de Property technology, de plusieurs catégories : l’immobilier, les villes et bâtiments intelligents (les Smart Cities), l’économie collaborative, la construction (la ConTech) ainsi que la finance (la FinTech).
Les statistiques montrent une forte croissance de ce secteur avec plus d’espaces de « co-working», de vente en ligne, de plateformes de transactions, de plateforme de gestion des données.
En Égypte, 124 espaces de co-working sont répertoriés, 76 en Afrique du Sud et 33 au Kenya.
Dans la catégorie Proptech, ce ne sont ni le blockchain ni l’architecture verte qui sont privilégiés, contrairement à l’Europe surfant sur ces tendances, mais plutôt de manière pragmatique le e-commerce et les espaces de co-working.
L’urbanisation est aussi un facteur clé dans l’accroissement de la demande en résidentiel. La densité de sa population exerce une pression sur le marché immobilier: 17 pays ont un déficit d’1 million d’unités, la population des jeunes est estimée à 1 milliard en 2050 selon l’ONU.
Le déficit au Kenya grandi de 200 000 unités par an, 178 000 en Afrique du Sud, et 400 000 en Éthiopie.
L’investissement dans l’immobilier résidentiel est encore peu développé 2.5% des fonds immobiliers en Afrique contre 25% dans les économies européennes ;
La Côte d’Ivoire, Hub Afrique d’Afrique de l’Ouest
25 millions d’habitants, 2ème économie en plus forte croissance en Afrique, les investissements directs à l’étranger (IDE) ont bondi de 302MUSD en 2011 (fin de la guerre) à 913MUSD en 2018. Le taux de croissance, est plus que favorable avec un PIB à 6.7% en 2019.
Malgré certaines craintes en 2020, un attentisme dû aux élections, la Côte d’Ivoire est bel et bien un HUB en Afrique francophone du fait de sa classe moyenne et de la qualité de ses infrastructures.
Les rendements locatifs varie de 9% pour les bureaux, 8% sur le retail, 12% sur l’immobilier industriel et 8% le résidentiel de prime location tel que Cocody et zone 4 (source FRANK KNIGHT, Africa Report 2020-2021).
Le Sénégal, la «french riviera» de l’Afrique de l’Ouest
Les pays voisins offrent des perspectives attrayantes, tels que le Sénégal, dont la croissance du PIB est de 2.2% en 2019 et les rendements immobiliers oscillent de 6% (résidentiel) à 13% (secteur industriel).
Au Sénégal, durant cette dernière décennie, le marché des bureaux s’est déplacé selon l’étude du sud au nord. Le développement des bureaux a été relativement équilibré résultant d’une faible augmentation des loyers.
Le plan ambitieux de relocaliser les ministères à Diamniadio à 30km proche du nouvel Aéroport International Blaise Diagne a vocation de créer une dynamique dans les années à venir autour de ce nouveau pôle.
Selon l’étude, le marché industriel est traditionnellement situé à proximité du port et sur la route de Rufisque qui longe la côte à l’est. Il y a eu un développement significatif des terrains industriels à Diamniado à travers deux programmes principaux, P2ID (zone économique spéciale) et DID. D’autres zones se développent tels que les Almadies.
Le Dakar Financiel Center devrait offrir 5000m2, surface de bureaux 13.400m2 et 1.000m2 de commerces.
Le marché résidentiel a connu d’importants programmes de développement d’appartements principaux et traditionnels à Dakar. Il y a eu une augmentation du volume des développements résidentiels, soutenue par un contexte plus optimiste.
Des niveaux de demande plus élevés devraient provenir du secteur pétrolier et gazier en raison du grand nombre de personnel expatrié arrivant sur le marché.
Ces deux exemples en Afrique sub-saharienne, montrent que le marché immobilier local a de beaux jours devant lui, dans un contexte favorable, les freins ainsi identifiés au niveau régional, permettront de développer cette classe d’actif comme investissement.
Par Patricia Cressot, Head of Africa development, Wealth planning. Rosemont International.