Le conseil des ministres a écouté mardi dernier, une communication relative au projet de modernisation et de renforcement des capacités de l’administration publique pour la délivrance des services (PMAPDS), présentée par Gilbert Bawara, ministre de la fonction publique, du travail et du dialogue social.
Ce projet en cours d’élaboration avec l’appui de la Banque mondiale, vise à améliorer et à renforcer les capacités institutionnelles nécessaires pour répondre aux ambitions et aux objectifs de la feuille de route gouvernementale, tout en amorçant la transformation profonde de l’administration et des services publics. Il contribuera à une meilleure accessibilité aux services publics et à l’amélioration de la qualité des prestations fournies aux citoyens, conformément aux priorités de développement du Togo.
Dans un entretien à bâton rompu avec Savoir News et Togobreakingnews, M.Bawara a situé le contexte, tout en mettant l’accent sur les objectifs, les composantes et les axes d’intervention de ce projet.
Contexte
« Il faut être honnête et reconnaître que, malgré les efforts faits depuis un certain nombre d’années en matière de modernisation de l’administration publique, les résultats ne sont pas totalement au rendez-vous. Il existe une insatisfaction aussi bien du gouvernement que des citoyens. C’est vrai, en 2005, l’administration togolaise était quasiment à terre, en délabrement ; les services publics avaient connu de graves dégradations et s’étaient affaissés après la longue période de crise politique, avec des répercussions économiques et sociales évidentes que notre pays a connues. L’État n’avait plus été en mesure de continuer à recruter, à former des compétences. Le système éducatif en pâti. Même si les recrutements ont repris, ils n’ont pas permis de combler le gap en matière de ressources humaines. Et surtout, même ces recrutements n’ont pas suffi pour satisfaire à l’exigence de qualité en termes de compétence et en termes d’expertise », a expliqué Gilbert Bawara.
« Tout ce qui a été fait en termes d’amorce de la modernisation de l’administration, a sans doute permis à notre pays de relancer l’économie, de relancer la coopération et de relancer le fonctionnement normal de l’administration et des services publics. Mais en termes de qualité des services publics, en termes de qualité de l’administration, nous pouvons estimer qu’il y a encore d’importants gaps qui restent à combler », a-t-il reconnu.
Car, a-t-il poursuivi, il est important de s’assurer que les différentes structures étatiques, les ministères etc… sont outillés avec des compétences fines, des expertises à la fois pour concevoir les politiques publiques, les mettre en œuvre de manière efficace et efficiente, et en assurer le suivi et l’évaluation.
« A ce niveau, il y a encore un gap » a relevé le ministre.
« Et quand on se place du côté des usagers et des citoyens, tout le monde peut aussi constater qu’il y a eu pas mal d’efforts, y compris en termes de digitalisation, de numérisation. Mais tout le monde constatera aussi qu’il y a beaucoup à faire en termes d’accessibilité aux prestations et aux services publics, en termes de qualité des services publics. Des citoyens sont obligés de quitter leurs localités lointaines pour se rendre soit dans les chefs-lieux de préfectures ou de régions, soit particulièrement à Lomé, afin de bénéficier d’un certain nombre de services et de prestations de qualité : c’est le constat », a-t-il souligné.
« Aujourd’hui, tout le monde sait que le Togo dispose d’une politique et d’une stratégie de développement très affinées et très appréciées de la part des acteurs de l’économie et des partenaires techniques et financiers. Que ce soit le Plan national de développement (PND) – dont la pertinence et la portée ont été abondamment louées – ou la feuille de route gouvernementale (2020-2025), tous les observateurs, et sans doute les togolais de bonne foi diront que les projets, réformes, programmes et actions inscrits dans ces documents sont d’une qualité exceptionnelle. Mais dans le même temps, on se pose la question suivante: est-ce que l’État togolais dispose des ressources humaines adaptées, des compétences et des expertises nécessaires pour pouvoir assurer une exécution et une réalisation satisfaisante de ces projets, réformes, programmes etc… ? La réponse sera mitigée ».
Donc, c’est sur la base de ces constats, a précisé le ministre, qu’il est apparu nécessaire pour le gouvernement, de concevoir un « véritable projet de modernisation et de renforcement des capacités de l’administration publique, afin que les ambitions et les objectifs de la feuille de route puissent être réalisés ».
Les objectifs du projet
Les objectifs sont de deux ordres :
(1) outiller et doter le gouvernement et les différentes institutions et structures étatiques des capacités institutionnelles, des compétences, des talents et des expertises nécessaires à la bonne mise en œuvre des projets et réformes gouvernementaux.
« Ces réformes et projets sont déjà définis par la feuille de route, mais il faut que l’État ait les ressources humaines de qualité nécessaires pour la bonne exécution, la bonne mise en œuvre de ces projets et réformes inscrits dans le cadre de la feuille de route gouvernementale. Ainsi, au niveau des différents axes de développement, nous pouvons nous assurer que nous avons de bons agronomes, de bons enseignants, de bons ingénieurs, un bon personnel médical, des agents et fonctionnaires productifs et performants, soucieux des exigences de rendement et de leur contribution aux objectifs de développement, etc… », a indiqué le ministre.
(2) Améliorer considérablement la qualité et l’accessibilité des services et des prestations qui sont fournis aux citoyens. A ce niveau, il s’agit de « répondre aux besoins des populations togolaises, en termes de qualité des services et des prestations de services qui leur sont fournis dans tous les secteurs de la vie : la délivrance des actes d’état civil, la collecte des taxes, l’octroi des subventions etc…. A la fois, l’État sera satisfait dans l’évolution de la mise en œuvre de la politique de développement et les citoyens aussi auront le sentiment qu’ils ont accès à des services et des prestations de qualité ».
A travers ce projet, a poursuivi M.Bawara, le gouvernement disposera à l’avenir, d’un cadre ou canevas unique, fédérateur de toutes les activités et de toutes les interventions en matière de modernisation et de renforcement des capacités de l’administration publique : « Si un partenaire technique et financier, un bailleur de fonds, veut accompagner le Togo et il nous demande : quelle est votre vision? Quels sont vos objectifs en matière de réforme de l’administration, en matière de modernisation de l’administration, en matière de renforcement des capacités? Nous serons en mesure de présenter le document dont nous disposons ».
« Il est bien vrai que c’est le ministère de la fonction publique, du travail et du dialogue social qui a initié le projet, mais c’est un projet du gouvernement. C’est un projet qui touche à tous les secteurs de la vie nationale et dont la mise en œuvre mettra à contribution l’ensemble des compartiments du gouvernement ».
Les composantes
Le projet de modernisation et de renforcement des capacités de l’administration publique pour la délivrance des services (PMAPDS) comporte à ce stade quatre composantes.
Première composante : l’accélération de la réforme et de la modernisation de l’administration publique avec des textes qui donnent une orientation nouvelle à la fonction publique.
Le cadre juridique et réglementaire qui régit la fonction publique – notamment le statut général de la fonction publique, les statuts spéciaux – sera revu avec une refonte en profondeur et complète dudit cadre.
« Car aujourd’hui, nous avons une fonction publique statutaire ou de carrière. On devient fonctionnaire, on a la sécurité et la stabilité de l’emploi, mais on ne se pose pas la question de savoir: quelle est ma lettre de mission? Quel est le contrat d’objectifs qui me lie à l’État? Quelles sont les attentes et les besoins de la population? Quels sont les résultats auxquels je pourrais contribuer en vue de la bonne marche et du développement du pays? Il faut sortir d’une fonction publique de carrière pour évoluer vers une fonction publique de mission. Les agents et les fonctionnaires doivent se considérer comme des instruments du développement du pays. Quand j’établis un acte de naissance à un citoyen, il faut que je sois confiant que ce document va l’aider dans d’autres démarches de son activité quotidienne. Quand j’établis une pièce d’identité à un élève, je dois savoir qu’il veut l’utiliser pour passer un examen ou un concours. Quand j’établis un quitus fiscal à un opérateur économique, peut-être qu’il a besoin de ce document pour soumissionner à un marché. Donc l’accélération de la modernisation de l’administration vise à redonner une vocation et une mission utilitaire à l’agent et aux fonctionnaires de l’État », a expliqué le ministre.
Deuxième composante : la facilitation des prestations et des services.
Selon le ministre, la facilitation des prestations et des services signifie: simplifier les procédures, simplifier les formalités et utiliser les outils de digitalisation pour favoriser l’accès aux services en améliorant également la transparence et l’efficacité : « la facilitation des services est orientée sur deux points : la simplification des formalités et des procédures et la digitalisation ou numérisation des services ».
« Celui qui est admis à la retraite ne devrait pas être obligé de refaire un parcours de combattant pour constituer son dossier pour la caisse de retraite, alors que c’est le même État qui a été son employeur tout au long de sa carrière. Quand le ministère de la fonction publique signe les actes d’admission à la retraite, le ministère des Finances doit par exemple savoir immédiatement qu’à partir du 31 décembre, Monsieur X n’a plus droit au salaire. La caisse de retraite sait qu’à partir du 31 décembre, cette personne a droit à sa pension de retraite », a souligné M.Bawara.
Troisième composante : Elle a trait à tout ce qui peut simplifier, améliorer, renforcer la gestion des finances publiques. Et toutes ces réformes seront aussi incluses dans le projet.
Quatrième composante : l’accompagnement technique de la Banque mondiale mais également des autres partenaires. FIN
Junior AUREL