Les Zambiens ont afflué jeudi dans les bureaux de vote pour choisir leur président, entre le sortant Edgar Lungu et son principal rival, un scrutin marqué par une coupure d’internet qui alimente les craintes de l’opposition.
Le rival de toujours, Hakainde Hichilema, qui se présente pour la sixième fois et promet de redresser l’économie, a laissé entendre qu’il pourrait contester les résultats qui doivent être connus d’ici dimanche soir.
« Nous sommes confiants (dans le fait que) nous allons remporter la mise », a déclaré l’homme d’affaires autodidacte de 59 ans, en costume sobre et col ouvert, devant des centaines de journalistes et partisans agglutinés dans son bureau de vote de la capitale.
« Les gens veulent que ça change, ça se voit sur leurs visages », a-t-il déclaré. Mais « ce qui compte, c’est que la décision de qui devient président, qui dirige ce pays, soit déterminée par (…) les électeurs, pas par les gens qui comptent les voix », a-t-il prévenu, sourcil froncé.
La veille, celui que la rue appelle « HH » ou « Bally », terme affectueux désignant un aîné, avait appelé la commission électorale à garantir un scrutin « libre et équitable ».
Pendant la campagne, l’opposition, qui craint des fraudes, avait accusé le gouvernement de chercher à entraver les déplacements de M. Hichilema, ce que le Front patriotique (PF) au pouvoir dément.
Alors que le gouvernement avait menacé de bloquer internet si certains « colportent des fausses informations pouvant déstabiliser » l’élection, messageries et réseaux sociaux se sont retrouvés coupés jeudi après-midi.
« La dernière tactique » du pouvoir « visant à restreindre le flux d’informations via les réseaux sociaux constitue une violation directe du droit à la liberté d’expression », a dénoncé Amnesty dans un tweet, appelant les autorités à en rétablir immédiatement les accès.
Des ONG ont dénoncé la répression sous Lungu, qui a empiré depuis son arrivée au pouvoir en 2015, avec des médias indépendants fermés et des figures de l’opposition emprisonnées.
Hichilema lui-même assure avoir été arrêté une quinzaine de fois depuis qu’il fait de la politique.
C’est « un test pour la démocratie zambienne, un test de l’équité et de la liberté de la commission électorale » dans l’organisation de cette élection et le décompte des voix dans les jours à venir, souligne l’économiste Trevor Simumba.
La campagne, tendue, s’est concentrée sur l’économie du premier pays africain à avoir fait défaut fin 2020 sur sa dette depuis le début de la pandémie.
Dès l’aube, des centaines d’électeurs avaient formé d’interminables files d’attente.
Dans le township de Matero, Andrew Daka, 20 ans, qui vote pour la première fois, veut du « changement »: « on ne peut plus continuer comme ça ».
Parmi les premiers à déposer son bulletin, dans le sud de Lusaka, le président Lungu, 64 ans, veste en cuir et dents du bonheur, a noté que « les Zambiens sont prêts à voter et ils sont nombreux », avant de lancer: « On va gagner! »
Dans le quartier populaire de Mtendere, des centaines ont pris leur mal en patience, papotant dans la queue ou achetant une glace. Thomas Wandu, mineur de 41 ans, vote Lungu, l’homme fort: « Sous terre, ça ne se passe pas comme ça devrait », confie-t-il à l’AFP, « les patrons (chinois) ne respectent pas leurs engagements de salaires ».
Mais l’inflation, montée à plus de 20%, a érodé la base de soutien du président, disent les sondages, et l’élection pourrait être plus serrée qu’en 2016, quand « HH » avait perdu d’un peu plus de 100.000 voix.
Lungu, avocat de formation, est critiqué pour avoir emprunté de façon déraisonnable, notamment auprès de créanciers chinois, pour financer une frénésie de projets d’infrastructure.
Le président a déployé l’armée au début du mois pour maintenir l’ordre pendant la période électorale, après des violences sporadiques, ce que l’opposition a dénoncé comme une tactique d’intimidation.
SOURCE : AFP