Capitole envahi: L’Afrique ironise aux dépens d’une Amérique donneuse de leçons

Capitole envahi

L’homme coiffé d’une toque de fourrure serait-il en fait un chasseur sahélien? Les Casques bleus doivent-ils intervenir à Washington? L’invasion du Capitole par des manifestants pro-Trump mercredi suscite l’ironie à travers l’Afrique, habituée à recevoir les leçons américaines en matière de démocratie.

Au Mali, le secrétaire général d’un groupe armé, Fahad Ag Almahmoud, a solennellement « condamné » sur Twitter la présence de chasseurs traditionnels dans le Capitole envahi jeudi soir.

Présents au Sahel et parfois accusés d’exactions, les « dozos » sont habillés d’une tenue marron et ornés de gri-gri: il n’en fallait pas plus pour que l’homme à la longue toque de fourrure et au torse nu, qui a fièrement posé devant les caméras dans le Capitole envahi, en devienne un pour des internautes.

« Nos cousins les dozos américains ne sont pas restés en marge de ce fait historique », se félicite ironiquement un internaute burkinabè avec une photo de l’individu toqué.

Sur le continent africain, secoué l’an dernier par une vague de crises, du putsch au Mali aux soubresauts en Centrafrique en passant par des crises électorales en Guinée Bissau, en Guinée ou encore en Côte d’Ivoire, on ne se prive pas du plaisir de se moquer du spectacle offert par les Etats-Unis.

« Ce qui s’est passé au Capitole démontre que les Américains reconnaissent enfin la valeur de l’Afrique et copient ses pratiques post-élection », plaisante un twittos malgache.

– « Donneurs de leçons » –

« J’imagine les titres à la Une de RFI, France 24, CNN (…) si ce scénario était en Afrique ou en RDC », commente Gastonfils Lonzo sur Twitter, estimant que « les donneurs de leçon enverraient déjà des enquêteurs ».

« On doit arrêter de dire qu’il n’y a que des Africains qui ne veulent pas de la démocratie. On a la preuve que le refus de quitter le pouvoir après une défaite électorale n’est pas l’apanage des seuls Africains », a déclaré à l’AFP Bienvenu Matumo, du mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha).

« Ce qui s’est passé nous rappelle que la nature humaine, peu importe la couleur ou les origines, a besoin de garde-fous: éducation, institutions fortes, leadership responsable, pour contenir ses instincts primaires »,complète Floribert Anzuluni, le coordinateur d’une autre association, Filimbi.

Dans son éditorial sur le site du magazine Jeune Afrique, le dessinateur franco-burkinabè Damien Glez compare Donald Trump à l’ancien despote gambien Yahya Jammeh, qui avait refusé de quitter le pouvoir quand il avait perdu la présidentielle de 2017.

Alors que le président sortant américain avait traité durant son mandat les pays africains de « pays de merde », une sortie tristement restée dans les mémoires, le dessinateur lâche: « On ressemble souvent à ceux que l’on snobe ».

A la différence de certains leaders européens qui ont vite condamné la scène historique du Capitole, les chefs d’Etat du continent africain ne se sont pas pressés pour réagir.

– Envoi de Casques bleus –

Seul Emmerson Mnangagwa, président du Zimbabwe, l’a fait sur Twitter, profitant de l’occasion pour demander la levée des sanctions américaines sur son pays: « Les événements d’hier ont montré que les États-Unis n’ont pas le droit moral de punir une autre nation sous prétexte de défendre la démocratie. »

Les Etats-Unis maintiennent depuis près de vingt ans des sanctions contre quelque 100 personnes et entités juridiques zimbabwéennes, dont l’actuel président, en réponse à la répression sanglante infligée aux opposants.

Dans une déclaration laconique mais non dénuée d’ironie, le porte-parole du président nigérian Muhammadu Buhari, Bashir Ahmad, s’est lui interrogé, toujours sur Twitter: « la Beauté de la démocratie? »

Certains internautes appellent l’Union africaine à réagir, « comme l’ONU réagit » aux troubles dans des pays africains.

« Il est temps que l’UA envoie des Casques bleus pour protéger les citoyens américains », pense un internaute rwandais.

Dans le quotidien guinéen Le Djely, le journaliste Boubacar Sanso Barry tranche: « On devrait rompre avec tous ces jugements hâtifs et quelque peu racistes » sur l’Afrique.

SOURCE : AFP