Les trois principaux candidats à la présidentielle au Burkina, dont le président sortant et favori Roch Marc Christian Kaboré, ont bouclé vendredi leur campagne avec de grands meetings avant le scrutin de dimanche placé sous la menace jihadiste.
Des membres de forces de sécurité, dont le nombre n’a pas été révélé, ont été déployées dans tout le pays.
La crainte d’attaques jihadistes le jour du vote est dans tous les esprits,alors que les violences ont fait au moins 1.200 morts depuis 2015 et que des pans entiers du territoire échappent au contrôle de l’Etat en raison de ce harcèlement jihadiste quasi quotidien.
Le pays vit ses heures les plus sombres depuis l’indépendance de 1960.
En deux ans, le nombre de déplacés par ces attaques a augmenté de façon exponentielle jusqu’à atteindre le million, soit 5% de la population.
Le double scrutin, présidentiel et législatif, ne pourra pas se tenir sur au moins un cinquième du territoire.
« Hakuna Matata! » (tout va bien), a pourtant lancé sous les hourrahs, le président du parti présidentiel Simon Compaoré pour introduire son champion.
– Nostalgie de l’ère Compaoré –
Les 6,5 millions de Burkinabè appelés à voter ont le choix entre le président Kaboré et douze candidats d’opposition.
Donné favori, Kaboré a rempli vendredi après-midi le plus grand stade de Ouagadougou de dizaines de milliers de personnes en orange, la couleur de son parti.
Deux opposants sortent du lot: Zéphirin Diabré, chef de file historique de l’opposition, et Eddie Komboïgo, candidat du parti de l’ancien président Blaise Compaoré, dont le régime fait l’objet d’une nostalgie croissante.
Diabré a tenu son dernier meeting vendredi dans la capitale économique Bobo Dioulasso, devant des milliers de personnes.
Il a assuré avoir « proposé mes solutions (…) qui peuvent aider notre pays à s’en sortir ».
A Ziniaré, fief de Compaoré, Komboïgo a lui évoqué le « sacrifice de Compaoré pour le développement du Burkina », promettant son « retour avec tous les honneurs ».
– Embuscade meurtrière –
En pleine campagne, début novembre, 14 soldats ont été tués dans une embuscade revendiquée par l’organisation Etat islamique (EI) dans le Nord,l’un des plus lourds bilans pour l’armée depuis 2015.
Quelques jours plus tard, sans qu’un lien puisse clairement être établi, la propagande de l’EI publiait une photo de deux jihadistes égorgeant un homme en uniforme. L’armée a démenti une nouvelle attaque.
La présidence Kaboré n’a pas réussi à enrayer cette spirale depuis les premières attaques en 2015.
« Le diagnostic a été mauvais et la réponse n’a pas été adéquate inadaptée », estime le spécialiste des questions de sécurité Mahamoudou Sawadogo.
Au Burkina Faso, comme au Mali et au Niger voisins, les violences jihadistes ont aussi dégénéré en affrontements intercommunautaires. L’amalgame entre les populations peules et le jihadisme est répandu.
Des ONG ont dénoncé des massacres de civils peuls par des milices pro-gouvernementales ou l’armée et les exactions d’une communauté entraînent des représailles de l’autre.
Le choix du tout-sécuritaire a été fait, mais l’armée burkinabè, mal équipée et mal entraînée, va de pertes en pertes, malgré quelques succès revendiqués.
– Volontaires ou milices du pouvoir ? –
La question d’un possible dialogue avec les groupes jihadistes, très présente au Mali, a fait débat durant la campagne, M. Kaboré étant contre, ses challengers se prononçant à la quasi unanimité pour.
« L’action militaire toute seule n’a jamais pu vaincre le terrorisme dans aucune partie du monde. A côté de l’action militaire, il faut qu’il y ait d’autres actions », estime M. Diabré.
Une des solutions proposées par M. Kaboré a été la création début 2020 de milices villageoises encadrées par l’Etat, les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).
Leur rôle dans la sécurisation du scrutin de dimanche reste flou: le parti présidentiel « pourrait être accusé d’utiliser ses +troupes+ » pour encourager à voter Kaboré, dit une source diplomatique occidentale à Ouagadougou.
L’opposition n’est « pas parvenue à faire bloc derrière un seul candidat »,souligne le professeur de sciences politiques Drissa Traoré.
Le camp Kaboré vise donc une victoire dès le premier, comme en 2015, pour éviter un second tour contre un candidat soutenu par l’ensemble de l’opposition.
Bon gré mal gré, Roch Marc Christian Kaboré n’a cessé de promettre le retour de la paix.
Largement taxé par ses détracteurs d’immobilisme face au pourrissement de la crise, Kaboré « ne peut pas faire autrement que de promettre de l’espoir », estime Rinaldo Depagne, de l’International Crisis Group (ICG).
SOURCE : AFP