Des heurts déclenchés par une énième arrestation du candidat à la présidentielle de janvier 2021 Bobi Wine ont provoqué la mort de sept personnes mercredi à Kampala, en Ouganda, où la situation restait tendue jeudi.
La campagne électorale bat son plein avant un scrutin présidentiel qui s’annonce difficile, où le député de l’opposition et star de la chanson de 38 ans sera le principal adversaire de Yoweri Museveni, 76 ans, au pouvoir depuis 1986.
« Nous avons dénombré sept morts, jusqu’à tard hier soir.Il y a 45 blessés », a déclaré jeudi à l’AFP le porte-parole de la police ougandaise Fred Enanga.
Mercredi, la police avait affronté pendant plusieurs heures à Kampala, la capitale, de jeunes manifestants fous de colère après avoir appris l’arrestation de leur champion.
Robert Kyagulanyi, de son vrai nom, a été arrêté à Jinja (Est) où il faisait campagne, pour avoir, selon la police, violé les mesures de lutte contre le coronavirus lors de ses rassemblements.Les heurts ont également touché cette ville ainsi que, fait notable, d’autres centres urbains du pays.
« Le calme est revenu aujourd’hui dans toutes les zones touchées par des manifestations violentes hier, malgré les tentatives de certains gangs de bloquer ce matin des routes en brûlant des pneus et en installant des barricades », a assuré jeudi matin M. Enanga.
– Évanoui en prison –
La situation était pourtant toujours tendue à Kampala, où la présence policière et militaire était forte et où des rassemblements continuaient de se former avant d’être dispersés par la police à coups de tirs de gaz lacrymogène.
Dans certains quartiers, des tirs sporadiques à l’arme à feu résonnaient et des résidents restaient enfermés chez eux de peur d’être pris dans les violences.
A l’extérieur de la capitale, sur la route vers Masaka (Sud), un axe majeur qui dessert la Tanzanie, des groupes de jeunes avaient installé des barrages et forçaient les véhicules à verser une contribution prétendument destinée à payer les frais d’avocat de Bobi Wine.
Des regroupements de sympathisants de Bobi Wine ont aussi été signalés dans d’autres villes du pays.
A Jinja, un groupe de supporters de Bobi Wine restait campé devant la prison de Nalufenya, où l’opposant est détenu.
Le leader de ce groupe, Muhammad Ssegirinya, qui sera en 2021 candidat à la députation sous la bannière de la Plateforme d’unité nationale, le rassemblement de M. Wine, a également été arrêté jeudi après avoir publié un enregistrement audio affirmant que l’opposant se serait évanoui en prison et allait être transféré à l’étranger pour traitement.
Patrick Oboi Amuriat, un autre des 11 candidats à la présidentielle prévue le 14 janvier, a lui aussi été arrêté mercredi à Gulu (Nord) mais relâché le soir même, sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre lui.
– Appel aux « bonnes volontés » –
Deux candidats, Henry Tumukunde et Gregory Mugisha Muntu ont suspendu leur campagne électorale en signe de protestation contre ce qu’ils estiment être de la violence policière contre l’opposition.
M. Museveni n’a pas commenté les manifestations mais a posté jeudi matin le programme de sa journée de campagne électorale prévue à Karamoja (Nord-Est).
Mercredi soir, l’ambassade américaine à Kampala a sur Twitter « déploré les violences » et appelé « toutes les parties à renoncer à la violence, à prendre des mesures de bonne volonté pour réduire les tensions, et à respecter les libertés fondamentales. »
Le régime du président Museveni a montré ces derniers mois de nombreux signes de nervosité à l’encontre de Bobi Wine, arrêté ou assigné à résidence à de nombreuses reprises depuis 2018.
Il avait ainsi été arrêté une énième fois début novembre immédiatement après avoir déposé sa candidature à la présidentielle, au motif qu’il projetait un rassemblement illégal.
Élu député en 2017, Bobi Wine est devenu le porte-parole d’une jeunesse ougandaise urbaine et souvent très pauvre qui ne se reconnaît pas dans le régime vieillissant du président Museveni.
SOURCE : AFP