Le Togo mise sur le solaire pour éclairer ses habitants

Qu’il s’agisse de charger son portable ou de regarder un match de foot, Ousmane Kantcho devait il n’y a encore pas si longtemps aller « en ville »: 15 km de mauvaises pistes parcourues en bicyclette au beau milieu de la savane togolaise.

A plus de 600 km de la capitale Lomé, lorsque la nuit tombait sur son village, Tababou, non raccordé à l’électricité, Ousmane et sa famille se retrouvaient plongés dans l’obscurité.

La vie tournait au ralenti, à la lueur des torches.

« Après la prière de 18H00, chacun restait chez soi, on n’avait rien à faire », explique l’agriculteur de 35 ans en allumant sa télé. « Tout est différent maintenant, on se rassemble pour suivre le match à la maison, et les enfants peuvent étudier jusque tard dans la soirée! ».

Lampes de plafond, télé, radio, prises… Ce confort qui paraîtrait bien banal à tant d’autres lui est aujourd’hui permis grâce à un petit panneau solaire de 50 watts perché sur le toit de sa maison en torchis.

Le gouvernement togolais a lancé en 2018 un ambitieux plan d’électrification pour le pays, en partenariat avec le secteur privé: l’objectif est d’atteindre 100% de couverture d’ici à 2030, pour un coût total de 952 milliards de francs CFA (1,4 milliard d’euros).

« Il n’y a pas si longtemps on était très en retard sur le reste de la sous-région mais depuis deux ans nous avons mis le paquet », confie le directeur général de l’Energie du Togo, Abbas Abdoulaye.

Seuls 30% du territoire – un chiffre qui chutait à 2% en zone rurale – était raccordé à l’électricité en 2016-2017, contre près de 50% aujourd’hui, assure-t-il.

Le Togo, qui importe plus la moitié de l’énergie dont il a besoin du Nigeria et du Ghana, mise notamment sur le solaire pour développer avec des start-up l’accès à l’électricité de ses huit millions d’habitants jusque dans les zones les plus reculées du pays.

– ‘Micro-crédit’ –

Selon M. Abdoulaye, l’extension du réseau existant demande des investissements importants et serait « trop coûteux pour des populations à faibles revenus », dans un pays où la moitié de la population vit avec moins d’1,90 dollar par jour, le seuil de l’extrême pauvreté, selon le dernier rapport de la Banque Mondiale.

Alors à Tababou et dans plus de 2.000 autres villages, on a opté pour le Solar Home System (SHS), des kits solaires individuels développés par des start-up comme la société anglaise Bboxx, aujourd’hui présente dans une dizaine de pays africains, après une première expérience réussie au Rwanda.

Le président Faure Gnassingbé, qui briguera un quatrième mandat lors de la présidentielle de samedi, ne cache d’ailleurs pas son admiration pour ce pays des grands lacs dirigé d’une main de fer par Paul Kagame, mais souvent qualifié de « miracle économique » sur le continent.

« C’est incontestablement un modèle de réussite », a confirmé cette semaine à l’AFP le chef de l’Etat togolais, en pleine campagne électorale.

Au total, 550.000 ménages devraient être équipés de kits solaires individuels d’ici 10 ans.

« Cela fonctionne un peu comme du microcrédit », explique le directeur commercial de Bboxx Togo, Alexandre Kouigan.

Une fois le kit installé contre environ 10.000 francs CFA (15 euros), les abonnés remboursent chaque mois 4.800 francs, dont 2.000 sont pris en charge par une aide de l’Etat, le « chèque Cizo ».

D’autres localités ont été équipées par un autre système innovant, également en vogue sur le continent: des « mini-grid », c’est-à-dire de petites centrales solaires qui permettent non seulement d’électrifier les foyers, mais aussi les dispensaires et les tours téléphoniques situées à proximité.

Danièle Daoula participe avec son mari aux dépenses et cultive un champ pour pouvoir recharger son compteur individuel à Takpapieni, dans la région des Savanes (extrême-nord), où l’un des premiers « mini-grid » a été inauguré en mai 2018.

« On est content mais ça bouffe l’argent! Quand on met 2.500 francs CFA de crédit (3,80 euros), ça ne fait même pas un mois », se plaint-elle en rigolant. « Alors quand on ne peut plus payer, on reste dans le noir jusqu’à ce qu’on ait l’argent ».

SOURCE : AFP