L’innovation peut-elle jaillir d’une quasi-destruction ? L’avènement du numérique qui a en partie conduit à la crise financière mondiale pourrait-il du même coup gêner l’accès des PME aux financements dont elles ont besoin pour continuer de jouer leur rôle, absolument crucial, sur le continent africain et ailleurs ?
Matthew Ganser se souvient du lancement de la revue Secteur Privé & Développement, il y a plus de dix ans, et retrace le chemin parcouru jusqu’aux «super-autoroutes» de l’information numérique qui relient aujourd’hui les PME africaines à des solutions venues du monde entier, notamment en matière de financement.
La relecture du premier numéro de la revue Secteur Privé & Développement, publié il y a à peine plus de dix ans, est particulièrement édifiante.
Cette première édition s’ouvrait sur un article de Paul Collier soulignant que «les banques africaines venaient de commencer à s’intéresser aux PME lorsque la crise financière mondiale a inversé la tendance».
Le risque était donc de voir les PME privées de cet accès aux financements à long terme dont elles avaient tant besoin. La situation ne s’améliorera, disait-il, qu’à condition d’une meilleure circulation de l’information sur les marchés d’Afrique subsaharienne, permettant aux investisseurs de mieux identifier les PME de qualité.
Il concluait ainsi: «un usage bien adapté des nouvelles technologies de l’information devrait apporter la solution».
Ces propos étaient clairvoyants. Nous avions vu le numérique transformer des prêts immobiliers subprimes en instruments financiers toxiques, qui ont bien failli conduire à l’effondrement du système financier international.
Nous ignorions alors que ce même numérique pourrait changer la donne pour les PME en Afrique.
Aujourd’hui, nous commençons à comprendre le potentiel de la transition numérique pour ce continent : sur d’autres marchés, et en particulier en Chine, nous avons en effet constaté qu’elle peut combler de façon très rapide les déficits de financement.
L’importance des PME pour la croissance économique était alors bien connue. Mais les raisons de leurs difficultés de financement faisaient débat. Julien Lefilleur, à l’époque chargé d’investissement pour Proparco, considérait que la titrisation et les prêts garantis pouvaient permettre de compenser efficacement les asymétries d’information et de stimuler le financement des PME.
Chez Bank of Africa, Paul Derreumaux abondait dans son sens, appelant en outre à la mise en place de départements spécialisés sur les PME et de produits alternatifs tels que le leasing ou la mutualisation de garanties pour les crédits aux entreprises. Patrice Hoppenot, de l’Institut panafricain pour le développement (IPD), appelait pour sa part à ne pas perdre de vue l’apport en capital et l’assistance technique, en complément des financements à long terme.
Paul Collier était ainsi le seul à évoquer les technologies de l’information. Les autres auteurs privilégiaient l’intervention «humaine» (spécialisation et innovation produit), reflétant en cela les thèses qui prévalaient à l’époque pour résorber les déficits de financement sur les marchés émergents.
Matthew Gamser (Directeur général SME Finance Forum)