L’ancien chef de l’Etat béninois et opposant en exil, Thomas Boni Yayi, est arrivé mercredi à Cotonou, où il devait être reçu par le président Patrice Talon pour résoudre la crise qui secoue le pays, selon le gouvernement et certains membres de son entourage, mais cette rencontre n’a finalement pas eu lieu.
Ce pays d’Afrique de l’Ouest réputé stable traverse une grave crise politique depuis les législatives d’avril, dont l’opposition avait été exclue.
La journée s’est déroulée dans la confusion après une succession d’annonces et de démentis. L’opposant était accompagné d’une importante délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) impliquée dans la résolution de la crise béninoise. Mais celle-ci s’est finalement rendue sans lui à la présidence pour échanger avec Patrice Talon.
De son côté Boni Yayi, arrivé à l’aéroport dans l’après-midi et accueilli chaleureusement par une centaine de partisans, a finalement rendu visite à un autre leader de l’opposition et ex-président, Nicéphore Soglo.
« Boni Yayi n’est pas allé à la rencontre du président parce qu’il est convaincu que sa principale doléance, qui est la reprise des élections législatives, ne sera pas prise en compte », a expliqué sous couvert d’anonymat à l’AFP un proche de Thomas Boni Yayi.
« Il a estimé avec les autres leaders de l’opposition que Patrice Talon prendra des engagements qu’il ne respectera pas, comme à ses habitudes », a-t-il ajouté.
Un responsable de son parti, les Forces Cauris pour un Bénin émergent (FCBE), a lui affirmé à l’AFP que l’opposition – et pas seulement Boni Yayi – souhaitait rencontrer la délégation de la Cédéao pour présenter ses doléances, laissant entendre que ces échanges pourraient avoir lieu dans les jours suivants.
« A l’heure actuelle, ce n’est pas un problème entre les présidents Patrice Talon et Boni Yayi. C’est un problème du Bénin, un problème de démocratie dans le pays », a ainsi expliqué Nouréini Atchadé, responsable politique des FCBE.
– « Rencontre festive » –
Le porte-parole du gouvernement, Alain Orounla, avait pourtant annoncé une rencontre entre l’actuel président et son prédécesseur, irréductibles adversaires politiques, à l’issue du conseil des ministres à la mi-journée.
« Le président a exprimé son souhait de voir revenir notre ancien président que rien n’a contraint à l’exil et c’est tout à fait naturellement qu’il le recevra à sa demande », avait-t-il dit à la presse, évoquant une « rencontre festive » qui devait avoir lieu « dans les prochaines heures ».
« Des chefs d’Etat de la sous-région ont été constamment associés aux discussions entre le président Boni Yayi et le président Patrice Talon », avait ajouté M. Orounla. « Certains chefs d’Etat et de gouvernement ont désigné des représentants pour être les témoins de cette rencontre au sommet ».
Plusieurs proches de l’entourage de Thomas Boni Yayi, qui séjournait récemment au Nigeria voisin, avaient également confirmé mercredi à l’AFP sa venue dans la capitale économique béninoise et la rencontre prévue à la présidence.
La délégation régionale, qui comprend l’ancien président du Nigeria Abdusalami Abubakar et le président de la Commission de la Cédéao, Jean-Claude Kassi Brou, était arrivée de Niamey, au Niger, où elle avait été reçue avec Boni Yayi dans la matinée par le président en exercice de l’organisation, le chef de l’Etat Mahamadou Issoufou.
– Gestes d’apaisement –
L’ancien président Boni Yayi (2006-2016) s’était exilé après que son domicile de Cotonou eut été encerclé pendant près de deux mois par les forces de l’ordre, à la suite au scrutin contesté du 28 avril dont l’opposition avait été exclue.
La crise qui avait suivi avait débouché sur des manifestations et des violences avec une dizaine de morts par balles.
Le président Talon a multiplié depuis les gestes d’apaisement comme l’amnistie des auteurs de violences lors des manifestations, ou l’organisation d’un dialogue politique auxquels n’étaient pourtant pas conviés les principaux partis d’opposition.
Il a également fait voter une nouvelle Constitution limitant le nombre de mandats à deux « dans la vie » d’un président alors qu’elle limitait auparavant la possibilité d’être candidat plus de deux fois consécutives. L’entourage de Boni Yayi avait alors dénoncé une mesure destinée à empêcher l’ex-président en exil de se représenter à l’avenir.
Les principales revendications de l’opposition n’ont pas été satisfaites à ce jour, à savoir notamment l’assouplissement des nouvelles conditions à remplir par les partis politiques pour obtenir une reconnaissance légale.
C’est ce qui avait empêché les principaux détracteurs de Patrice Talon de participer aux élections il y a six mois.
SOURCE : AFP