La nouvelle loi fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunions et de manifestations pacifiques publiques au Togo ne fera pas l’objet d’une relecture, a martelé ce dimanche Gilbert Bawara (ministre de la fonction publique).
Des rapporteurs spéciaux du Haut-commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) ont exprimé récemment leur inquiétude concernant certaines dispositions de cette loi « qui pourraient être incompatibles avec la déclaration internationale des droits de l’homme » et ont demandé simplement sa relecture.
« Il n’y aura pas de relecture de cette loi. Quand les Nations Unies donnent des avis soudés, nous pouvons y souscrire et agir en conformité de cela. Mais quand cet avis est en décalage par rapport à nos intérêts fondamentaux, nous ne pouvons pas écouter cela », a précisé Gilbert Bawara sur New World Tv.
« Nous sommes mieux placés en tant que gouvernement et en tant que togolais pour savoir qu’est-ce qui est dans l’intérêt de la sécurité, et de la paix et de la stabilité au Togo. Dans la loi régissant les manifestations, je voudrais rappeler deux choses. La première, un certain nombre de limitations dans la loi concernant les emplacements pouvant faire l’objet des manifestations. Ce n’est pas une innovation. Lorsque j’étais ministre de l’administration territoriale, j’avais sorti un arrêté qui disait qu’on ne peut pas organiser des manifestations aux abords des marchés », a-t-il expliqué.
L’exemple du Sénégal
Le ministre va très loin, donnant l’exemple du Sénégal où il existe non pas une loi, mais un décret qui délimite une zone dans laquelle on ne peut jamais organiser de manifestations.
« Ce décret date de la période du président Abdoulaye Wade. Je ne crois pas que c’était un autocrate ou un dictateur. Le décret est adopté en Conseil des ministres et ne donne pas droit à un débat public. La possibilité d’attaquer un décret est beaucoup plus difficile que la possibilité d’attaquer une loi pour inconstitutionnalité. Au Sénégal, il y a une limite d’heure pour organiser les manifestations. En quoi c’est une singularité ou une spécificité togolaise ?
Nous avons connu une période ici où les gens organisaient des manifestations avec la volonté délibérée de prendre toute la ville en tenaille. Des manifestations, avec la volonté de paralyser et de bloquer le fonctionnement de l’économie, d’entraver de manière excessive les activités ».
« Un leader de la coalition a même dit qu’il ne va jamais répondre à une invitation du ministre de l’administration territoriale pour discuter et échanger sur les modalités d’organisation des manifestations. A partir de ce moment là, il vaut mieux être clair et précis dans la loi sur ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Ainsi, pour celui qui n’a pas envie de répondre aux invitations du ministre de l’administration territoriale, la tâche lui est facile. Il lui suffit de lire la loi et de savoir ce qui est possible et ce qui ne l’est pas », a poursuivi le ministre.
M.Bawara a également abordé d’autres sujets dont la sortie du maire Jean Pierre Fabre au sujet de la construction du marché dAdawlato et la présidentielle de 2020.
Présidentielle de 2020 : « rien n’est encore joué »
« Rien n’est encore joué pour la présidentielle de 2020. Ce sera une compétition disputée. Et nous prenons tous les adversaires au sérieux. Pour le moment, rien n’est acquis. Nous allons à cette élection avec beaucoup d’humilité, avec le sens de beaucoup de choses accomplies, mais également la conscience qu’il y a encore beaucoup qui reste à faire. Et par ailleurs, qu’il y a des choses qui peuvent être innovées en terme de méthode, en terme de gouvernance », a indiqué M.Bawara.
Le moment venu, a-t-il précisé, les gens découvriront le projet de société du candidat du parti au pouvoir, ce projet qu’il porte pour l’intérêt du pays, pour que nous puissions construire et bâtir un Togo meilleur que celui que nous avons aujourd’hui.
« Nous avons déjà fait beaucoup, mais on peut faire encore davantage. Ce n’est pas le moment de l’improvisation, ce n’est pas le moment de l’expérimentation, c’est le moment de la consolidation, tout en innovant. Il faut avoir des capitaines de bateau aguerris. Nous faisons confiance aux togolais, nous irons vers eux avec beaucoup d’humilité ».
Faure Gnassingbé candidat ?
« C’est la constitution qui dit les conditions d’éligibilité. Nous n’allons pas dans ce débat malsain, qui n’a ni tête, ni queue. La question de l’éligibilité étant réglée par la constitution, le reste relève et de la volonté individuel des femmes, et des hommes et des partis politiques auxquels ils appartiennent », a souligné M.Bawara.
En ce qui concerne le parti UNIR (au pouvoir), « la question ne se pose même pas. Car l’intérêt du Togo, c’est de faire en sorte que notre pays continue sur le bon chemin qu’il a déjà pris », a-t-il ajouté, laissant habillement entendre que le président Faure Gnassingbé sera bien le candidat du parti au pouvoir.
Reconstruction du Grand marché de Lomé/Sortie de M.Fabre
M.Bawara a dénoncé l’amateurisme et une attitude de défiance vis-à- vis du Premier ministre.
Jean Pierre Fabre (Maire de la commune de Golfe 4 Amoutivé) était monté au créneau suite à un avis d’appel d’offres international restreint, portant projet de reconstruction du Grand Marché de Lomé, publié par le cabinet du Premier ministre.
Dans un communiqué de presse, le maire avait demandé formellement au Premier Ministre de suspendre le processus d’appel d’offres en cours et de transférer, pour attribution au Conseil Municipal de la Commune de Golfe 4 Amoutivé, l’intégralité du dossier de la reconstruction du Grand Marché de Lomé, ainsi que tous les autres dossiers relevant des compétences de la Commune de Golfe 4 Amoutivé.
« C’est un comportement un peu autocratique. Des maires qui n’ont même pas encore eu de réunion de leur conseil municipal, qui ne connaissent même pas encore leur budget et demandent déjà à l’Etat, de leur virer les fonds destinés à construire de marchés », a critiqué le ministre.
« Il suffirait de jeter un coup d’œil à Cotonou pour voir que le marché de Dantokpa n’est pas dans le juron de la mairie de Cotonou. La gare Saint Lazare, la gare de Lyon, la gare du nord ne sont pas gérées par la mairie de Paris. En France, ce sont les ouvrages et équipements d’intérêt national. Le marché dont on parle est un marché d’intérêt national ».
« C’est de l’amateurisme et une attitude de défiance vis-à- vis du Premier ministre (…) Les maires ou les conseillers municipaux qui se mettraient dans un esprit de rivalité, de défiance vis-à-vis de l’Etat, en prendront pour leur compte », a averti le ministre. FIN
Edem Etonam EKUE