Chef Division Assistance Electorale à la commission de la Cedeao, Francis Gabriel Sourou OKE est Expert en Gouvernance, Expert en diplomatie, stratégies de négociation politique et de médiation, Expert en droit de l’Homme et droit humanitaire.
Capitalisant une vaste expertise en assistance électorale, en droit de l’homme et droit humanitaire, en gouvernance locale et en assistance technique électorale dans tous les Etats membres de la CEDEAO et ailleurs, ce natif de Savalou au Bénin est également diplômé du Centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris après un diplôme d’étude supérieur et spécialisé en pratique des droits de l’homme à l’institut des droits de l’homme de Lyon (France).
Dans cette discussion à bâtons rompus, nous abordons avec lui le traitement des résultats des élections.
Savoir News : Qu’entend-t-on par le traitement des résultats des élections ?
Francis G.S. OKE : Le traitement des résultats des élections renvoie naturellement à la gestion concrète des résultats c’est à dire le procédé utilisé par l’organe chargé de l’élection pour dépouiller, centraliser et proclamer les résultats.
Il faut noter que la gestion des résultats varie d’un pays à l’autre en fonction des infrastructures locales, des ressources, du contexte politique et surtout du système électoral.
A la clôture des votes, on assiste généralement au dépouillement. En quoi consistent les opérations de dépouillement ?
Avant tout développement, je voudrais préciser qu’un système crédible exige des procédures de dépouillement clairement définies. Et en général, les lois électorales prévoient les procédures de dépouillement au bureau de vote.
Cependant, il existe plusieurs façons d’effectuer le dépouillement : manuellement, mécaniquement ou électroniquement.
Dans tous les cas, l’opération se déroule au bureau de vote ou dans un centre de dépouillement surtout dans les zones à grande insécurité. Le comptage se fait publiquement sur les lieux même du scrutin et les résultats partiels sont publiés sur place.
Dans la plupart de nos pays, le dépouillement manuel demeure la méthode la plus utilisée.
Les nouvelles technologies peuvent-elles aussi intervenir dans ce processus ?
En fonction du niveau de développement des différents pays, il est possible d’utiliser les nouvelles technologies.
Dans beaucoup de pays, le dépouillement commence immédiatement après la clôture du scrutin. Le Président du bureau de vote, en présence des délégués des candidats et de toutes autres personnes autorisées à assister au dépouillement, désigne sous sa supervision des scrutateurs pour procéder au dépouillement qu’il conduit sans désemparer jusqu’à son achèvement complet. Ceux-ci vérifient que les scellés apposés sur l’urne sont intacts ; ouvrent l’urne devant tous les membres du bureau, des délégués, les observateurs et les électeurs présents et en retirent tous les bulletins de vote ; empilent après vérification des délégués des partis politiques et candidats de la véracité du choix de l’électeur, les bulletins relatifs à chaque candidat. Ces bulletins sont exposés en autant de lots que de candidats ou de listes, plus les bulletins considérés comme nuls.
Ce n’est pas fini. Ils procèdent ensuite au décompte des lots et communiquent les résultats au Président du bureau de vote qui, à son tour, les annonce publiquement et les fait enregistrer par le secrétaire, écartent des bulletins nuls qui ne sont pas considérés comme suffrages exprimés valable lors du dépouillement. En règle générale, les motifs de rejet d’un bulletin sont variés et bien limités : bulletins sans aucune marque, choix de l’électeur pas clair, bulletin comportant plusieurs choix, bulletins unique déchiré ou qui a des mentions griffonnés et consignent le nombre total des suffrages exprimés valables en faveur de chaque candidat.
A la fin du dépouillement, le Président du bureau de vote donne lecture à haute voix des résultats du scrutin, qui sont aussitôt affichés par ses soins dans la salle ou à l’entrée du bureau de vote. Mention de ces résultats est portée au procès-verbal rédigé séance tenante par le président ou le secrétaire et signé par tous les membres du bureau de vote ainsi que tous les délégués des partis politiques ou des candidats présents.
Je voudrais préciser que pour des raisons de transparence, tous les délégués des partis ou groupement de partis politiques et des candidats indépendants doivent recevoir un exemplaire de ce procès-verbal.
Toutefois, dans certains pays, le procès-verbal de dépouillement est établi sur papier à carbone comportant plusieurs feuillets. Chaque feuillet numéroté a valeur d’original.
C’est le cas par exemple au Bénin où le procès-verbal de déroulement du scrutin est établi sur un bloc en papier carbone spécial comportant 5 feuillets autocopiants numérotés de 1 à 5. Chaque feuillet numéroté ayant valeur d’original et devant servir à la reconstitution des résultats du scrutin en cas de contestation, de perte ou de destruction.
Au Bénin toujours, une copie du procès-verbal et une copie de la feuille de dépouillement sont immédiatement remises aux représentants de la majorité et de l’opposition présents.
Le Président du bureau de vote est tenu de faire consigner dans le procès-verbal toutes les observations faites par les délégués.
Après le dépouillement, on parle de centralisation, de transmission et enfin de proclamation des résultats ?
Dans ce registre, les modèles électoraux diffèrent selon les pays, les circonscriptions et les habitudes électorales.
La centralisation et la transmission se font selon les procédures prévues par les lois électorales ou les organes de gestion des élections. Elles sont flexibles et bien encadrées dans certains pays comme au Togo où les résultats des procès-verbaux de dépouillement sont centralisés au niveau des commissions communales (présidées uniquement par des magistrats) et directement transmis à la CENI centrale où tous les résultats sont centralisés avant leur proclamation.
Ce n’est pas le cas au Niger où la procédure est plus complexe en raison des commissions locales décentralisées : du bureau de vote, les procès-verbaux des résultats sont centralisés et transmis à la commission communale qui transmet à la commission départementale qui à son tour centralise pour toutes ses communes avant de les envoyer à la commission régionale qui enfin transmet à la Commission centrale.
La proclamation des résultats est une phase très cruciale des élections.
Et c’est lors de la proclamation des résultats que naissent des tensions qui aboutissent souvent à une confrontation, à des violences menaçant ainsi la stabilité politique et la paix civile. En effet, c’est à ce stade que les candidats malheureux considèrent que les résultats proclamés ne reflètent pas la volonté des électeurs.
La proclamation des résultats s’effectue donc en plusieurs étapes ?
De façon générale, la proclamation des résultats s’effectue en plusieurs phases : au bureau de vote, au niveau des commissions des élections décentralisées, à la Commission Électorale Centrale. Tous les résultats des commissions décentralisées sont transmis à la commission électorale centrale et ils sont reçus par voie électronique. Où un dispositif spécial est mis en place pour les recevoir et les traiter.
Sont invités des observateurs internationaux et nationaux, les médias et après vérification le Président procède à la proclamation des résultats circonscription par circonscription.
Comment naissent les soupçons de fraude en périodes électorales ?
Si l’annonce des résultats partiels est mal gérée, cela peut faire naître des soupçons de fraude lors du comptage des voix. C’est pourquoi, il est extrêmement important que l’organe chargé des élections soit proactif et veille surtout à ce que l’information publique soit traitée avec beaucoup de professionnalisme et d’impartialité.
Il faut ajouter aussi que les résultats proclamés par la Commission Centrale sont transmis ensuite à la juridiction en charge de la proclamation définitive des résultats accompagnés par tous les documents conséquents. Cette juridiction procède à son tour à des vérifications appropriées avant de proclamer définitivement les résultats du scrutin.
Est-ce à ce niveau, qu’interviennent la communication et les relations publiques pendant la gestion des résultats ?
La communication directe avec le public et les parties prenantes est une composante importante de la crédibilité des résultats des élections.
Pendant toute la durée des procédures devant aboutir aux résultats des élections, le public et toutes les parties prenantes doivent être tenus régulièrement informés des activités de l’organe de gestion des élections. Grâce à une communication et un dialogue ouvert l’organisme de gestion des élections favorisera la connaissance de ses activités lui permettra d’avoir une certaine légitimité auprès des électeurs et des parties prenantes.
Tous les acteurs participants aux élections doivent avoir un libre et égal accès à l’information. Les responsables des relations publiques doivent diffuser les informations les plus demandées et suscitant le plus d’intérêts. Ils doivent aussi assurer l’accès aux informations plus détaillées que recherchent certains groupes d’intérêts tels que : les groupes d’observateurs, les ONG, etc…
Étant donné l’utilisation croissante d’internet, du courrier électronique et des services de téléphonie mobile lors de la phase d’obtention des résultats, la disponibilité des différents réseaux de télécommunication à travers le pays revêt une importance particulière.
Avec l’ère de l’internet, il sera préférable et/ou recommandé de procéder à la création d’un site web pour une large diffusion des résultats.
Propos recueillis par Crédo TETTEH, notre envoyé spécial à Dakar