Des groupes de partisans de l’ancien président béninois Boni Yayi montaient toujours la garde jeudi matin à chaque entrée de la rue de sa résidence à Cotonou, faisant face à l’armée dans un climat tendu après les violences de mercredi.
« Personne n’a fermé l’oeil jusqu’à ce matin », déclare à l’AFP Justin B., un militant du FCBE, le parti de l’ex-chef de l’Etat désormais dans l’opposition. « Vers 22H00, ils ont coupé la lumière et ont tiré à balles réelles », affirme-t-il en montrant deux douilles vides dans ses mains et des taches de sang au sol.
« Deux personnes ont été grièvement blessées, un homme et une femme », affirme-t-il.
Un peu plus loin dans le quartier de Cadjehoun, une habitante indique elle aussi avoir entendu des tirs et constaté des coupures de courant. « Nous ne savons pas du tout ce qu’il va se passer maintenant, mais on sent que ça va mal », confie cette femme d’une quarantaine d’année.
Malgré ce climat d’incertitude, « les enfants sont allés à l’école ce matin », raconte-t-elle, postée devant sa maison pour apercevoir les mouvements dans la rue.
Les rues de Cadjehoun, le quartier de l’ancien chef de l’Etat, qui garde un fort soutien au sein des classes populaires, portaient toujours jeudi au petit matin les traces noires des feux allumés par les manifestants qui ont également dressé des barricades.
Des banques et un concessionnaire de voitures ont été vandalisés, et des vitres d’un ministère ont été brisées.
Mercredi après-midi, des groupes de jeunes partisans de Boni Yayi s’étaient rassemblés autour de son domicile affirmant que la police venait arrêter leur leader.
Le ministre béninois de l’Intérieur, de son côté, a affirmé que les rumeurs de l’arrestation de l’ancien chef de l’Etat, très critique envers le pouvoir, étaient une « fake news » (fausse information), et que la police avait été déployée pour disperser une manifestation non autorisée.
Mercredi matin, la Commission électorale (CENA) avait dévoilé les résultats préliminaires des élections législatives de dimanche, marquées par un taux d’abstention frôlant les 80%.
L’opposition, qui n’avait pas été autorisée à présenter de candidats, officiellement pour des raisons administratives, avait appelé à boycotter le scrutin.
Mardi, les anciens présidents Boni Yayi (2006-2016) et Nicéphore Soglo (1991-1996) avaient lancé un ultimatum au chef de l’Etat Patrice Talon pour annuler le scrutin, le qualifiant de « coup d’Etat électoral ».
« Talon marchera sur nos corps » avant d’entériner le nouveau Parlement, avait averti Boni Yayi.
Patrice Talon, élu en avril 2016, est accusé d’avoir engagé un tournant autoritaire au Bénin, pays modèle de la démocratie en Afrique de l’Ouest.
Amnesty International et de nombreuses associations locales de la société civile béninoise ont dénoncé les coupures d’internet ainsi qu’un « niveau de répression alarmant » au Bénin.
Source : AFP