Nigeria: une once d’espoir après le début du nettoyage de l’Ogoni, ravagé par le pétrole
Les excavatrices creusent le sol pollué par des décennies d’exploration pétrolière, sous le regard enthousiaste des habitants de l’Ogoniland, une région au cœur d’une catastrophe environnementale, dans le sud-est du Nigeria.
« Bientôt, l’eau sera purifiée de tout résidu d’hydrocarbure », promet un ingénieur.
Le site d’Alode-Eleme, près de Port-Harcourt, est l’un des 21 sites identifiés par le projet public d’assainissement de la pollution par les hydrocarbures (HYPREP).
« Nous nettoyons les sols contaminés par les hydrocarbures afin de les rendre fertiles pour l’agriculture », explique Babatunde Benard, directeur de la société d’ingénierie Earth Pro.
Promesse du gouvernement de Muhammadu Buhari, le projet de nettoyage des sites pollués du pays Ogoni (Etat de Rivers, delta du Niger) a été officiellement lancé en juin 2016.
Mais les travaux n’ont débuté qu’en janvier 2019… à quelques semaines seulement de l’élection présidentielle du 23 février.
« Enfin, il y a du concret! Nous n’allons plus mourir de maladies bizarres », s’exclame Princewill Osaroejiji, un responsable d’une association locale de jeunes. « Nous allons pouvoir boire de l’eau potable, pêchée dans les rivières, retourner aux champs ».
Le Nigeria, avec une production d’environ 2 millions de barils par jour, possède la plus grande réserve de pétrole du continent, mais les compagnies pétrolières sont régulièrement montrées du doigt pour leur responsabilité dans des désastres écologiques.
Les eaux noircies continuent à asphyxier les poissons et détruire la mangrove, dans l’Ogoniland.
– « Comme de l’or » –
« Eau polluée! Ne pas boire, ne pas pêcher, ne pas se baigner ici », prévient une affiche sur la jetée, à Bodo. Ce qui n’empêche pas des enfants de barboter dans les eaux iridescentes du fleuve d’où se dégage une odeur de pétrole.
Dans toute la région, devant tous les puits, on a planté des pancartes pour mettre en garde contre la consommation d’eau.
Les habitants creusent pour trouver des nappes pures, mais l’eau qui sort des tuyaux dégage invariablement un arôme d’huile de moteur usagée…
« Avoir une eau pure, c’est comme trouver de l’or, ici », témoigne Kelvin, 16 ans. « On n’a pas les moyens de forer nous-mêmes un puits, alors on se contente de cette eau polluée ».
Selon l’Agence des Nations unies pour l’Environnement (UNEP), à Ogale, une ville de la région, l’eau de source et les nappes phréatiques contiennent des niveaux de contamination au benzène – une substance hautement cancérigène – 900 fois plus élevés que le taux recommandé par l’Organisation mondiale de la santé.
Tout près, K-Dere abrite 52 puits de pétrole, qui étaient exploités jusqu’en 1993 par le géant anglo-néerlandais Shell.
La compagnie transporte toujours du brut à travers des pipelines dans l’Ogoniland, à destination de Bonny, immense champ d’exploitation de gaz naturel.
En 2015, après trois ans de procès, Shell a finalement accepté à l’amiable de payer 70 millions de dollars (63 millions d’euros) de compensation à quelque 15.500 habitants de l’Ogoniland.
La multinationale a également accepté de commencer le nettoyage de la grande marée noire de 2008, tout en maintenant que les raffineries artisanales, construites par les habitants, étaient les premières causes de pollution et de fuites des oléoducs.
– « Le meilleur résultat possible » –
Marvin Dekil, coordinateur du projet de nettoyage, assure que 180 millions de dollars ont déjà été investis pour assainir l’eau et restaurer la mangrove.
« Certaines personnes peuvent penser que nous avançons lentement, mais on veut obtenir le meilleur résultat possible », promet-il.
Pourtant, plusieurs habitants de la région interrogés par l’AFP se plaignent de n’avoir pas assez d’informations.
« Les poissons sont morts à cause de la pollution, si je veux attraper quelque chose, je suis d’aller en haute mer », se plaint Bigboy Daamabel, un pêcheur rencontré sur la Bonny.
Sitôt débarqué, des marchands se précipitent pour acheter le produit de sa pêche du jour.
« Le commerce du poisson, c’est tout ce que je sais faire. Mais cela ne rapporte quasiment plus d’argent, parce que la plupart des poissons sont morts », raconte Beatrice, 55 ans. « Combien de temps va-t-on pourvoir continuer ainsi? ».
Selon l’Agence des Nations unies pour l’Environnement (UNEP), ce nettoyage « historique » de marée noire devrait prendre 25 à 30 ans et coûter plus d’un milliard de dollars.
Source AFP