La tenue des élections législatives du 20 décembre dernier, « ne paraît pas de nature à solder la convulsion politique récurrente qui agite notre pays, dès lors que la représentation nationale qui en résulte ne saurait valablement prétendre refléter l’état de l’opinion publique nationale », a estimé ce mardi Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, Archevêque émérite de Lomé et doyen des évêques du Togo.
« Car, il serait à tout le moins illusoire de considérer que le souverain peuple en lutte pacifique pour sa libération, puisse envoyer à la Chambre Parlementaire, une majorité écrasante des députés affiliés à une gouvernance qui l’oppresse, le confine dans l’indignité, la misère et semble n’avoir procédé ni aux renouvellements : de son discours, ni de sa pratique politique, ni de ses méthodes de gouvernance politique et économique », a martelé le Prélat lors d’une conférence de presse.
« Au demeurant », a-t-il poursuivi, « le taux de participation officiel au scrutin législatif, près de 60% nous dit-on, défie la réalité, témoigne de l’insincérité du scrutin, et des méthodes déloyales observées pour parvenir à la composition de la Chambre Parlementaire telle qu’elle apparaît ».
Ces élections — remportées par l’Union pour la République (UNIR, parti au pouvoir avec 59 des 91 sièges du Parlement — ont été boycotté par la principale coalition de l’opposition. Les leaders de ce regroupement avaient dénoncé des « irrégularités » tout au long du processus.
L’Union des Forces de Changement (UFC de Gilchrist Olympio) est arrivée en deuxième position, avec 7 sièges.
Le Nouvel Engagement Togolais (NET) obtient 3 sièges et le Mouvement Patriotique pour la Démocratie et le Développement (MPDD) de l’ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo, 2 sièges. Dix listes d’indépendants ont engrangé 18 sièges.
« À y voir de près les résultats de ce scrutin législatif », a critiqué Mgr Kpodzro, « posent questions, beaucoup de questions devant lesquelles on voudrait que les autorités religieuses restent muettes comme des chiens qui ne savent pas aboyer pour signaler des dangers… ».
Un scrutin qui appelle à une série de « questions »
Selon l’ancien président de la conférence nationale souveraine et ancien président du haut conseil de la république, les législatives du 20 décembre « posent un bon nombre de questions »: au moins cinq questions.
« Comment se peut-il qu’un scrutin législatif boycotté par une frange significative du corps électoral, transcende l’arithmétique ainsi que les réalités politiques partisanes pour atteindre un taux de participation national se hissant à près de 60% alors que dans le même temps et dans le même espace national, les formations politiques issues de l’opposition demeurent majoritaires dans le pays et sachant que le regroupement qui les porte a appelé au boycott ? Comment se peut-il que des mouvements associatifs prétendument indépendants, procédant d’une création ex nihilo et dont la plupart restent inconnus du grand public puissent en un temps extrêmement restreint, convaincre les électrices et les électeurs et recueillir comme par effet magique, un si grand nombre d’élus prétendument « indépendants » ? « Comment expliquer que la CEDEAO, dont la mission d’observation électorale, en réalité une mission de figuration, s’est cantonnée uniquement dans la seule région maritime (semble-t-il), puisse venir délivrer sous le couvert d’une très improbable bonne foi, un satisfecit global relativement à ce scrutin législatif ? »…
« En vérité », a conclu le Prélat: « nous nous retrouvons en présence d’une Chambre Parlementaire quasi monocolore, et cela est un mauvais signal dans le grand projet national de recherche d’une solution consensuelle à la crispation politique qui plombe l’avenir de notre pays le Togo ».
Mgr Kpodzro a fortement critiqué l’ONU, l’UE, l’UA, la CEDEAO… dans la gestion des crises : « Oh ! Où va le monde ? Comment comprendre que la communauté internationale, l’ONU, l’UE, l’UA, la CEDEAO …et les grandes puissances planétaires refusent de dire le droit, la vérité, rien que la vérité et se cantonnent à leurs intérêts égoïstes au grand mépris du sort des populations surtout africaines ? »
« Le mutisme des uns et les déclarations hâtives des autres dans le sens de la reconnaissance du caractère régulier du scrutin du 20 décembre 2018 en est la preuve palpable », a-t-il dénoncé.
A en croire ce dernier, « le Togo notre Cher pays souffre d’un déficit chronique de paix du cœur et de paix de l’esprit ».
« C’est la seule quête de la paix pour la cohésion et l’harmonie au sein de notre maison commune le Togo qui doit être notre déclinatoire national », a-t-il précisé. FIN
Edem Etonam EKUE