La justice française a donné mercredi son feu vert à l’extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, où il est mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat d’un journaliste, mais d’autres étapes demeurent avant qu’il soit extradé.
La défense du frère de l’ancien président déchu Blaise Compaoré a immédiatement indiqué qu’elle allait former un pourvoi en cassation, après cette décision de la cour d’appel de Paris. Pour être effective, une extradition doit aussi faire l’objet d’un décret gouvernemental.
Âgé de 64 ans, François Compaoré, aujourd’hui sous contrôle judiciaire, avait été arrêté à l’aéroport parisien Roissy-Charles-de-Gaulle en octobre 2017 sur la base d’un mandat d’arrêt émis le 5 mai 2017 par les autorités de Ouagadougou. A ce jour, il n’est pas inculpé dans son pays dans cette affaire.
Alors qu’il enquêtait à l’époque sur la mort de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, le journaliste Norbert Zongo et trois personnes qui l’accompagnaient avaient été retrouvés morts calcinés dans leur véhicule le 13 décembre 1998 à Sapouy (sud du Burkina Faso).
Dans l’immédiat, un des avocats de M. Compaoré, Me Pierre-Olivier Sur, a insisté sur le fait que la chambre de l’instruction de la cour d’appel, dans son arrêt, lui donnait bon espoir de voir aboutir une autre procédure qu’il a engagée.
– Plainte pour « faux et usage de faux criminel » –
En l’occurrence, il s’agit d’une plainte déposée en octobre à Paris pour « faux et usage de faux criminel » visant le doyen des juges d’instruction de Ouagadougou. Ce dernier avait transmis des éléments à la justice française pour qu’elle puisse statuer sur la demande d’extradition, dont un témoignage oculaire ancien pour tenter de démontrer l’implication de M. Compaoré dans les assassinats.
« La cour est parfaitement en mesure de se rendre compte que la citation faite par le juge d’instruction du Burkina Faso dans sa note n’est pas correcte », a énoncé Me Sur, lisant l’arrêt de la cour d’appel.
« Par ces mots, la chambre de l’instruction considère que les éléments matériels du faux en écriture criminel sont constitués. C’est-à-dire qu’il n’y a pas d’autre issue à ce dossier que de passer par la mise en examen du juge du Burkina Faso pour des faits criminels, en vue peut-être d’une audience d’assises. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure que la question de l’extradition et de son exécution se posera, c’est-à-dire pas avant 2020 ou 2021 », a-t-il anticipé.
Si le calendrier évoqué par l’avocat se matérialisait, la procédure ne s’achèverait donc pas avant la prochaine présidentielle du Burkina Faso, prévue en 2020.
La procédure d’extradition est contestée par les avocats de M. Compaoré, qui en dénoncent le caractère irrégulier et « exclusivement politique ».
« Il n’y a pas lieu de se réjouir ou pas. Cela montre que le dossier monté par la justice burkinabè a été fait avec tout le sérieux nécessaire, contrairement à ceux qui disent que c’est un dossier vide », a réagi le ministre de la Justice du pays, René Bagoro.
Le porte-parole du Balai citoyen, une ONG burkinabè militant pour la démocratie et la bonne gouvernance, a exprimé son « sentiment de joie, après vingt ans de combat », à la suite de la décision de la cour d’appel.
« A partir de maintenant, on peut considérer que le moment où toutes les personnes impliquées dans l’assassinat de Norbert Zongo auront à répondre devant la justice burkinabè n’est plus loin », a ajouté Guy-Hervé Kam.
Classé en 2003, après un « non-lieu » en faveur du seul inculpé, le dossier Zongo a été rouvert à la faveur de la chute de M. Compaoré fin octobre 2014, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir.
Le 15 décembre 2015, trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de M. Compaoré, ont été inculpés.
Le président français Emmanuel Macron avait évoqué l’affaire lors de sa visite fin novembre 2017 au Burkina: « Il appartient à la justice française de prendre sa décision, je ferai tout pour faciliter celle-ci », avait-il affirmé.
François Compaoré s’est enfui du Burkina lors de l’insurrection populaire d’octobre 2014. Il s’était alors réfugié en Côte d’Ivoire et avait obtenu la nationalité ivoirienne.
SOURCE : AFP