Le président de la Fédération de football du Ghana (GFA), Kwesi Nyantakyi, soupçonné de délits de corruption après les révélations explosives d’une enquête journalistique, a annoncé vendredi sa démission, après avoir été suspendu à titre provisoire par la Fifa dans la matinée.
« Après avoir rencontré le comité exécutif (de la GFA), j’ai décidé de démissionner de mes fonctions de président », a déclaré M. Nyantakyi, dans un communiqué.
« La controverse causée par l’enquête documentaire est trop importante », a ajouté M. Nyantakyi, s’excusant auprès du président ghanéen Nana Akufo-Addo pour avoir utilisé frauduleusement le nom et le bureau du Président pour des affaires personnelles.
« J’ai commis une série d’erreurs (…) en ayant des discussions privées avec des escrocs qui m’ont fait croire qu’ils avaient un intérêt réel à investir dans notre pays », a-t-il déclaré.
« Je tiens à m’excuser auprès de ma famille, de mes collègues, mes amis, mes associés et pour le peuple du Ghana pour les avoir déçus », souligne-t-il.
« Mais cela ne veut pas dire que j’ai commis une quelconque faute tel que montré dans cette vidéo ».
Dans un documentaire sorti en avant-première mercredi à Accra, le journaliste d’investigation Anas Aremeyaw Anas affirme, images en caméra cachée à l’appui, que le président de la fédération ghanéenne est impliqué dans plusieurs délits de corruption présumés mettant en jeu des millions de dollars de pots-de-vin.
M. Nyantakyi a été piégé par des journalistes de son équipe se faisant passer pour des « investisseurs » potentiels qui lui font miroiter de juteux contrats. Le film, « Number 12 », a été présenté en avant-première au Centre international de conférence d’Accra, en présence de nombreux diplomates et responsables politiques.
Plusieurs dirigeants de la fédération et arbitres sont également filmés recevant des pots-de-vin pour influencer la sélection de joueurs ou truquer l’issue de certains matchs de première ligue.
La veille, le gouvernement du Ghana avait annoncé qu’il avait « décidé de prendre des mesures immédiates » pour dissoudre la fédération ghanéenne de football, après avoir eu connaissance du film avant sa sortie.
– Rétro-commissions –
La Fifa, fédération sportive internationale du football, l’a également suspendu vendredi dans la matinée pour une durée de 90 jours.
Ce documentaire est le résultat d’une enquête de deux ans menée par un journaliste infiltré et son équipe. Anas Aremeyaw Anas est connu au Ghana pour avoir révélé de nombreuses affaires de corruption ou d’abus de pouvoir dans le pays notamment dans le secteur de la justice.
On y voit notamment Kwesi Nyantakyi proposer à de supposés investisseurs financiers (en fait des journalistes) de lui verser 11 millions de dollars pour leur faciliter l’accès à des personnalités clés du gouvernement ghanéen, dans l’espoir d’obtenir d’importants contrats dans les domaines de l’agriculture, de la construction et du pétrole.
L’accord en discussion devant la caméra porte sur 5 millions de dollars par an pendant cinq ans et prévoit des rétro-commissions de 20 à 25% payées par la fédération à M. Nyantakyi et ses partenaires via la société Namax.
Toujours vêtu d’un chapeau, dont le bord lui recouvre le visage de perles, « Anas », tel qu’il est appelé au Ghana, n’a jamais dévoilé sa véritable identité, et personne ne connait son véritable visage.
Il a déjà enquêté sur plusieurs scandales de corruption, notamment dans le système judiciaire, et a affirmé avoir reçu des menaces de mort en rapport avec son enquête sur le football ghanéen.
Début mai, quatre juges de la Haute Cour du Ghana ont été suspendus par la présidence, dans les dernières retombées d’un scandale de corruption dans la justice du pays qui dure depuis 2015, après une enquête similaire réalisée par le journaliste.
Vingt juges et magistrats de première instance avaient déjà été limogés dans cette affaire qui avait choqué la nation ouest-africaine.
Nana Akufo-Addo, qui a pris ses fonctions en janvier 2017, s’est engagé à lutter contre la corruption, dans ce pays qui est toutefois réputé être un bastion démocratique et de bonne gouvernance dans la région.
SOURCE : AFP