C’est avec sourire et un geste courtois, qu’Augustin Dokla m’a ouvert la porte de son bureau, malgré son agenda chargé. Nul ne peut imaginer que ce quadragénaire à l’allure d’athlète est un séropositif.
Pourtant, c’est ce que Monsieur Dokla clame haut sur toutes les antennes et à tous ceux qui l’approchent, depuis plus d’une décennie. Au vu et au su de tous, il dévoile sans gêne son statut sérologique non pas par fierté, mais pour lutter contre ce « foutu virus » comme lui-même a l’habitude de le dire.
Augustin Kokouvi Dokla à d’état civil, est bel et bien une personne vivant avec le VIH /Sida (PV-VIH) depuis une vingtaine d’années.
« Les premiers signes de ce foutu virus ont démarré depuis 1988 -1989 sur les bancs du lycée Tokoin-Est, après une hospitalisation de trois mois. Après, j’ai décidé d’aller faire le test volontaire du VIH/Sida, qui s’est révélé positif », se souvient-t-il, le visage embu de tristesse en évoquant ce qu’il qualifie de « pires moments de sa vie ».
« C’était malgré tout, un ouf de soulagement parce qu’enfin, je sais de quoi je souffre. Mais en même temps, j’avais éprouvé un petit pincement au cœur, parce que cette infection n’est pas guérissable », poursuivi l’homme toujours avec un air triste.
« A cette époque, approcher ou cohabiter avec un séropositif, était inimaginable. Les gens étaient terrorisés, rien qu’en pensant au caractère inguérissable du VIH/SIDA. Il y avait vraiment un manque d’informations sur les voies de transmission, et la discrimination était telle que les personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH) n’osaient pas en parler ».
Mais Augustin Dokla a choisi de faire connaître son statut et la suite n’a pas été facile, surtout pour ses proches parents.
« Cette maladie n’étant pas courante, la première personne à qui je m’étais confié, est un cousin. Il a beaucoup pleuré. Ma famille a été informée un an après. Ma mère a fondu en larmes, car elle venait de perdre son mari », poursuit M. Dokla.
« Ce fut alors un moment d’inversion de rôle, où celui qui devait normalement être consolé, console. Mais j’étais plutôt fort, car je savais que je ne mourrai pas de cette infection, mais je mourrai avec. Ce n’est pas cette maladie qui va me conduire à la tombe, c’est plutôt elle et moi », lance ce séropositif au mental fort.
La guerre contre un « foutu virus »
Tino (comme les gens l’appellent souvent) ne se cache pas. Il participe à plusieurs activités dans le cadre du VIH/Sida et donne des interviews à visage découvert, même aux médias internationaux.
M. Dokla déborde d’énergie, il voyage beaucoup et se bat aux côtés d’autres séropositifs, qu’il encourage et soutien.
« C’est une guerre que j’ai déclenché contre ce foutu virus », martèle-t-il.
Il participe à des campagnes de sensibilisation et aide les autres PVVIH, à avoir le mental très fort et à mieux vivre notamment, à travers l’ONG Espoir -Vie, la plus grande association des personnes vivant avec le Sida au Togo.
« Je suis arrivé à Espoir-Vie depuis 1999 au moment où je +mourrais+ pratiquement. A mon arrivée, j’ai vu deux pauvres dames qui se battaient aux côtés des PVVIH. C’est le même jour que j’ai pris la décision de me battre aux côtés des hommes et femmes de cette ONG. Je me suis dit : s’il faut mourir, je mourrai dans cette lutte-là. Depuis lors, je me suis totalement engagé dans l’ONG Espoir-Vie Togo », affirme M. Dokla.
Selon les récentes statistiques publiées par le Conseil National de Lutte contre le Sida (CNLS), la prévalence de l’infection par le VIH en 2017 au Togo est estimée à 2,1% au sein de la population générale âgée de 15- 49 ans.
Une PVVIH sur 2 est sous ARV, soit 51.320, avec une réduction de la mortalité liée au SIDA de plus de 40 % en 5ans, affichent les mêmes chiffres.
L’Objectif 3 de Développement Durable adopté par les Nations Unies en 2015, entend enrayer la pandémie de Sida d’ici 2030. Le Togo a pour sa part mis en place un plan stratégique de riposte du sida 2016-2020.
Selon Professeur Claver Anoumou du Programme National de lutte contre le Sida (PNLS), l’objectif de ce plan est de dépister 90% des personnes infectées, de mettre sous traitement antirétroviraux 90% de ces personnes dépistées et donner l’accès un traitement efficace à 90% de ces patients sous traitement antirétroviraux.
« Au Togo, beaucoup d’avancées indéniables ont été constatées sur le terrain. Mais, il faut travailler pour consolider ces acquis. Aujourd’hui, nous devons encore travailler pour extirper la stigmatisation et la discrimination dans nos comportements, dans nos propos et dans la manière dont nous regardons les personnes vivant avec le VIH/SIDA », relève M. Dokla.
Certains amis et proches de ce dernier, interrogés, n’ont pas manqué de qualificatifs.
« Dokla est un PVVIH exceptionnel. Mais j’avoue que cela est lié à son mental. C’est un homme mentalement fort », confie Adèle Houga, volontaire à l’ONG Espoir-Vie Togo.
Pour Emile Kouton, journaliste qui l’a plusieurs fois rencontré, Dokla, est un PVVIH à « décorer ». FIN
NB : Ce portait a remporté le 2è prix (catégorie Jeune) du concours organisé par le CONAPP, sur la thématique du Vih/Sida.
Edwige AKOTOH (Stagiaire)