Education: Drogba, l’attaquant qui se mue en défenseur des enfants ivoiriens (REPORTAGE)

« Fini les dix kilomètres à pied », s’exclame Serge Kouadio, 11 ans, du village de Pokou-Kouamékro à l’inauguration d’une nouvelle école offerte par la star Didier Drogba pour aider à promouvoir l’éducation dans cette zone rurale et cacaoyère de Côte d’Ivoire.

Jusqu’ici, cette bourgade de plus de 4.000 habitants, enclavée et poussiéreuse à 300 km au nord-ouest d’Abidjan, reliée au réseau routier par une piste pleine de trous, ne disposait que d’une petite école, non officielle, avec trois classes pour accueillir l’ensemble des enfants. Certains étaient obligés de parcourir une quinzaine de kilomètres par jour pour s’y rendre.

« Maintenant l’école est à ma porte » se félicite, le petit Kouadio, en classe de CE1, découvrant la plaque incrustée dans un mur de la nouvelle école : « EPP (Ecole primaire publique) Didier Drogba ».

A l’instar de ce gamin en joie, le petit village de planteurs de cacao a célébré comme l’inauguration d’une école toute neuve et la visite de l’ancien international Didier Drogba, qui a notamment joué à Marseille et à Chelsea.

« Drogba ! Drogba ! Drogba ayoka ! », (bienvenue en langue Bete) ont crié jeunes et anciens, à l’arrivée en hélicoptère de l’ancien capitaine des Eléphants, l’équipe nationale.

« C’est la première fois que je vois Drogba en personne. Je suis heureux », lance René Kouadio, étudiant et habitant du village.

La star, qui dirige une fondation à son nom, fortement impliquée dans l’éducation, a offert au village une école de six salles de classe, dotée d’une cantine scolaire, de latrines, d’un terrain de football et de trois maisons pour les enseignants.

« C’est une fierté, ça a été un travail de longue haleine », a-t-il lancé, habillé d’un t-shirt marron, casquette vissée sur la tête au milieu des enfants médusés. « Aujourd’hui je suis un homme très heureux. C’est une école d’excellence qui va relancer la scolarisation dans ce milieu rural et agricole ».

Didier Drogba, 39 ans, en semi-retraite à Phoenix (D2 nord-américaine), souhaite investir dans l’humanitaire dans son pays, en misant sur le secteur de l’éducation.

– Une alternative au travail des enfants –

« Le meilleur moyen d’avoir un impact sur l’avenir d’un peuple c’est de l’éduquer. Grâce à l’éducation, on évite pas mal de problèmes socio-ethniques. On apprend la tolérance et cela évite des guerres », a-t-il souligné, alors que la Côte d’Ivoire a subi près de quinze ans de crise politico-militaire. « L’éducation permet une stabilité politique, économique ».

La fondation du footballeur s’est associée au géant suisse de l’agroalimentaire Nestlé et à l’Initiative internationale pour le cacao (ICI, une organisation créée par l’industrie du chocolat), pour construire l’école de Pokou-Kouamékro.

« Didier Drogba est un modèle de courage, d’abnégation, de don de soi et d’excellence. Nous voulons faire de cette école un pôle d’excellence dans cette région productrice de cacao », a souligné Euphrasie Aka, coordinatrice de l’ICI.

La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao. Vital pour le pays, ce secteur représente 15% du PIB, plus de 50% des recettes d’exportation et surtout les deux tiers des emplois et des revenus de la population, selon la Banque mondiale.

Mais ces chiffres sont assombris par une réalité peu glorieuse : entre 300.000 et un million d’enfants travaillent dans la filière du cacao ivoirien, selon un rapport de l’ICI.

« L’alternative la plus crédible et efficace contre le travail des enfants dans les régions cacaoyères, c’est bien l’école », insiste Euphrasie Aka.

Pendant que Didier Drogba se livre, à la plus grande joie de ses fans, à un match exhibition puis à une séance de jongles sur le nouveau terrain, en bordure d’un champ de manioc, le chef du village de Pokou Kouamékro, Yao Kouakou, sanglé dans un pagne aux couleurs bigarrées, confie avec émotion :

« Nous pouvons maintenant rêver de voir sortir de ce village, un ministre ».

SOURCE : AFP