« Tous les matins, après mon café, je me sens prêt à attaquer ma journée », raconte Kofi Afadi, agriculteur ghanéen de 80 ans, avant de partir s’occuper de ses plantations de café, dans un pays qui a renoué très récemment avec ce type de culture.
« Dès qu’on en manque, je suis la personne la plus malheureuse des environs ! », dit-il.
Si des millions de personnes à travers le globe boivent un café matinal, cette habitude n’est pas si fréquente dans les petits villages d’Afrique de l’Ouest. Mais dans la région de la Volta, dans l’est du Ghana, les planteurs de cacao ont ressuscité la culture du café autrefois courante dans le pays.
Dans ces montagnes verdoyantes, les plantations de café, introduites dès le XVIIIème siècle, avaient quasiment disparu après l’effondrement des cours sur les marchés mondiaux dans les années 1980, explique Michael Owusu-Manu, chercheur agronome ghanéen.
Les agriculteurs se sont alors exclusivement concentrés sur le cacao, faisant du Ghana le deuxième exportateur au monde en la matière, derrière son voisin ivoirien.
Puis, au début des années 2010, c’est le cacao qui, à son tour, sombra à Wall Street. Pour atténuer les effets négatifs des soubresauts boursiers du cacao, le gouvernement ghanéen a alors décidé de diversifier l’agriculture et de relancer la culture du café dès 2011.
– Héritage familial –
D’autant que la demande ne cesse de grandir, sur le marché international comme local: la consommation mondiale augmente de 1,3% chaque année depuis 2012, selon l’organisation internationale du Café (OIC).
L’Etat a donc aidé à reconvertir 2.400 hectares de plantations en faisant don des premières semences de café à des petits agriculteurs et en leur fournissant de l’engrais pour démarrer cette production.
M. Afadi a ainsi reçu 900 graines du ministère de l’Agriculture. Il espère que sa première récolte, dans quatre ans, sera fructueuse. En attendant, il achète des grains torréfiés à des voisins.
Boire un café le matin, c’est pour M. Afadi un héritage et une fierté personnelle: son père plantait déjà ses propres fèves dans les années 1920, sur ces mêmes terres de Leklebi Fiape, à 200 kilomètres au nord-est d’Accra, la capitale.
Enfant, il regardait son père griller et moudre ses grains, les transformer en une poudre opaque noire et lourde. Comme celle qu’il fait infuser 80 ans plus tard.
Les poudres lyophilisées qu’on trouve au supermarché, particulièrement répandues dans les grandes villes d’Afrique de l’Ouest, n’ont « pas le goût du café », tranche-t-il. Il lui reste quatre ans pour convaincre ses compatriotes des bienfaits du robusta.
Cette production locale ghanéenne, réanimée mais récente, limitée et peu connue, peine toutefois à percer au Ghana, où les consommateurs ont leurs habitudes avec le café importé lyophilisé.
Pour Michael Owusu-Manu, le chercheur agronome, il faut désormais déployer une vraie stratégie marketing et nationale.
– ‘Business lucratif’ –
George Klu, 60 ans, possède deux grandes plantations et dirige l’industrie qui produit les graines pour le programme gouvernemental.
Il relève que le développement des plantations de café pourrait fournir de nouveaux emplois, notamment pour les jeunes Ghanéens dans les milieux ruraux, premières victimes du chômage.
« Nos jeunes ne veulent plus travailler dans l’agriculture », dit-il en coupant des broussailles à la machette. Mais « c’est une erreur, ce secteur est un business très lucratif », dit-il.
Les coffee shops qui se développent de plus en plus dans toutes les grandes villes africaines aident le café ghanéen à se révéler.
Klu a ouvert un coffee shop, le « Kawa Mako », où tous les « lattés », espressos ou autres « americanos » sont préparés avec des fèves exclusivement produites dans la région de la Volta.
Prince Twumasi Asare, son manager, note que la consommation ne cesse de progresser, particulièrement auprès de la jeunesse branchée des villes. Le Canadien Second Cup a ouvert son premier café en 2014 et en possède désormais six autres à Accra. Le Sud-africain Vida e Caffe, déjà présent dans sept pays d’Afrique, a lui aussi ouvert dans la capitale ghanéenne en 2015.
Et c’est désormais au tour des Ghanéens eux-mêmes avec le Bourbon House Cafe: sur sa page internet, ce nouveau concept, ghanéen, ambitionne de s’implanter « à travers tout le pays et dans d’autres régions d’Afrique de l’Ouest », imitant son concurrent nigérian Cafe Neo.
« Nous voulons exporter » notre production, conclut Prince Twumasi Asare. « Nous voulons qu’enfin les gens sachent que le café d’Afrique, le café du Ghana est une valeur de qualité. »
SOURCE : AFP