Cotonou, la capitale économique du Bénin, est célèbre pour ses milliers de motos-taxis, les zémidjans, qui envahissent ses rues aux heures de pointe. Mais l’émergence de la classe moyenne attise les envies d’investisseurs qui ont décidé de mener leur petite révolution des transports.
L’opportunité économique a gagné déjà les plus grandes villes d’Afrique de l’Ouest, où les seuls moyens de transports étaient le plus souvent des transports publics défaillants ou des taxis à prix âprement négociés.
Au Bénin, l’Ivoirien Africab, et la société Soft taxi ont déjà démarré leur course, rejoint plus récemment par Benin taxi, auquel l’Etat lui-même a décidé de s’associer, à travers un partenariat privé-publique.
Le projet pilote de Bénin-Taxi a été lancé au 1er juillet, avec une première flotte de 50 petits 4×4 flambant neufs, et 250 autres devraient arriver très prochainement sur le marché, assure Assan Séibou, directeur général du Centre de Partenariat et d’Expertise pour le développement durable, structure en charge du projet.
Les prix défient toute concurrence (à partir de 1.500 Francs CFA la course, soit 2,20 euros), que ses rivaux considèrent d’ailleurs comme déloyale.
« Les coûts sont trop bas et on pourrait y voir de la concurrence déloyale, surtout que c’est l’Etat qui accompagne Bénin Taxis », déplore un jeune conducteur de Soft Taxi qui vient d’empocher 3000 FCFA pour avoir déplacé une mère de famille et son enfant vers une clinique privée.
Mais le gouvernement voit dans ces nouveaux projets une opportunité économique et une source d’emploi pour les jeunes qui représentent environ 60% de la population.
L’économie béninoise se caractérise également par « un haut niveau d’informalité, estimée à environ 65% de l’économie totale et employant plus de 90% de la population active », selon la Banque Mondiale. Autant de manque à gagner pour l’Etat.
Lors de l’inauguration de Bénin Taxi, Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’Etat en charge du Développement déclarait que ce nouveau moyen de transport est « écologique, promet des emplois décents et renforce le partenariat public-privé ».
L’Etat finance la formation des chauffeurs et facilite des prêts avantageux aux jeunes nouveaux conducteurs : pendant 4 ans, les chauffeurs devront rembourser 9.000 FCFA par jour (13 euros) pour devenir à terme, propriétaires de leur voiture.
– Informel à formel –
Parmi eux, François Danto, la trentaine. Ce titulaire d’un BTS en tourisme était au chômage, comme l’immense majorité des jeunes diplômés béninois.
Il a été sélectionné parmi les 50 premiers chauffeurs et, depuis a fait du stade de l’Amitié de Cotonou son point de stationnement.
Sur les 9.000 FCFA qu’il doit rembourser quotidiennement, il ne parvient à verser que 6.000, ce qu’il gagne avec ces cinq courses environ par jour.
« Pour un début, ça peut aller », confie-t-il, certain que sa carrière de chauffeur connaitra des jours meilleurs.
Car transformer un secteur informel en secteur formel est un défi compliqué, et sur la rentabilité de l’activité, les avis sont partagés.
Un autre conducteur a rapporté à l’AFP sa difficulté à tenir son train de vie habituel. Il gagnait bien plus en revendant des cartes de recharge de téléphone qu’en devenant chauffeur de taxi.
Qu’importe. Pour Assan Séibou, responsable du projet, « il faut que l’environnement de déplacement change ». Il ambitionne d’ailleurs de le porter dans les grandes villes du pays, Porto Novo, Ouidah et Abomey-Calavi.
Un déploiement qui n’inquiète guère les chauffeurs de taxis historiques et les zémidjans.
Bertrand Lissanon, responsable d’une organisation locale de conducteurs de motos-taxis reste même imperturbable. Selon lui, les « zéms » n’ont rien perdu de leur clientèle. « Ceux qui vont dans ces taxis huppés, ce sont ceux qui avaient déjà du mal à prendre zémidjan », explique-t-il à l’AFP.
Les anciens maîtres du terrain non plus n’ont que faire des taxis pour « les riches ».
« Ces taxis neufs et propres avec ordinateur à bord ne peuvent pas ramasser les bagages des commerçantes que nous prenons depuis les quartiers les plus difficiles d’accès vers les marchés », ironise Sosthène, 47 ans, dont 10 passés à bord de son taxi.
« Je n’ose même pas parler du poids. Ils vont s’écrouler. Là-bas c’est du chic juste pour déplacer des personnes aisées ».
SOURCE : AFP