Par Mariëtte Le Roux, Laurence COUSTAL Paris (AFP) © 2017 AFP
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La découverte des plus anciens représentants connus de notre espèce, vieux de 300.000 ans, met à mal l’idée d’une évolution humaine linéaire issue d’Afrique de l’Est: l’homme d’aujourd’hui serait plutôt le fruit de groupes dispersés dans toute l’Afrique.
« Ces découvertes suggèrent que l’origine de notre espèce implique vraisemblablement de nombreuses populations réparties en Afrique avec des échanges de gènes périodiques entre elles », a expliqué à l’AFP Matthew Skinner de l’Université du Kent au Royaume-Uni.
Le Français Jean-Jacques Hublin, directeur du département d’Evolution humaine à l’Institut Max Planck de Leipzig (Allemagne), et son équipe ont annoncé mercredi avoir mis au jour au Maroc des restes d’Homo sapiens datant de 300.000 ans. « Un coup de vieux de 100.000 ans » pour notre espèce mais pas seulement.
Car selon les chercheurs, les cinq Homo sapiens retrouvés à Jebel Irhoud ne seraient pas les seuls représentants de notre espèce a peupler l’Afrique à cette époque. Bien au contraire, ils devaient être nombreux et répartis sur l’ensemble du continent.
– ‘Au moins deux autres espèces’ –
Tous les hommes actuels ne descendraient donc pas d’une population qui vivait en Afrique de l’est, d’un jardin d’Eden éthiopien. Et d’une façon plus globale, la représentation de l’évolution de l’homme par un singe qui se redresse et qui devient un bipède humain serait trop schématique, trop simpliste.
Pour arriver à l’homme d’aujourd’hui, la nature aurait été beaucoup plus inventive que ce que l’on pensait, aurait utilisé des « ingrédients » plus variés.
L’annonce de la découverte des restes les plus anciens de notre espèce, Homo sapiens, peint une image passionnante et complexe de ce qu’était la Terre il y a 300.000 ans, selon les experts.
« Cette espèce de +zoo humain+ est assez fascinante, on s’éloigne de plus en plus de cette vision linéaire de l’évolution humaine avec une succession d’espèces qui viennent les unes au bout des autres », a expliqué Jean-Jacques Hublin. « Toute l’Afrique a participé au processus », a-t-il ajouté.
De plus, cette nouvelle date laisse penser qu’en Afrique, l' »Homo sapiens a pu coexister avec au moins deux autres espèces, l’Homo heidelbergensis et l’Homo naledi », a expliqué à l’AFP Lawrence Barham de l’Université de Liverpool.
– ‘Coexistence de groupes différents’ –
On savait qu’à l’époque où l’Homo sapiens peuplait l’Afrique, des néandertaliens vivaient en Europe, des dénisoviens en Asie, des Homo floresiensis à Flores… mais il y avait des séparations géographiques importantes entre tous ces groupes.
« Maintenant ce qui est en train d’émerger est beaucoup plus troublant: la coexistence de groupes différents non pas dans des régions du globe différentes mais en Afrique », a expliqué Jean-Jacques Hublin.
« Cette belle découverte complète notre vision en montrant encore plus combien tout cela a été +buissonnant+ », explique le paléoanthropologue Antoine Balzeau pour qui « si on devait représenter l’évolution, ce serait plutôt un gros buisson, avec de multiples branches, pas quelque chose de tout droit ».
Pour le paléoanthropologue du Musée de l’Homme, même l’utilisation du terme « descendre » ne convient pas du tout à l’évolution humaine. « On ne pourra jamais trouver le vrai premier d’une espèce car il n’existe pas vraiment », a ajouté Antoine Balzeau.
Le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin présente un crâne d’Homo Sapiens découvert au Maroc, le 6 juin 2017 à Paris | AFP | PATRICK KOVARIK