Nigeria: Boko Haram « n’a été chassé de nulle part », affirme son chef Shekau dans une vidéo

L’insaisissable chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, a diffusé jeudi une nouvelle vidéo dans laquelle il conteste les affirmations du gouvernement nigérian selon lesquelles le groupe jihadiste a été chassé de la forêt de Sambisa, un de ses derniers bastions dans le nord-est du pays.

« Nous sommes en sécurité, nous n’avons été chassés de nulle part. Et les tactiques et les stratégies ne peuvent pas révéler notre position, sauf si Allah le veut », affirme Shekau, entouré de combattants cagoulés et armés, dans une vidéo de 25 minutes.

Le président nigérian Muhammadu Buhari avait déclaré samedi que l’armée avait « écrasé » Boko Haram dans la forêt de Sambisa où l’armée mène des opérations depuis plusieurs mois, assurant pour la énième fois que le conflit entrait dans sa phase finale.

Shekau, annoncé mort à de nombreuses reprises par les autorités nigérianes, apparaît en bonne forme physique sur cette nouvelle vidéo.
Il était apparu pour la dernière fois dans une vidéo fin septembre, où il affirmait être « en parfaite santé » alors que l’armée nigériane avait annoncé l’avoir grièvement blessé dans des combats.

« Vous ne devriez pas mentir aux gens. Si vous nous avez écrasés, comment pouvez-vous me voir ainsi? Combien de fois nous avez-vous tués ? », fanfaronne le chef rebelle.
Le leader de Boko Haram ne précise pas où il se trouve, mais affirme que la vidéo a été tournée le 25 décembre, jour de Noël.

S’exprimant tour à tour en arabe et en haoussa, il profère de nouvelles menaces contre l’armée et les Nigérians, promettant de continuer à se battre jusqu’à l’établissement d’un califat islamique dans le nord du pays.
« Vos soldats veulent avoir un répit, c’est pourquoi ils ont dit qu’ils ont terminé le travail », ajoute-t-il. « La guerre n’est pas terminée (…) Ô peuple du Nigeria, vous n’avez pas encore de répit ».
« Notre but est d’établir un califat islamique et nous avons notre propre califat, nous ne faisons pas partie du Nigeria ».

Zones de repli

Après plusieurs revers militaires, de nombreux combattants fidèles à Shekau s’étaient retranchés dans cette forêt de quelque 1.300 km2, située dans l’Etat du Borno.

Si l’annonce de la reprise de la forêt de Sambisa est une bonne nouvelle pour le pays, de nombreux insurgés n’ont pas été capturés par l’armée et sont toujours actifs.

« La pression sur Sambisa force un certain redéploiement pour Boko Haram mais l’organisation possède de nombreuses zones de repli limitrophes à la forêt et au Nigeria », analyse Yan St-Pierre, directeur du Modern Security Consulting Group. « Un des avantages de Boko Haram a toujours été sa mobilité ».

En outre, « Shekau dispose encore de solides appuis dans la région, Boko Haram ayant forgé un vaste réseau lui permettant de demeurer une menace », estime le consultant spécialisé dans les questions terroristes.

Boko Haram, qui avait prêté allégeance au groupe Etat islamique en 2015, est par ailleurs déchiré depuis plusieurs mois par des luttes de pouvoir entre factions rivales.

L’Etat islamique avait annoncé en août avoir remplacé Shekau à la tête du mouvement par Abou Mosab Al Barnaoui, un des fils du fondateur de Boko Haram, Mohammed Yusuf. Les combattants de cette faction opèrent davantage sur les bords du lac Tchad, où l’armée est également présente.

Les autorités d’Abuja ont souvent revendiqué des victoires contre la filiale de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest, mais très peu d’informations indépendantes remontent du terrain.

L’accès au nord-est du pays, immense territoire aux confins du Tchad, du Cameroun et du Niger, reste strictement contrôlé par l’armée et le gouvernement, ce qui rend la répression du mouvement jihadiste quasiment impossible à évaluer.

Et bien qu’ils aient perdu de larges pans de territoire face à l’armée nigériane et ses alliés régionaux, les islamistes poursuivent des attaques ciblées et des attentats meurtriers, principalement contre des civils.

L’insurrection de Boko Haram, qui s’est étendue au-delà des frontières du géant ouest-africain, a fait plus de 20.000 morts et environ 2,6 millions de déplacés depuis 2009, provoquant une grave crise humanitaire dans la région. D’après l’Onu, environ 14 millions de personnes ont besoin d’une aide d’urgence dans l’État du Borno, épicentre du conflit.

SOURCE : AFP